Hélicoptères Caracal : La France met la Pologne devant ses responsabilités

Par Michel Cabirol  |   |  984  mots
Airbus Helicopters et ses partenaires, dont le motoriste Turbomeca, vont créer plus de 3.000 emplois en Pologne, dont 1.250 emplois directs et environ 2.000 indirects
La France "n'estime pas envisageable la remise en cause de l'appel d'offres" par la Pologne portant sur la vente de 50 hélicoptères de transport militaire Caracal (H225M) d'Airbus Helicopters

Droit dans ses bottes Jean-Yves Le Drian. Le ministre de la Défense s'est opposé mardi à toute remise en cause de l'appel d'offres pour la vente de 50 hélicoptères de transport militaire Caracal (H225M) à la Pologne, lors d'un entretien à Paris avec son homologue polonais, Antoni Macierewicz. "On n'estime pas envisageable la remise en cause de l'appel d'offres", a-t-on indiqué dans l'entourage de Jean-Yves Le Drian alors que le nouveau gouvernement conservateur polonais conteste le choix des Caracal par l'équipe précédente. Fin novembre, le nouveau ministre avait  évoqué "une relance de l'appel d'offres" si Varsovie n'obtient pas gain de cause sur un programme d'investissements compensatoires d'Airbus en Pologne.

"C'est difficile d'accepter qu'un appel d'offres qui a été gagné soit remis en cause pour des raisons politiques. Cela voudrait dire qu'on a un problème politique avec les pays qui l'ont contracté", a-t-on ajouté de même source.

Un message clair de la France vis-à-vis de la Pologne si d'aventure elle relançait un nouvel appel d'offres. "Il fallait mettre les Polonais devant leurs responsabilités, cela a été fait par le ministre, explique-t-on à La Tribune. La France ne peut pas être bafouée comme cela". La Pologne, gouvernée alors par les libéraux centristes, a opté en avril 2015 pour l'achat de 50 hélicoptères multi-rôles fabriqués par Airbus Helicopters, estimés à plus de 3 milliards d'euros. Les contrats définitifs n'ont toutefois pas été signés et les négociations se poursuivent avec le constructeur, notamment sur les offset. Coté industriel, on y croit encore. "On avance dans une logique gagnante", explique-t-on à La Tribune.

Plus de 3.000 emplois créés en Pologne par Airbus si...

La nouvelle majorité conservatrice critique le choix d'Airbus, au nom de la défense des usines polonaises de défense. Ce qui est faux. Car Airbus Helicopters et ses partenaires, dont le motoriste Turbomeca, vont créer des emplois en Pologne. De l'ordre de 1.250 emplois directs et environ 2.000 indirects. Notamment à Lodz (800 emplois directs) et Radom (250). Dans le cadre du contrat s'il était définitivement signé, le constructeur basé à Marignane a signé en 2013 un accord industriel avec le polonais WZL 1. Cette entreprise basée à Lodz et spécialisée dans la maintenance aéronautique assemblera le Caracal si le constructeur signe le contrat. En outre, le groupe Airbus a ouvert en février 2015 un centre de recherche et de développement à Lodz, en Pologne.

De son côté, le motoriste et partenaire d'Airbus Helicopters dans cet appel d'offre, Turbomeca, installera aussi une chaîne d'assemblage pour les turbines du H225M à Lodz. Safran a déjà pour sa part une usine implantée à Sedziszow Malopolski dans le sud-est de la Pologne (Hispano-Suiza) et qui emploie plus de 500 personnes. Elle produit des pignons et des carters pour les transmissions de puissance et fait le montage. Elle produit des composants pour moteurs d'avions, d'hélicoptères et de nacelles.

Les sites italiens et américains dans les circonscriptions du PiS

Les sites d'AgustaWestland, qui propose l'AW149 et Sikorsky (S-70) sont basés dans les circonscriptions du PiS depuis 2011. D'où le parti pris des responsables du PiS pendant la campagne, notamment du ministre de la Défense polonais. Le groupe italien avait racheté en 2010 l'usine de PZL à Swidnik (sud), qui produit des hélicoptères Sokol utilisés dans les opérations de sauvetage, la lutte contre les incendies et le transport, notamment militaire. Ils sont vendus en Pologne, en République tchèque et en Corée du Sud. Sikorsky Aircraft produit, quant à lui, dans son usine de Mielec (sud) sa nouvelle version de l'hélicoptère Black Hawk, S70i, destinée à l'exportation.

Antoni Macierewicz avait exprimé l'espoir que l'américain Sikorsky et l'italo-britannique AgustaWestland, qui disposent d'usines en Pologne et qui ont vivement protesté contre le choix d'Airbus, participent à un nouvel appel d'offres éventuel. Selon la presse polonaise, Varsovie prendra sa décision finale à la mi-février, après une réunion des ministres de la Défense de l'Otan consacrée aux préparatifs du prochain sommet de l'Alliance où les conservateurs polonais souhaitent obtenir un renforcement de la présence de l'Otan en Pologne.

Visiblement un moyen de pression pour Paris sur Varsovie. Plutôt que de "multiplier les centres de commandement ou les sites", "il faut qu'on ait des forces très réactives, capables d'être projetées très vite", estime-t-on au contraire au ministère français de la Défense.

Une message politique qui agacerait beaucoup Paris

Une remise en cause de l'appel d'offres enverrait un "message politique de retrait par rapport au partenariat stratégique développé ces dernières années" avec la Pologne,  a-t-on souligné au ministère français de la Défense. La France a ainsi déployé des forces militaires (avions, chars Leclerc, moyens navals..) dans l'est de l'Europe, notamment en Pologne, dans le cadre des mesures de réassurance de l'Otan après l'annexion de la Crimée par Moscou, Varsovie s'inquiétant des ambitions régionales de son puissant voisin russe, a-t-on rappelé. Elle a aussi "renoncé, notamment à la demande des Polonais, à la livraison des bâtiments (de guerre) Mistral" à la Russie, a-t-on ajouté de même source.

Ce contrat si il était enfin signé pourrait mettre fin à une période de disette pour les industriels français, qui font régulièrement un "bide" commercial à Varsovie. Sur la période 2010 et 2014, la Pologne, qui préfère acheter américain, allemand ou israélien, a ainsi royalement commandé à l'industrie tricolore 73,8 millions d'euros d'équipements militaires, selon le dernier rapport au Parlement 2015 sur les exportations d'armement de la France publié. D'une façon plus générale, Paris souhaiterait opérer un rééquilibrage des relations commerciales avec la Pologne dont l'Allemagne est devenu le premier partenaire avec près de 26 % du marché polonais contre 6 % seulement pour la France.