En ordre de bataille. Dans un document important publié mardi et signé par la ministre de la Défense allemande Annegret Kramp Karrenbauer et l'inspecteur général de la Bundeswehr (armée allemande), Eberhard Zorn, le ministère de la Défense souhaite développer des outils stratégiques de planification pour renforcer de façon cohérente les capacités des forces armées allemandes et développer une culture stratégique : mise en œuvre d'une loi fédérale de programmation financière et création d'un Conseil national de sécurité. A travers ce document, l'Allemagne affiche sa volonté de renforcer son influence, via la Bundeswehr, sur le plan européen et international. Le ministère souhaite également réactualiser la défense du territoire national.
Dans ce document de sept pages, la France, qui se plait toujours à évoquer le couple franco-allemand dans le domaine de la défense, n'est citée... qu'une fois. Au même titre qu'Israël, l'Australie et le Japon. Au-delà de ce point, le ministère tire un constat lucide sur l'état de son armée. "La Bundeswehr est toujours sous-financée dans le budget de la défense ces dernières années, malgré des hausses importantes", est-il notamment écrit. Pour y remédier, le ministère souhaite in fine atteindre l'objectif de 2% des dépenses de défense par rapport au PIB pour satisfaire les critères de l'OTAN.
Des priorités à court terme et à long terme
Pour disposer d'un outil capacitaire performant, la Bundeswehr doit être "davantage modernisée", estime le ministère. Dans ce cadre, une loi fédérale mettra en œuvre un document de planification "sur une base solide et pluriannuelle", un peu à l'image de la loi de programmation militaire (LPM) française, en vue de financer les forces armées. A court terme, le ministère a fixé des priorités dans certains domaines, qui feront l'objet de décisions rapides. Ainsi, en mars 2021, il présentera une évaluation complète sur la défense aérienne allemande. Puis, plus concrètement, à la fin du premier trimestre, il transmettra au Bundestag le projet du drone MALE européen. L'Eurodrone est sous leadership allemand et est réalisé en coopération avec la France, l'Italie et l'Espagne.
Au deuxième trimestre, il prendra la décision d'acquérir un hélicoptère de transport lourd (Chinook de Boeing ou CH-53K King Stallion de Sikorsky). Enfin, en avril 2021, le ministère présentera un plan sur la protection du territoire allemand (protection des espaces aérien, maritime et numérique, protection des approvisionnements et des voies commerciales). En revanche, le ministère n'a pas de mis de priorité sur le Tigre Mark3, pourtant décidé par Berlin et Paris en 2017, qui visiblement attendra...
A plus long terme, l'Allemagne souhaite développer les compétences high-tech dont elle a pour certains domaines "un besoin urgent". Sa sélection sera guidée par des critères clairs : De quelles menaces devons-nous nous protéger ? Qu'est-ce qui est faisable et rapidement disponible ? Qu'est-ce qui renforce l'Allemagne en tant que pôle industriel et technologique et qui crée des emplois? Que peut-on se procurer en coopération avec nos partenaires européens et internationaux ? Et surtout ce qu'il y a de mieux pour les forces armée? Des critères qui éclairent sur la façon dont l'Allemagne espère tirer profits des coopérations pour renforcer son industrie.
Vulnérabilités de l'Allemagne
L'Allemagne a également pris conscience de ses vulnérabilités. Car elle constate que dans des zones géographiques ou des pays, "l'armée est à nouveau considérée comme le principal moyen pour résoudre les conflits", observe le ministère, qui cite comme zones de conflit l'Ukraine, la Syrie, la Libye et, plus récemment, le le Haut-Karabagh, qui a vus s'affronter l'Azerbaïdjan et l'Arménie.
En outre, le ministère constate que de nouveaux systèmes d'armes technologiques fragilisent la défense des frontières, des infrastructures critiques et même ses forces armées : drones, satellites tueurs ou missiles hypersoniques. "Nous sommes mal armés contre certaines de ces menaces aujourd'hui", note le ministère. Enfin, pour l'Allemagne, la Russie reste une puissance déstabilisatrice : elle "a utilisé la force militaire dans son voisinage et fabrique des armements conventionnels et nucléaires massifs".
Peser plus sur la scène internationale
D'une manière générale, l'Allemagne aspire à peser de plus en plus dans les relations internationales et la gestion des crises à l'étranger. "En raison des rôles que l'Allemagne veut et doit remplir, la politique de sécurité et de défense allemande est toujours multinationale et la Bundeswehr est l'un de ses instruments essentiels", explique le ministère.
Ce qui implique en conséquence le développement des moyens capacitaires de la Bundeswehr pour la protection d'une part de ses "propres intérêts et objectifs", d'autre part son "implication dans la planification de l'OTAN et de l'UE". Avec une priorité pour une zone de sécurité qui va des États baltes aux Balkans, de la Méditerranée à la mer du Nord et la mer Baltique. Avec la France et ses partenaires européens, Berlin veut donner plus de pouvoir à l'UE en matière de politique de sécurité. Sans oublier bien sûr l'OTAN, pierre angulaire de la défense de l'Europe pour l'Allemagne.
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