Le 1er juillet, l'Allemagne a pris 13 ans après la présidence du Conseil de l'Union européenne (UE). Dans ce cadre, Berlin a publié le 30 juin ses objectifs en matière de sécurité et la défense. Pas de surprise, l'Allemagne persiste et signe : l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) "est et reste la pierre angulaire de la sécurité et de la défense" en Europe. Si l'Allemagne souhaite renforcer l'Union européenne (UE) dans le domaine de la défense, c'est pour mieux l'intégrer dans la stratégie de l'OTAN. "L'UE et l'OTAN peuvent apporter une valeur ajoutée décisive pour accroître la résilience aux crises futures", estime Berlin. Et d'enfoncer le clou en assurant que "le pilier européen de l'OTAN sera également renforcé par une coopération accrue entre les États membres de l'UE dans le domaine de la sécurité et de la défense". On est loin, très loin de la vision gaullienne sur la souveraineté.
L'Allemagne s'est fixé l'objectif de doter l'Europe d'un outil stratégique baptisé "boussole stratégique", qui permettra aux États membres de l'UE de donner à la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) "une orientation stratégique commune". Cet outil est destiné "à fournir plus de clarté sur les objectifs et à permettre une planification des capacités civiles et militaires axée sur les objectifs", souligne Berlin. La "boussole stratégique" contribuera en principe dans un premier temps au développement d'une culture stratégique européenne, en analysant la menace et en définissant des intérêts partagés. C'est la première fois qu'une telle analyse des menaces pourrait être mise en place au niveau européen. Au-delà, les États européens pourraient développer des compétences communes en développant des systèmes d'armes complexes et chers.
OTAN, OTAN et OTAN
Pour l'Allemagne, c'est et cela reste donc OTAN, OTAN, OTAN. Cette posture affichée de l'Allemagne balaie définitivement le vœu pieux (?) d'Emmanuel Macron et de la France de dessiner enfin une défense européenne souveraine. Une fois posé ce dogme, l'Allemagne peut consentir à la marge à développer une résilience européenne, voire une Europe forte ayant une capacité d'agir. "L'intention est de travailler activement pour garantir que l'Europe consolide et étend son rôle en tant qu'ancrage efficace de la stabilité et acteur mondial dans la gestion des crises internationales", estime Berlin. Ce qui est pour la France et de nombreux observateurs, contradictoire. Car s'il doit y avoir souveraineté européenne, elle ne se partage pas avec les États-Unis, qui font la pluie et le beau temps au sein de l'OTAN.
Et en même temps, l'Allemagne s'est donné comme objectif de développer "davantage" de capacité opérationnelle de l'UE et de garantir la sécurité des forces déployées. C'est pour cela, souligne-t-elle, que "les processus de planification et de direction doivent être améliorés", estime Berlin. D'autant que les États européens ont des ressources limitées. Dans ce cadre, la capacité de planification et de conduite militaires (MPCC) vise à développer davantage les structures de gestion des opérations et des missions de la politique de sécurité et de défense commune. Cette planification doit être coordonnées au sein de l'UE et de... l'OTAN. Par ailleurs, l'Allemagne plaide pour un renforcement des compétences numériques et cybernétiques de l'UE. "L'objectif est d'augmenter la résilience numérique des États membres", souligne-t-elle, sans préciser si l'Europe souhaite être souveraine.
Finalisation du fonds de défense
L'Allemagne s'est également donnée pour objectif de finaliser la création d'un Fonds européen de défense (FED). Le montant de ce fonds devait initialement s'élever à 13 milliards d'euros sur la période 2021-2027. Soit 1,8 milliard d'euros par an sur sept ans. Mais ce fonds ne fait pas l'unanimité des pays membres de l'UE, dont certains ont cherché à le raboter. La présidence finlandaise avait d'ailleurs réussi à diviser le montant par deux (6,5 milliards d'euros), la France a mis tout son poids pour le faire revenir à des montants plus raisonnables (9 milliards). Les discussions sont toujours en cours pour le doter d'un montant maximum. En outre, Berlin souhaite faire aboutir le fonds Facilité européenne pour la paix (FEP), en remplacement de la Facilité de soutien à la paix pour l'Afrique et le mécanisme Athéna. Doté de 10,5 milliards d'euros, ce fonds serait financé hors du budget pluriannuel de l'UE.
L'Allemagne souhaite également traiter la participation des pays tiers aux projets de coopération structurée permanente (CSP), qui fait beaucoup débat au sein des pays de l'UE. D'autant que l'administration américaine a exercé beaucoup de pressions auprès des pays de l'UE pour que les groupes américains puissent participer aux programmes européens. Ce travail d'influence a dévoilé au grand jour les désaccords entre membres de la CSP sur la participation de pays tiers. Les intérêts industriels européens et le défi posé par l'extraterritorialité des normes américaines ITAR sont au centre de toutes les divergences. Il serait vraiment ubuesque de voir les pays européens demandaient in fine aux États-Unis l'autorisation de pouvoir exporter un système d'arme, pourtant financé en Europe, à un pays tiers... Une Europe souveraine et autonome n'est vraiment pas pour demain.
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