Moscou coupe les ailes de Transaero au profit d'Aeroflot : Airbus et Boeing grands perdants

Transaero est poussée à la faillite et ses repreneurs potentiels sont découragés. Aeroflot est en passe de retrouver une position de quasi-monopole.

L'enterrement de Transaero est un vrai feuilleton. Seconde compagnie aérienne russe derrière Aeroflot, et première parmi les compagnies privées, Transaero se bat depuis septembre pour trouver un repreneur, tandis que le Kremlin dessine autour du mourant un cercle de feu.

C'est d'abord Aeroflot (contrôlé à 51% par le Kremlin) qui s'y est mis, proposant de racheter 75% de Transaero pour un rouble symbolique. Acculée par les créanciers, la famille Pleschakov, qui détient 75% de Transaero, a accepté. Mais Aeroflot a finalement renoncé, pour des raisons obscures.

Est alors entré en lice "S7", la 3e compagnie russe (10% du marché). Entièrement privée et réputée la compagnie la mieux gérée du pays, S7 a proposé le 20 octobre d'acquérir 51% de Transaero, en prenant à sa charge la dette.

Les grandes banques russes créancières de Transaero ont applaudi des deux mains à cette offre. Mais, dès le lendemain matin, le régulateur russe douchait les espoirs en annulant le certificat d'exploitation de Transaero, clouant tous les avions au sol à partir du 26 octobre. Le message du Kremlin était clair et, finalement, S7 a jeté l'éponge le 3 novembre.

Comme le note Alexeï Sinitsky, expert du transport aérien:

"S7 avait le choix entre rester avec ses 10% du marché et voir Aeroflot se transformer en quasi-monopole."

Aeroflot contrôle aujourd'hui un gros tiers du marché russe, auquel il aurait pu ajouter les 14% de Transaero.

Annexion de la Crimée, dévaluation du rouble... tourisme en berne

Pourquoi Transaero, qui affichait une solide croissance de son chiffre d'affaires (20% par an, contre 15% pour la moyenne du marché), s'est-elle retrouvée dans une impasse ? Pariant sur l'augmentation régulière de la demande depuis le milieu des années 2000, la direction de la compagnie s'est lourdement endetté (3,8 milliards d'euros aujourd'hui). Et s'est trouvée piégée par le revirement politique imprévu du Kremlin.

L'annexion de la Crimée par la Russie, l'année dernière, a conduit à des sanctions financières dont sont victimes les emprunteurs russes, et surtout à une forte dévaluation du rouble, ce qui a durement frappé l'industrie touristique. Or, le modèle d'affaires de Transaero reposait largement sur les lignes internationales (70% du chiffre d'affaires).

Le jeu du Kremlin

La façon dont le pouvoir dépèce Transaero et redistribue ses restes en dit long sur ses objectifs.

Aeroflot récupère temporairement un tiers (56 exactement) des 156 lignes internationales de Transaero, soit exactement ce que la compagnie d'Etat avait demandé. S7 voulait 24 lignes mais n'a obtenu que Taiwan, qui est très problématique en raison de l'absence de relations diplomatiques entre les deux pays.

"Aujourd'hui, les décisions cruciales ne sont pas le fait de mécanismes du marché, mais le fait du pouvoir", averti Sinitsky.

Va-t-on assister à une monopolisation finale du secteur, ou bien un duopole Aeroflot-S7 émergera-t-il avec un niveau acceptable de concurrence ?

"Les derniers développements montrent que c'est la première variante qui est la plus probable, même si les jeux ne sont pas faits", prédit l'expert.

Les perdants sont les voyageurs russes, mais aussi Airbus et Boeing

Les médias russes annoncent désormais une forte inflation du prix du billet d'avion pour les voyageurs russes. Les autres perdants sont les constructeurs.

L'essentiel des 97 avions (15 ans et demi d'âge moyen) constituant la flotte de Transaero provient du leasing, mais, pour améliorer son image, quelques grosse commandes ont été passées. En conséquence, Airbus va devoir trouver d'autres acheteurs pour quatre A380 et vingt A330 (8 A330ceo et 12 A330neo), tandis que Boeing se retrouve avec quatre 747-8I sur les bras.

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Commentaire 1
à écrit le 09/11/2015 à 19:30
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En russie, le dépeçage des compagnies privés profite surtout a quelques oligarques bien placés. Heureusement, nos pro poutine vont nous expliquer que c'est pour le bien des russes

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