Trafic maritime : les temps sont devenus beaucoup plus durs pour la piraterie en 2021

Le MICA Center (Maritime Information Cooperation & Awareness Center) a recensé 317 actes de piraterie et de brigandage en 2021, contre 375 en 2020.
Michel Cabirol
(Crédits : MICA center)

Pirates, flibustiers, corsaires... Les temps sont durs pour s'emparer de nouveaux butins. Ainsi la piraterie (actes commis dans les eaux internationales) et le brigandage (eaux territoriales) maritimes ont baissé en 2021 de façon significative au niveau mondial alors qu'ils étaient jusqu'ici stables depuis 2016. Basé à Brest, le MICA Center (Maritime Information Cooperation & Awareness Center) a recensé 317 actes de piraterie et de brigandage en 2021, contre 375 en 2020, une année pourtant où le trafic maritime avait fortement ralenti en raison de la pandémie. Soit un recul de 15% par rapport à 2020. Cette diminution est particulièrement marquée dans le Golfe de Guinée où 52 faits, dont 19 attaques, ont été relevés en 2021, contre 115 en 2020. "Cette menace, qui nécessite une approche globale de la sûreté maritime, semble contenue et ne progresse plus", souligne le chef d'état-major de la marine, l'amiral Pierre Vandier, dans le bilan 2021 du MICA Center.

"Cette baisse drastique est analysée comme le résultat d'une prise de conscience des acteurs internationaux et régionaux, qui conduisent désormais ensemble des actions concrètes contre l'insécurité maritime dans la zone et se dotent d'un cadre juridique adapté", a expliqué dans un communiqué la marine nationale.

En 2021, les cinq principales approches maritimes affectées par le phénomène de piraterie et de brigandage ont concerné l'arc antillais (51 faits recensés) et le détroit de Singapour (51). Loin devant le Pérou (23), les Philippines (14) et le Yémen (10). Mais au-delà des actes de piraterie et de brigandage, le MICA Center a constaté l'année dernière l'émergence de nouveaux phénomènes parmi lesquels la narco-piraterie en Amérique latine où les cartels adoptent des comportements de pirates pour introduire la drogue sur les navires, et la contrebande et la contrefaçon en Asie/Océanie.

Les pirates du golfe de Guinée sous haute surveillance

Dans le golfe de Guinée, le phénomène de piraterie mais aussi de brigandage dans les zones de mouillages d'attente a fortement diminué, notamment dans les eaux territoriales du Nigeria (8 contre 43 événements en 2020), a constaté le MICA Center. Résultat, le nombre d'actes de kidnappings a brutalement chuté en 2021 de 60% par rapport à 2020 (10 contre 25). Le MICA Center reste prudent estimant que cette tendance doit être confirmée dans la durée. "Alors que les incidents de la fin 2021 prouvent que les groupes de pirates sont toujours actifs, il est prudent d'attendre le printemps pour conclure sur la pérennité de cette tendance", estime-t-il. D'autant qu'il a été observé une recrudescence d'attaques dans les eaux de Sao Tomé-et-Principe, en particulier en fin d'année.

"Le golfe de Guinée reste le point chaud de la piraterie dans le monde, avec des rapports faisant état de violences et d'enlèvements d'équipages contre rançon", affirme pour autant l'IFC IOR (Information Fusion Centre - Indian Ocean Region) dans le rapport du MICA Center.

Pourquoi cette baisse ? "Un ensemble de facteurs humains, environnementaux, politiques et sécuritaires peut expliquer cette tendance sans qu'il soit pour autant possible de déterminer précisément l'impact de chacun d'entre eux", analyse le MICA Center. Les mauvaises conditions météorologiques au cours de l'été et du début de l'automne peuvent en partie expliquer la baisse des incidents en haute mer. "Toutefois, cette baisse drastique s'analyse plutôt comme le résultat d'une prise de conscience des acteurs internationaux et régionaux, qui s'associent pour conduire des actions concrètes", estime le centre.

En mai 2021, l'association de transport maritime BIMCO a publié une Déclaration sur la répression de la piraterie dans le Golfe de Guinée. Les signataires ont appelé à soutenir les actions des États côtiers du golfe de Guinée et les efforts législatifs et capacitaires déployés. Dans ce contexte, les commandants de navire suivent dans cette zone des mesures pour déjouer ou ralentir de plus en plus d'attaques. La mobilisation et la coordination de navires militaires permet de dissuader des attaques de pirates de plus en plus aguerris. Enfin, la montée en puissance des marines locales mieux équipées et mieux coordonnées permet également d'avoir une efficacité opérationnelle accrue grâce
notamment à la conduite de patrouilles conjointes. Enfin, la sécurisation des ports et des mouillages effectué de plus en plus par des compagnies privées de sécurité limitent le brigandage.

Réduction des actes de piraterie en Mer Rouge...

L'ensemble de l'arc antillais demeure une zone où les vols sont habituels sur les navires de plaisance. Ils ont majoritairement lieu en saison sèche, au plus fort de la période touristique, sans occasionner de violences envers les équipages, observe le MICA Center. Les îles les plus touchées sont les Antilles néerlandaises (24 incidents), la Grenade (13) et les Antilles françaises (14). Pour autant, la mer des Caraïbes est une zone où "la menace piraterie et brigandage est jugée faible". Pourquoi ? Une flotte de navires de guerre principalement américains, français, anglais et néerlandais se déploie toute l'année en barrage aux trafics venus d'Amérique du Sud. En outre, de nombreux vols d'avions de patrouille maritime sont effectués quotidiennement. Seule ombre au tableau, Haïti : les vols ont lieu sur des navires de commerce au mouillage à Port-au-Prince. "Malgré une nette baisse du nombre d'incidents en 2021, le phénomène reste dangereux pour les équipages qui se font menacer par armes à feu et brutaliser", prévient le MICA Center.

En mer Rouge et dans le golfe d'Aden, la piraterie semble également éradiquée. Grâce à l'action dissuasive de l'opération Atalanta de l'Union européenne et des autres opérations anti-piraterie ainsi que grâce à l'application des Best Management Practices par la communauté maritime, "la piraterie ne constitue plus une menace avérée sur les navires" même si "des approches suspectes sont régulièrement reportées, et des actes de brigandage dans les eaux somaliennes restent possibles", estime dans le rapport du MICA Center l'Amiral commandant la zone maritime de l'océan Indien (Alindien). Cette analyse est confirmée par l'IFC IOR : "Bien que la piraterie au large de la Somalie ait été largement réduite, certaines attaques renforcent le sentiment d'insécurité notamment pour les navires transitant près des côtes somaliennes".

Régulièrement, les navires reportent effectivement des approches d'embarcations suspectes au large du Yémen, spécialement aux abords du détroit de Bab-el-Mandeb et à l'embouchure de la mer Rouge, précise le MICA Center. Plus généralement, les contours maritimes de la péninsule arabique demeurent  soumis aux tensions entre pays de la région, notamment la guerre du guerre du Yémen. "La menace d'attaques par drone doit être tout particulièrement prise au sérieux dans les approches maritimes", estime le centre. Cela a été le cas avec l'attaque du pétrolier israélien Mercer Street, qui a provoqué la mort de deux membres d'équipage, par un drone aérien en mer d'Arabie.

... et en Asie du Sud-Est

Le nombre d'événements relevés en Asie du Sud-Est en 2021 par le MICA Center montre globalement une nette diminution (86 incidents, contre 96 en 2020) qui cache de fortes disparités par sous-région même si cette région a enregistré en 2021 un nombre similaire de vols mineurs qu'en 2020. "Le contrôle relativement strict des armes dans la région peut expliquer l'utilisation d'armes blanches par les pirates en Asie du Sud-Est, précise le MICA Center. Toutefois, il a été signalé que les auteurs de ces vols portaient sporadiquement des armes à feu". Selon l'Information Fusion Centre (IFC) cité dans le rapport, "alors que le nombre global de ces événements a diminué d'environ 22% en 2021, on constate une augmentation de 32% des incidents impliquant des confrontations avec l'équipage ou la présence d'armes, en particulier à l'extrémité est du Dispositif de Séparation du Trafic, dans le détroit de Singapour".

Dans le détroit de Singapour, "l'augmentation régulière des incidents observée les années précédentes se confirme avec 51 actes relevés cette année, ce qui correspond à plus de la moitié des événements de la zone Asie du Sud-Est", observe le MICA Center. L'année 2021 marque le pic le plus important d'activités de brigandage depuis 2015 avec 51 événements reportés, tous sur des navires en route. La présence de brigands armés a fortement augmenté ainsi que leur degré de violence. Aussi, ni les efforts produits par Singapour, la Malaisie et l'Indonésie, ni les nombreuses mesures prises afin de juguler cette menace notamment le renforcement des Malacca Strait Patrol et une coopération accrue au travers de l'IFC de Singapour avec l'ensemble des acteurs du maritime, ne parviennent à inverser la tendance. En revanche, depuis quelques années, le détroit de Malacca "n'est plus en soi une zone à risque".

Michel Cabirol

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Commentaire 1
à écrit le 10/01/2022 à 8:07
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2011 est une année qui marque la baisse constante de la criminalité dans les pays occidentaux, un phénomène analysé de multiples façons chacun voulant en tirer les bénéfices mais mouvement non officiellement défini. Ya plus que les vieux qui regarden...

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