Guerre ou pas en Ukraine, les intérêts nationaux reprennent le dessus. Ainsi, après la Pologne, c'est au tour de la Hongrie d'interdire les importations de céréales et d'autres produits agricoles depuis l'Ukraine voisine pour protéger ses agriculteurs. Le ministre hongrois de l'Agriculture a indiqué dans un message sur Facebook que son pays avait interdit l'importation de produits agricoles en provenance d'Ukraine. Les deux pays ont indiqué que leurs interdictions étaient valables jusqu'au 30 juin. Varsovie interdit les importations ukrainiennes de céréales, de sucre, de viande, des fruits et légumes, du lait, des œufs et d'autres produits alimentaires. De son côté, Budapest vise les céréales, les oléagineux et plusieurs autres produits agricoles ukrainiens, indique un communiqué du ministère hongrois de l'Agriculture diffusé par l'agence de presse MTI.
La Commission européenne a critiqué dimanche la décision de la Pologne et de la Hongrie de suspendre les importations de céréales et d'autres denrées alimentaires en provenance d'Ukraine, rappelant que la politique commerciale dans l'Union européenne relève de sa prérogative exclusive. « Dans ce contexte, il est important de souligner que la politique commerciale relève de la compétence exclusive de l'UE et que, par conséquent, les actions unilatérales ne sont pas acceptables », a déclaré le porte-parole de la Commission dans un communiqué envoyé par courrier électronique. « En ces temps difficiles, il est crucial de coordonner et d'aligner toutes les décisions au sein de l'UE », a précisé le communiqué.
Chute du prix des céréales en Pologne
Les céréales ukrainiennes destinées à des pays étrangers transitent par l'Union européenne depuis que l'itinéraire traditionnel d'exportation via la Mer Noire est bloqué par l'invasion russe. Mais, en raison de problèmes logistiques, des stocks de céréales s'entassent en Pologne, faisant chuter les prix locaux, ce qui a conduit à des manifestations d'agriculteurs et à la démission du ministre polonais de l'Agriculture. L'interdiction polonaise, entrée en vigueur samedi soir, s'appliquera également au transit de ces produits à travers le pays, a déclaré dimanche le ministre du Développement et de la Technologie, Waldemar Buda, sur Twitter.
« Aujourd'hui (samedi), le gouvernement (polonais, ndlr) a décidé d'interdire l'entrée, les importations de céréales en Pologne ainsi que de dizaines d'autres produits agroalimentaires », a déclaré le chef du parti au pouvoir, Jaroslaw Kaczynski, dans le village de Lyse, dans le nord de la Pologne. Autrement, « cela conduirait à une grave crise du secteur agricole en Pologne », a-t-il estimé.
Waldemar Buda a précisé que les discussions auraient lieu prochainement avec les autorités de Kyiv pour élaborer un système garantissant que les céréales ukrainiennes transitant par la Pologne ne restent pas sur le marché local. Selon l'agence de presse ukrainienne Ukrinform, de premières discussions à ce sujet devraient avoir lieu lundi. selon les données officielles ukrainiennes, quelque 3 millions de tonnes de céréales quittent l'Ukraine chaque mois via la mer Noire en vertu d'un accord conclu sous l'égide des Nations unies et de la Turquie, alors que 200.000 tonnes sont acheminées à travers la Pologne vers des ports européens.
Le mois dernier, la Pologne et quatre autres États d'Europe centrale avaient déjà demandé l'aide de l'Union européenne pour trouver une solution au problème provoqué par le prix bas des céréales ukrainiennes. Dans son communiqué, Budapest souligne que « le gouvernement attend une solution permanente et l'adoption de mesures de l'UE », en soulignant la nécessité de défendre « les intérêts de la communauté agricole hongroise ».
Varsovie tente de concilier l'inconciliable
S'adressant à l'occasion d'un meeting de son parti Droit et Justice (PiS), Jaroslaw Kaczynski a souligné que la Pologne continuait néanmoins à fermement soutenir l'Ukraine. « Nous restons, sans le plus petit changement, des amis et des alliés de l'Ukraine », a-t-il affirmé.
Le ministère ukrainien de la Politique agricole a toutefois dit samedi « regretter la décision de son homologue polonais ». « Les agriculteurs polonais font face à une situation difficile mais nous tenons à souligner que les agriculteurs ukrainiens font face, quant à eux, à la situation la plus grave » en raison de la guerre, a commenté le ministère. Ce dernier a proposé que les deux pays trouvent un accord au cours des prochains jours de nature à mutuellement les satisfaire.