La baguette de pain, joyau de la gastronomie française inimitable mais menacé

LA TRIBUNE WEEK-END. Symbole de la France, la baguette est cependant un produit relativement récent et en constante évolution. Malgré quelque 6 milliards de baguettes qui sortent annuellement des fournils, ce pain est menacé par la mondialisation et les changements d'habitudes alimentaires.
De la farine, de l'eau, de la levure et du sel: la recette est simple mais l'art est difficile pour ce joyau de la gastronomie française qui sera à l'honneur dans le pays lors de la traditionnelle Fête du pain les 13-19 mai et que la France compte inscrire en 2021 au patrimoine mondial de l'Unesco.
De la farine, de l'eau, de la levure et du sel: la recette est simple mais l'art est difficile pour ce joyau de la gastronomie française qui sera à l'honneur dans le pays lors de la traditionnelle Fête du pain les 13-19 mai et que la France compte inscrire en 2021 au patrimoine mondial de l'Unesco. (Crédits : Reuters)

Le boulanger Jean-Yves Boullier se lève à 2H00 du matin et la première chose qu'il regarde c'est la météo: à prendre en compte pour réussir une baguette parfaite, que la France compte inscrire en 2021 au patrimoine mondial de l'Unesco.

"Rater la baguette, cela peut arriver, on est très dépendant de la météo, on doit prendre la température des pâtes, de l'eau, du fournil", explique le boulanger. "Idéalement il faudrait qu'il fausse chaud- mais pas plus de 22 degrés - humide, mais pas trop, sinon les pâtes relâchent et le pain se ramollit."

De la farine, de l'eau, de la levure et du sel: la recette est simple mais l'art est difficile pour ce joyau de la gastronomie française qui sera à l'honneur dans le pays lors de la traditionnelle Fête du pain les 13-19 mai.

Parce qu'outre les gestes indispensables comme un pétrissage lent, une longue fermentation, un façonnage à la main et une cuisson dans un four à sole, tout repose sur un savoir-faire, expliquent les professionnels.

"Le secret de la bonne baguette: beaucoup de temps et une fermentation lente. Notre baguette de tradition est pétrie la veille, elle est en bac entre 18 et 24 heures avec très peu de levure, cela lui permet de prendre des arômes", explique Jean-Yves Boullier, de la boulangerie Le Moulin de la Croix Nivert à Paris.

Sa définition de la baguette parfaite?

"Très alvéolée, croustillante, avec mie grasse et beaucoup de goût."

Symbole de la France, la baguette est cependant un produit relativement récent et en constante évolution.

"Le mot baguette apparaît au début du 20e siècle et ce n'est qu'entre les deux guerres qu'il se banalise. Au départ la baguette est considérée comme un produit de luxe, les classes populaires mangent des pains rustiques qui se conservent mieux. Puis la consommation se généralise, les campagnes sont gagnées par la baguettes dans les années 1960-70", explique à l'AFP Loïc Bienassis de l'Institut européen de l'histoire et des cultures de l'alimentation.

Le "décret pain" pour protéger les boulangers

En 1993, le "décret pain" instaure l'appellation de "la baguette de  tradition française" qui vise à protéger les artisans boulangers et leur impose en même temps des exigences très strictes, interdisant les additifs.

"En 1988 quand j'ai commencé, on ne faisait pas de baguettes dans l'après-midi. En 1993, on a dû se remettre en question, se renouveler pour concurrencer les grandes surfaces", souligne Jean-Yves Boullier qui cuit des baguettes tout au long de la journée.

La baguette "courante" est toujours vendue quelque centimes moins cher, mais au niveau du goût c'est "incomparable" par rapport à la "tradi".

"La baguette de tradition est pétrie en première vitesse ce qui permet de ne pas abîmer la farine", souligne le boulanger.

A cause du rythme de travail, les boulangers peinent à recruter

"Je me lève à 2 heures du matin, on commence à diviser les pâtes qu'on a préparées la veille jusqu'à 5 heures, on les met en forme, à 5h30 on commence à cuire pour l'ouverture à 6h30. Jusqu'à 9 heures, on cuit les baguettes pour les écoles, puis on commence à préparer les pâtes pour le lendemain. Ma journée se termine vers 13h30", détaille-t-il.

Un rythme qui fait que les boulangeries peinent à recruter.

Et malgré quelque 6 milliards de baguettes qui sortent annuellement des fournils, ce pain est menacé par la mondialisation et les changements d'habitudes alimentaires.

"La consommation a fortement diminué depuis 10-15 ans", souligne Jean-Yves Boullier qui se réjouit d'une possible inscription de la baguette au patrimoine immatériel de l'humanité.

Lien social et changements d'habitudes alimentaires

Autrefois aliment des riches, la consommation de la baguette comme celle de la viande décline surtout dans les classes aisées qui optent pour les pains au levain, plus intéressants du point de vue nutritionnel, selon Loïc Bienassis.

"Les céréales ont remplacé les tartines, les adolescents ne prennent souvent pas de petit-déjeuner, les hamburgers supplantent le jambon-beurre", énumère l'historien qui fait partie du comité scientifique qui prépare le dossier pour l'Unesco.

Le sociologue de l'alimentation Eric Birlouez, qui fait partie du même comité, insiste sur le côté de tisseur des liens sociaux du pain.

"12 millions de Français franchissent la porte de la boulangerie, un lieu bienveillant et convivial, où se croisent toutes les générations où on laisse les clés ou envoie des enfants pour leurs premières courses", souligne-t-il.

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Commentaires 6
à écrit le 13/05/2019 à 20:32
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La mode ces dernières années : c’est aussi faire son pain soi même avec les ingrédients de son choix ( farine semi- complète bio , sarrasin ...) C’est un retour à des savoir faire à la maison et en famille. Idem pour les yaourts en pot de verre ...

à écrit le 13/05/2019 à 7:12
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Comme le rappelle judicieusement l'article,la baguette s'est généralisée récemment et les classes populaires lui préféraient les pains rustiques qui se conservent plus longtemps. Retour de balancier, aujourd'hui ce sont ces pains rustiques qui ont le...

à écrit le 13/05/2019 à 4:04
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Non, la baguette est encore bien vivante et meme tres protegee. Toutes les grandes capitales du monde proposent cette merveille. Ici a Seoul, c'est la surenchere du meilleur pain, a Tokyo idem, en Chine a Beijin....

à écrit le 12/05/2019 à 14:14
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N'était il pas plus simple de réserver le mot baguette à ceux qui produisent la "baguette de tradition française" et imposer aux grandes surfaces et autres points chauds un autre terme pour désigner leur produit, par exemple "pain de consommation ra...

à écrit le 12/05/2019 à 12:00
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J'ai noté dans le nord de la france cette horreur du pain sucré qui remplace le vrai pain, même la baguette de base, dégueulasse et pourtant servi aussi dans les restos ! Il faut protéger la baguette et ensuite... la chocolatine ! :-)

à écrit le 12/05/2019 à 10:31
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L'inscrire au PM de l'Unesco, pourquoi pas. Cependant, la baguette d'aujourd'hui n'a rien à voir avec la baguette d'antan ! Le blé, génétiquement modifié contient une quantité de gluten astronomique, rendant certes la baguette tendre et moelleu...

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