
Comme le bleu des Causses, le roquefort ou la fourme d'Ambert, le bleu d'Auvergne est classé E, la pire note du système Nutri-Score, censé aiguiller les consommateurs dans leurs achats face aux risques de la malbouffe sur leur santé.
Alors, certains producteurs, comme Nicolas Cussac, préfère s'en passer. « Nous, on n'applique pas le Nutri-Score », clame-t-il, préférant mettre en avant l'authenticité de ses fromages traditionnels plutôt que les notations du système d'étiquetage nutritionnel français entré en vigueur le 31 octobre 2017, et repris depuis par plusieurs pays européens.
Des produits industriels mieux notés que des AOP
« Comment expliquer que le bleu d'Auvergne soit classé E alors que des frites avant leur cuisson dans l'huile sont notées A ? », s'interroge Sébastien Ramade, président de l'association des fromages AOP d'Auvergne qui produit 38.000 tonnes par an (soit 20% des fromages AOP au lait de vache). L'association auvergnate demande leur exclusion du système d'étiquetage, comme elle l'a déjà pu faire par le passé.
« Le Nutri-Score pousse les industriels à modifier leurs recettes (... ), alors que nous ne pouvons pas le faire. Notre logo, notre cahier des charges suffisent à rassurer le consommateur », estime ce producteur de saint-nectaire.
Pour Stéphanie Lopes, diététicienne à Clermont-Ferrand, le Nutri-Score « pose question » car il « ne prend pas en compte le degré de transformation des aliments ». Quant aux fromages AOP, « comme nous en avons en Auvergne, ils sont intéressants dans le sens où ce sont des minéraux naturellement présents dans les matières premières qui composent le fromage. Dans le cadre d'une ration équilibrée, cela va très bien pour répondre à nos besoins ».
Un produit que l'on consomme en petite quantité
François Champeau, fromager à Clermont-Ferrand, sort un autre argument :
« Le Nutri-Score est basé sur 100 grammes de produit, c'est le problème pour nous car ce n'est pas comparable avec ce que les gens vont consommer. Le fromage, c'est toujours une toute petite part de notre repas, 30 grammes en moyenne. »
Et de prendre l'exemple du Parmigiano Reggiano « très gras » : il « sera noté de façon catastrophique mais c'est avant tout un condiment, que l'on consomme en petite quantité ».
L'effet ne serait pas « catastrophique dans l'immédiat sur notre clientèle si la vitrine est couverte de rouge ou orange », la couleur des notes E et D du Nutri-Score, dit-il. En revanche, il redoute plutôt des conséquences à long terme, notamment sur les nouvelles générations.
« 90% des consommateurs plébiscitent » le Nutri-Score
Il a effectivement des raisons de s'inquiéter. L'épidémiologiste et nutritionniste Serge Hercberg, fondateur du Nutri-Score, lancé il y a cinq ans, note que « 90% des consommateurs le plébiscitent et souhaitent qu'il devienne obligatoire sur tous les produits » et « 57% disent que cela influence leurs choix alimentaires, des taux qui augmentent chaque année ».
Aujourd'hui, ajoute-t-il, « 875 marques l'ont adopté, qui représentent quelque 60% du marché alimentaire, de plus en plus d'industriels l'adoptent, dont certains l'avaient combattu violemment par le passé ». Il précise par ailleurs que le Nutri-Score « n'est qu'un élément d'une politique publique de santé et qu' il doit être combiné à d'autres initiatives ».
Par ailleurs, l'Union européenne cherche d'ailleurs une solution consensuelle d'étiquetage nutritionnel après avoir écarté le Nutri-Score, cible d'une fronde menée par l'Italie qui y voit une menace pour son industrie agroalimentaire, mais aussi sa gastronomie.
(avec AFP)
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