Shein vise plus grand. L'entreprise chinoise de la « fast fashion », a déposé de manière confidentielle une demande d'introduction en Bourse aux Etats-Unis, a rapporté lundi soir le Wall Street Journal, ce qui pourrait en faire l'une des sociétés chinoises les plus importantes en termes de capitalisation cotée à New-York.
La marque de prêt-à-porter à bas prix a enregistré 23 milliards de dollars de chiffre d'affaires et 800 millions de dollars de bénéfice net en 2022. Elle a également déclaré aux investisseurs que l'entreprise avait généré un chiffre d'affaires et des bénéfices records pour les trois premiers trimestres de 2023, rapporte le Wall Street Journal.
Une introduction prévue pour 2024
Et cette introduction « pourrait avoir lieu en 2024, ont indiqué des sources proches du dossier », écrit le Wall Street Journal, qui précise que des médias chinois avaient également fait état de cette demande. Les banques Goldman Sachs, JPMorgan Chase et Morgan Stanley, ont été chargées de rédiger l'offre, ajoute le quotidien économique. Contactées par l'AFP, les deux premières n'ont pas souhaité s'exprimer et Morgan Stanley n'a pas donné suite.
Shein a commencé à organiser de discrètes présentations aux investisseurs en vue de son introduction en Bourse, a déclaré l'une des sources. Mais il n'est pas encore clair si l'entreprise chinoise a déposé un dossier auprès de la Commission chinoise de réglementation des valeurs mobilières (CSRC) en vue de son introduction en Bourse aux États-Unis, les entreprises chinoises devant obtenir l'autorisation de la CSRC avant de pouvoir se coter à l'étranger.
Une des plus importantes valorisations en Bourse
Shein avait été valorisé 66 milliards de dollars plus tôt cette année, et cette introduction en Bourse pourrait être l'une des plus importantes depuis des années, détaille le Wall Street Journal. Bloomberg a rapporté début novembre que le groupe espérait ainsi lever jusqu'à 90 milliards de dollars. « Comme il s'agit d'un acteur important et novateur dans le secteur de la vente au détail, Shein suscitera beaucoup d'intérêt de la part des investisseurs », explique Neil Saunders, directeur général de GlobalData.
Sumeet Singh, analyste chez Aequitas Research, explique de son côté que les grandes entreprises comme Shein se tournent vers les marchés de capitaux en raison des taux d'intérêt élevés et en prévision d'éventuels changements dans les réglementations américaines pour les détaillants. « C'est probablement la meilleure solution pour eux en ce moment », complète-t-il.
Pourtant le projet de Shein s'inscrit dans un contexte boursier en demi-teinte : trois des quatre grandes dernières introductions en Bourse - celles du fabricant allemand de sandales Birkenstock BIRK.N, de l'application de livraison de produits alimentaires Instacart CART.O et du concepteur de puces Arm Holdings ARM.O - ayant été mitigées.
« Il ne me semble pas qu'il s'agisse du moment le plus opportun pour une introduction en Bourse de Shein, mais si le groupe a besoin de capitaux, les marchés sont ouverts (...) et le sentiment des investisseurs est plus positif qu'il y a quelques semaines », commente ainsi Jason Benowitz, gérant de portefeuille senior chez CI Roosevelt.
Des vêtements peu coûteux mais des externalités négatives fortes
Fondé en 2008 en Chine et désormais basé à Singapour, Shein a rapidement conquis le marché mondial de la « fast fashion », basée sur le renouvellement rapide des collections à très petits prix, et ne vend qu'en ligne, ciblant une jeune clientèle s'abreuvant aux réseaux sociaux. L'entreprise expédie, de plus, la majorité de ses produits directement de Chine à ses clients par avion dans des colis individuels, une stratégie qui lui a permis d'éviter l'accumulation d'invendus et d'échapper aux droits de douane américains.
Mais les pratiques de l'entreprise ont très vite été critiquées. Accusée de travail forcé, d'incitation à la surconsommation, montrée du doigt pour l'impact environnemental de ses produits et peu transparente sur sa production, la marque s'attire les foudres des défenseurs de l'environnement et des droits humains.
En juillet, le gouvernement français avait d'ailleurs indiqué vouloir « combattre avec détermination » le modèle économique de l'entreprise chinoise emblématique de la fast fashion SheIn qu'il juge responsable de « dégâts immenses » tout à la fois pour l'environnement, les humains et le secteur du textile. La mise en place en 2024 d'un « éco-score » est sur la table. Et « une taxation plus forte pour des produits qui viendraient de l'autre bout du monde » est par ailleurs envisagée par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire afin d'éviter « des importations qui puissent arriver à des prix défiant toute concurrence », avait énoncé Bérangère Couillard, secrétaire d'Etat chargée de l'Écologie.
(Avec agences)