
La Tribune - Renault peut-il produire encore en France ?
Carlos Tavares - Dans chaque région du monde, 80% des voitures que nous vendons sont produites dans la zone. La production en France est donc tirée essentiellement par le marché européen. Je ne demande pas aux usines françaises d'avoir les performances économiques de l'Inde ou de la Chine. Je leur demande d'être compétitives par rapport aux autres sites européens. L'Alliance Renault-Nissan a deux sites très performants de référence : l'usine Renault de Palencia (Espagne) et celle de Nissan à Sunderland (Grande-Bretagne). Il n'y a pas de raison a priori qu'on soit moins performant en France qu'en Espagne. Oui, on peut produire en France. Mais il faut un dialogue avec les partenaires sociaux. En période de crise, il est nécessaire d'avoir une convergence entre tous les acteurs pour se donner les moyens de reconstruire la compétitivité. Quand la création de richesse est faible, tout le monde doit accepter des compromis.
Vous avez déclaré récemment qu'il y avait 1.300 euros d'écart de coûts entre les Clio IV produites à Flins et en Turquie. Ce différentiel est-il rédhibitoire ?
Non, car 40% seulement de cet écart sont imputables aux conditions salariales.
En quoi les pouvoir publics peuvent-ils vous aider ?
Il faut promouvoir ce que l'on sait faire. Renault est ainsi extrêmement innovant dans la voiture électrique. C'est une formidable opportunité. Nous avons déjà trois modèles commercialisés et bientôt un quatrième. Nous avons là ce que les constructeurs allemands n'ont pas. Or, je constate que la France a installé moins de bornes de recharge que la Norvège ou les Pays-Bas. Il suffirait que l'on soit plus actif sur ce plan pour que ça sécurise les clients et fasse décoller le marché de l'électrique.
Comment Renault affronte-il aujourd'hui la crise ?
L'entreprise est capable de survivre grâce à notre croissance rentable hors d'Europe. On a fait 500 millions d'euros de marge opérationnelle au premier semestre, avec un flux de trésorerie négatif de 100 millions. Ce sont des résultats acceptables dans le contexte actuel, mais trop faibles, qui démontrent la fragilité de l'entreprise. Trois éléments nous tirent d'affaire. Tout d'abord, le succès de la gamme « Entry » (NDLR : Logan, Sandero, Lodgy, Duster et maintenant Dokker). Nous allons en vendre près d'un million en 2012 avec une très bonne rentabilité. Les marges sont nettement supérieures à 6%. Ensuite, nous gardons la tête hors de l'eau grâce à l'internationalisation. En 1999, nous vendions 11% de nos véhicules hors d'Europe. En 2013, nous dépasserons les 50%. Enfin, on partage les coûts avec Nissan.
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