Histoires de voitures : Renault Espace, une sacrée "camionnette"

Il va être enfin remplacé en 2014. Le Renault Espace a bien failli ne jamais voir le jour. Né du génie visionnaire de Philippe Guédon, le patron de Matra Automobiles, et de l'intuition automobile de Bernard Hanon, alors PDG de Renault, l'Espace aura été produit à plus d'1,2 million d'unités à ce jour. Après un formidable engouement, le pionnier du monospace européen a vieilli. Troisième volet de notre série d'été sur les voitures mythiques qui ont écrit l'histoire de l'automobile des cinquante dernières années. Et qui roulent toujours!
Renault Espace IV restylé / DR

Il aurait dû s'appeler Talbot (ex-Simca). Seulement, voilà : PSA a dit non à Matra ! Et c'est comme ça qu'est né le... fameux Renault Espace, auquel la notoriété du groupe au losange doit tant. Vous n'avez pas tout compris ? Normal. Cet Espace a eu une genèse pour le moins compliquée. Et il s'en est fallu de peu qu'il ne voit jamais le jour. Reprenons depuis le début. Dans les années 70, Matra Automobiles conçoit et produit des véhicules pour Simca, qui appartient à Chrysler France.

A la fin de la décennie, il fabrique le coupé Bagheera avec une mécanique Simca (remplacé par le Murena en 1980) et surtout le Rancho, un faux 4x4 de loisirs (à traction avant) précurseur des « Crossovers » ou autres « SUV » actuels, sur la base d'une fourgonnette Simca 1.100 VF. Lancé en mars 1977, ce modèle sera produit à raison de 56.457 exemplaires jusqu'en 1983. Un incontestable succès... en France.

Mais, malgré cette réussite, Philippe Guédon, le génial patron de Matra Automobiles, pressent qu'il lui faut frapper un nouveau coup pour assurer l'avenir du site Matra de Romorantin (Loir-et-Cher). Impressionné par la mode naissante des « vans » américains, récréatifs, familiaux et ludiques, il propose un prototype, le Projet P16, en 1979 à l'état-major de... PSA, qui vient entretemps de reprendre les activités européennes de Chrysler, auxquelles appartenait Simca !

Simca (devenu Talbot) - Matra Rancho (1977 - 1983)


(photo : Wikipédia, crédit Julien Florent)

Démarrage en 1983

PSA se montre intéressé au départ. Mais, le groupe est en pleine tentative de redressement de Citroën - le rapprochement date de 1974 - puis de Chrysler Europe à bout de souffle, dont il rebaptise les modèles Talbot. Il a donc d'autres chats à fouetter. Par ailleurs, plutôt conservateur, PSA reste dubitatif devant des concepts trop révolutionnaires. Philippe Guédon joue alors son va-tout et décide de changer de partenaire. Il se tourne vers Renault avec le Projet P23 sur une plate-forme de la marque de Boulogne-Billancourt. Bien vu.

Renault Espace I


(photo : Wikipédia, crédit selbst)

Passionné également d'automobile et visionnaire, Bernard Hanon, alors PDG de la Régie, lui dit banco. Les choses vont très vite, comme Philippe Guédon sait le faire. En juin 1983, Renault et Matra signent un accord de coopération, prévoyant « l'étude et la fabrication par Matra, à partir d'organes mécaniques Renault, de véhicules commercialisés par le réseau européen de Renault ».

Une architecture révolutionnaire

Six mois plus tard, sortent des chaînes solognotes de Matra les premiers modèles de pré-série. La production de série débute, elle, en mars 1984, pour une commercialisation en juillet. Juste après les Chrysler Town & Country, Dodge Caravan et Plymouth Voyager, qui deviendront en Europe le premier concurrent de l'Espace sous le nom de Chrysler Voyager. Bernard Hanon ne sera toutefois plus là. Suite à des pertes abyssales, le PDG à qui Renault devra sa fabuleuse aventure de l'Espace est brutalement remercié cette même année et remplacé par Georges Besse.

D'emblée, l'Espace séduit la presse par sa cabine avancée, sa position de conduite haute, son plancher plat, son habitabilité et sa modularité records dans un gabarit inférieur à celui d'un Scénic aujourd'hui, les énormes surfaces vitrées et la gaieté de ses coloris ainsi que de ses tissus de sièges, son confort, son agrément de conduite. On dit de lui qu'il ressemble au nouveau TGV. Un véhicule polyvalent à la carrosserie en polyester stratifié et fibre de verre, dont l'architecture monospace va créer un tout nouveau segment prometteur en Europe.

Renault Espace II


(photo : Wikipédia, crédit Rudolf Stricker)

Peu d'engouement au début

Mais, si tout le monde en parle, les clients ne se précipitent pas immédiatement... c'est le moins qu'on puisse dire. A peine neuf exemplaires seront vendus en juillet 1984 avec une production de 5.900 sur l'année. Car cette voiture coûte le même prix que le haut de gamme de Renault, la R25. Alors même qu'elle a look de camionnette aux yeux de beaucoup... Pas complètement faux, puisque l'engin reprend les phares du fourgon Traffic. En plus, aussi génial soit-il, l'Espace est mal fini - pire que les autres Renault qui n'étaient déjà pas terribles en ce temps-là. Peintures et plastiques se défraîchiront notamment très vite.

Mais, après un départ lent, voire catastrophique, l'Espace finira par conquérir les familles et... s'imposera même progressivement comme le haut de gamme de Renault, au fur à mesure du déclin des berlines (Safrane puis Vel Satis). L'Espace, conçu et produit par Matra, contribuera même largement à imposer l'image innovante de Renault dans les années 80 et 90. Ce sera l'exemple type de la « voiture à vivre », illustrant à merveille le slogan de la firme au losange dans ces années-là.

Copié par tout le monde

Cet Espace sera même américanisé pour être vendu aux Etats-Unis. Mais la revente d'AMC (avec Jeep) par Renault à Chrysler en 1987 stoppera les ambitions américaines. Même sans ce marché, la production atteindra les 47.800 unités en 1990 et les 191.700 au total. La deuxième génération, aux formes nettement plus arrondies est, elle, commercialisée à partir de 1991. 65.500 unités trouvent preneur en 1992. 316.500 exemplaires seront produits jusqu'en 1997. L'Espace II a réellement trouvé sa place. Et les concurrents (Peugeot 806 et Citroën Evasion en 1994, Volkswagen Sharan et Ford Galaxy en 1995...) n'auront de cesse de le copier.

La troisième génération, encore plus aboutie, est présentée en octobre 1996, quelques semaines après que le cap des 500.000 exemplaires a été franchi. L'Espace III battra le record de production annuel à 71.200 exemplaires en 1999, pour des volumes totaux de 365.200, encore davantage que l'Espace II...

Renault Espace III


(photo : Wikipédia, crédit Rudolf Stricker)

L'Espace IV purement Renault

En 2002, viendra le grand chambardement. Jaloux des marges de Matra, Renault décide en effet de produire et de fabriquer l'Espace IV chez lui, à Sandouville (Seine-Maritime), sur une plate-forme commune avec la Laguna II et la Vel Satis, avec une carrosserie en tôle. Histoire aussi de mieux maîtriser la fiabilité. La qualité médiocre due à la fabrication artisanale à Romorantin devient en effet inacceptable à l'aube du vingt-et-unième siècle.

D'ailleurs, Renault a des objectifs de volumes extrêmement ambitieux pour cette quatrième mouture, qui dépassent les capacités de production de Matra. Ce sont les années d'euphorie, où Renault se veut « Créateur d'automobiles » et parie sur son haut de gamme. Des versions V6 à essence et diesel sont même prévues pour souligner la montée en gamme. En tous cas, la décision de rapatrier l'Espace sonnera injustement le glas de Matra Automobiles, qui sombre alors corps et biens...

Une fin de vie discrète

L'Espace IV, mieux fini, plus huppé dans sa présentation, mieux motorisé, connaîtra certes des années fastes, culminant en 2003 à 65.300 véhicules produits dans l'année. Mais, ces scores resteront inférieurs à ceux des meilleures années de l'Espace III de Matra. Malgré les discours prometteurs de Renault, il ne sera d'ailleurs pas franchement plus fiable que le précédent.

Les pannes à répétition durant les premières années de production, l'évolution des goûts de la clientèle vers des véhicules type « SUV » et la stagnation technique et esthétique du modèle que Renault laissera vieillir faute de moyens et d'idées précises pour le remplacer feront progressivement tomber le célèbre Espace dans l'oubli. Il s'en est produit 365.200 unités entre 2002 et 2012, soit autant que d'Espace III... mais en deux fois plus de temps ! Sandouville en a assemblé seulement 12.930 en 2012, la plus mauvaise année de l'histoire du monospace, le malus écologique lui apportant le coup de grâce.

Renault Espace IV (avant restylage)


(Photo : Copyright DR)

Le renouveau promis

Mais, bonne nouvelle : après 1,2 million d'Espace depuis les débuts et pas mal d'atermoiements, Carlos Tavares, directeur général délégué de Renault, a décidé de lui donner enfin un successeur, qui arrivera en 2014 sur une toute nouvelle plate-forme modulaire de l'Alliance Renault-Nissan (la « CMF »), avec une fabrication à Douai (Nord). Pour son quarantième anniversaire. Ouf.

L'Espace V se veut même le premier jalon d'un complet renouvellement du haut de gamme de Renault, promis par le dirigeant. Le modèle devrait même inaugurer le label de luxe complètement revisité de la firme, « Initiale Paris ». C'est dire si le modèle est attendu. Ouf ! On a vraiment eu peur qu'un des véhicules les plus  marquants dans l'histoire de l'automobile ne meure dans l'oubli.

Lire aussi :

>>> Histoires de voitures : la Golf, "Das Auto" (1/5)

>>> Histoires de voitures : la Porsche 911; une survivante qui a...50 ans (2/5)

>>> Histoires de voitures : la Mini, une maxi-saga anglo-germanique (4/5)

>>> Histoires de voitures : le pick-up Ford "F", 65 ans et toujours pas à la retraite (5/5)

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Commentaires 15
à écrit le 17/09/2013 à 12:10
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Le temps passe vite... "Pour son quarantième anniversaire. Ouf." Non non, juste son 30e anniversaire. C'est déjà pas mal...

à écrit le 21/08/2013 à 23:06
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C'est vraiment le véhicule entouré de petites histoires.. j'en connais quelques unes, notament : - Lors de la présentation du P16 à Peugeot, le véhicule était équipé d'une foultitude de pièce de la marque Peugeot (optiques de 604 si mes souvenirs so...

à écrit le 20/08/2013 à 23:06
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A tous, Bcp de mesquinerie ds vos commentaires comme tjrs à charge pour Renault. Après 1 Grand scenic 07places de 2008 (jade=full option), je me suis laissé tenté en début d'année par un Grand Espace 4 de 2007 en V6 3.5 Essence. C'est un véhicule hor...

à écrit le 08/08/2013 à 3:27
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Elle est affreuse, tout droit sorti d'un cauchemar, faudrait me payer pour monter là-dedans!!! :(

le 09/08/2013 à 19:05
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Merci de votre analyse, mais votre subjectivité n'intéresse pas grand monde ici

à écrit le 07/08/2013 à 19:28
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C'est une belle voiture qui fait le bonheur de notre famille de trois enfants pour partir loin. Notre modèle qui est pourtant essence totalise 320 000 km et il roule toujours certes cela consomme mais c'est vaste et fiable.

à écrit le 07/08/2013 à 15:42
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A l'auteur de l'"article": Une camionnette est un véhicule principalement destiné au transport des marchandises (Selon la législation française : « Camionnette : véhicule à moteur ayant au moins quatre roues, à l'exclusion des quadricycles à moteur, ...

à écrit le 07/08/2013 à 14:34
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C'est ma cinquième ! L'espace IV initiale Paris 2l que j'ai acheté en 2006 est une vraie merveille ! J'attend avec impatience l'espace V.

à écrit le 07/08/2013 à 14:20
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Si il s'agissait d'un véhicule assez révolutionnaire à l'époque, l'espace IV est passé par là et s'est révélé, quoi que puisse en dire les amoureux de la marque, comme l'un des pires nid à emmerdes de l'histoire automobile récente. Problèmes d'électr...

à écrit le 07/08/2013 à 12:19
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L'esapce c'est l'incarnation du mauvais goût... (les commentaires ci-dessous sont écrits par un usurpateur de mon pseudo).

le 08/08/2013 à 11:21
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Porshe s'écrit comme ça !!

à écrit le 07/08/2013 à 11:02
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Et vous n'avez encore rien vu, vous allez voir le prochain, pas wagen du tout lui, l'excellence française !

à écrit le 07/08/2013 à 9:41
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Espace illustre bien l'excellence de l'industrie automobile en France qui, autrefois, avait des idées brillantes. Espérons qu'elle saura retrouver son inspiration pour inventer les voitures de demain !

à écrit le 07/08/2013 à 9:20
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Ich bin désolé pour nos amis raleur mais a la Tribune on parle aussi de voitures francaises. Nicht war godrev & co?

à écrit le 07/08/2013 à 9:09
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Les clichés ont la vie dure. La renault espace n est pas le premier vehicule du genre. La Nissan prairie est apparue un an avant, en 82! Par contre, le Rancho, lui, etait très novateur...malgré ses défauts. Bises

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