En dehors du cash, que peut apporter Dongfeng à PSA ? Pas grand-chose

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  809  mots
PSA a brûlé trois milliards de cash l'an dernier
Le groupe public chinois Dongfeng peut fournir de l'argent frais à PSA Peugeot Citroën, qui en a un cruel besoin. Mais ce spécialiste du camion n'apportera au français ni technologie, ni économies d'échelle, ni aide au redéploiement international hors de Chine...

Que peut apporter le chinois Dongfeng à PSA Peugeot Citroën ? De l'argent frais, dont le groupe auto français en crise a un besoin urgent, certes! Le hic, c'est que des injections de fonds ne font pas une stratégie...  Alors même que se rétrécit le périmètre de la fameuse "alliance mondiale"  avec GM, un éventuel rapprochement avec Dongfeng ne répondra pas aux défis technologiques, industriels, géographiques, que doit relever le groupe PSA. Car ce groupe est fondamentalement un constructeur de poids-lourds avec un faible niveau technologique, quasi-exclusivement centré sur le marché chinois,à la différence de ses compatriotes Chery ou Geely qui fabriquent des voitures particulières.

Apport technologique nul

En ce qui concerne les véhicules particuliers, l'entreprise publique de Wuhan gère essentiellement des co-entreprises avec PSA, Nissan, Honda, Hyundai-Kia, Yulon Motors (Taïwan)… . Son apport technologique à PSA serait donc quasi-nul. Inquiétant après déjà le relâchement des liens traditionnels du français avec des partenaires de premier plan comme Ford ou BMW, conséquence de son alliance avec GM qui en plus bat de l'iale.

Avec qui PSA va-t-il donc développer les nouvelles et coûteuses technologies indispensables aux futurs véhicules, comme les hybrides rechargeables ou même la technologie prétendument révolutionnaire de l' « Hybridair », pour laquelle il cherche d'ailleurs des partenaires ?

Des plate-formes partagées?

En termes industriels, on ne voit pas non plus les économies d'échelle que PSA pourrait réaliser avec Dongfeng, industriellement présent uniquement en Chine. Quid ainsi de la future plate-forme cruciale de PSA ("EMP 1") sur les petits véhicules, alors même que le co-développement prévu avec GM vient d'être remis en cause ?

Or, le groupe français a besoin de partenaires pour partager les coûts et allonger les séries industrielles. Il lui faut des synergies pour acquérir la taille critique. Certes, Dongfeng souhaite développer ses propres voitures. Mais, il est douteux que les plates-formes relativement sophistiqués - donc coûteuses - de PSA puissent être partagées avec des modèles bas de gamme d'une offre Dongfeng.

Rien hors de Chine

Une alliance Dongfeng-PSA pourrait certes aider le groupe français en Chine. Même si on imagine mal le chinois sacrifier ses autres partenariats, notamment celui avec Nissan qui est beaucoup plus important que DPCA, la société commune Dongfeng-PSA en Chine. Mais, hors de Chine, Dongfeng ne sert à rien au français. Or, PSA souffre de faiblesses stratégiques flagrantes au Brésil, en Russie, en Asie du sud-est, sans parler des marchés où il n'est pas présent comme l'Inde ou l'Amérique du nord.

Cette alliance pose d'autres problèmes. PSA est associé avec un deuxième constructeur en Chine, Changan, pour produire conjointement des DS. Or, Changan, est un rival... de Dongfeng. Le puissant consortium de Shanghai, SAIC, partenaire stratégique de GM en Chine, est aussi un concurrent de Dongfeng! Tout cela risque de mal cohabiter. 

Quid des autres coopérations?

Que deviendront d'ailleurs les coopérations (celles qui restent) entre PSA et GM ? Et ce, alors que l'américain risque d'être totalement dilué dans le capital de PSA après l'augmentation de capital ? Cédera-t-il les 7% qu'il détient dans le français depuis 2012?

En outre, PSA conserve d'autres partenariats techniques aujourd'hui avec des constructeurs tiers comme Toyota (petites voitures en République tchèque et utilitaires à Sevelnord, dans le nord de la France), Fiat (utilitaires dans le sud de l'Italie et en Turquie), Ford (diesels)... Ces constructeurs accepteront-ils de poursuivre leurs collaborations alors que Dongfeng serait un actionnaire majeur de PSA? Pas si sûr.

De l'argent frais à tout prix

Le groupe automobile français a brûlé trois milliards d'euros de cash l'an dernier et devrait en consommer encore 1,5 milliard cette année. Le retour à l'équilibre promis initialement pour la fin 2014 n'est plus évoqué par Philippe Varin, le président du constructeur tricolore. PSA doit donc procéder à une augmentation de capital  pour financer ses investissements.

L'allié américain GM a réitéré à plusieurs reprises qu'il ne souhaitait pas remettre au pot. Les négociations tournent désormais autour d'une éventuelle entrée de Dongfeng, le partenaire de PSA en Chine, dans le capital du groupe hexagonal - accompagnée d'une entrée de l'Etat français.

PSA Peugeot Citroën espère lever jusqu'à 3 milliards d'euros environ grâce à cette augmentation de capital par laquelle l'Etat français et Dongfeng prendraient chacun une participation de 20 à 30% dans le constructeur français. L'Etat interviendrait pour permettre à la partie française de conserver le contrôle de PSA. Le capital de PSA Peugeot Citroën est contrôlé aujourd'hui à 25,2% par la famille fondatrice Peugeot - qui possède 37,9% des droits de vote.