Traité de libre-échange Europe-Japon : une bonne affaire pour l'auto nippone

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  660  mots
Le RAV4 de Toyota est importé du Japon
L'Union européenne doit décider d'ici à la fin mai si elle poursuit, ou suspend, les discussions avec le Japon. Les constructeurs auto européens réclament la fin des nombreuses barrières non tarifaires qui protègent le secteur automobile dans l'archipel!

 L'Union européenne et le Japon ont appelé la semaine dernière à accélérer les négociations sur un ambitieux accord de libre-échange. A signer, si possible, "d'ici à fin 2015", selon le Premier ministre japonais Shinzo Abe. Il y a juste un an que ces négociations controversées ont été lancées.

L'Union européenne doit décider d'ici à la fin mai si elle poursuit, ou suspend, les discussions, sur la base d'un rapport de la Commission qui doit déterminer si le Japon a fait assez de progrès ou pas, concernant notamment les barrières non tarifaires qui verrouillent soigneusement de nombreux secteurs au Japon... dont l'automobile est l'un des principaux. Pour Tokyo, l'un des enjeux essentiels est que Bruxelles démantèle les droits de douane à l'entrée de l'Europe pour les Toyota, Honda, Nissan nippones, alors que le Japon, lui, est soigneusement protégé par lesdites barrières non tarifaires!

Constructeurs européens méfiants

Les constructeurs européens ne sont, du coup, pas chauds du tout  Alors que Carlos Ghosn, PDG de Renault, devient son tout nouveau président, l'ACEA (Association des constructeurs européens d'automobiles) éprouve de sérieuses réticences. Elle réclame en particulier l'alignement du Japon sur les spécifications techniques internationales, alors qu'il conserve des procédures d'homologation spécifiques. L'ACEA demande aussi la fin progressive d'une fiscalité spécifique et très favorable aux mini-véhicules, une catégorie de voitures représentant le tiers du marché nippon dans laquelle ne rentrent évidemment que les produits nippons! L'Association réclame également une modification des règles rendant aujourd'hui très difficile l'implantation de concessionnaires. 

Il faut dire que les marques japonaises contrôlent leur marché intérieur à… hauteur de 95% ! Les procédures d'homologation complexes et le contrôle des réseaux de distribution par les marques nippones rendent très difficile et coûteuse toute implantation d'un étranger. Et, de fait, la situation n'a guère évolué depuis vingt ans, malgré les grandes proclamations libre-échangistes des constructeurs japonais ! Le seul Toyota détient 43% du marché nippon des voitures particulières.

Précédent coréen

L'ACEA craint en fait le précédent de l'accord de libre échange entre l'Europe et la Corée, signé en 2011.  En 2010, avant l'accord, l'Europe importait 294.013 véhicules de Corée. Un volume... qui a crû de moité après. En 2012, les importations en provenance du Pays du matin calme se montaient en effet à 402.062 véhicules. Eloquent, non?

Les ventes de véhicules européens en Corée sont, elles, insignifiantes. La Corée est, elle aussi, entourée de barrières non-tarifaires dissuasives.  Dans les chiffres d'importations en provenance de Corée, figuraient toutefois, il est vrai, beaucoup de... Chevrolet "made in Korea" du groupe GM et des modèles Renault produits par la filiale sud-coréenne RSM (Koleos, Latitude)!

La force de persuasion de l'ACEA, qui craint des réductions d'emploi en Europe, est cependant relativement faible. Car l'Association est divisée. Logique: elle comprend notamment  dans ses membres le japonais Toyota et le coréen Hyundai!

Un secteur vital en Europe

Certes, une grande partie des véhicules vendus par les japonais et les coréens en Europe sont produits sur le Vieux continent. Il n'empêche: un accord de libre-échange avec le Japon faciliterait l'importation des modèles produits dans l'archipel. Avec la manipulation par le gouvernement nippon du yen,  lequel a perdu 25% de sa valeur face à l'euro en un an, les importations en Europe de véhicules en provenance du Japon sont d'ores et déjà facilitées.

L'ACEA rappelle que le secteur automobile européen fait vivre 12,9 millions de personnes, soit 5,3% de la population active de l'Union, dont 3 millions dans la production de véhicules, soit 10% de l'emploi manufacturier.  L'industrie automobile  verse plus de 380 milliards d'impôts en Europe occidentale· Le secteur automobile contribue en outre positivement à la balance commerciale  pour plus de 90  milliards.