Automobile : comment les groupes chinois tissent déjà leur toile en Europe

Sans faire grand bruit, les groupes automobiles chinois s'installent sur le marché européen : prises de participation, rachats de marques éteintes, offensive dans l'électrique... Si aucun d'entre eux n'a encore réalisé de percée majeure, ils se montrent particulièrement ambitieux dans le déploiement de leurs opérations...
Nabil Bourassi
Rachetée en 2010 par le groupe chinois Geely, Volvo lui doit une grande partie de sa renaissance. Aujourd'hui, la marque d'origine suédoise bat des records de vente d'années en années, et vise une introduction en Bourse.
Rachetée en 2010 par le groupe chinois Geely, Volvo lui doit une grande partie de sa renaissance. Aujourd'hui, la marque d'origine suédoise bat des records de vente d'années en années, et vise une introduction en Bourse. (Crédits : Volvo)

Inéluctable ? L'arrivée de groupes automobiles chinois en Europe apparaît comme un chiffon rouge pour les constructeurs européens qui craignent de voir leur compétitivité de nouveau mise à l'épreuve comme dans les années 1980 avec l'offensive des marques japonaises, puis dans les années 2000 avec celle des marques sud-coréennes. En réalité, les marques chinoises sont déjà à la manœuvre sur le vieux continent, et depuis longtemps.

Volvo, première marque européenne devenue chinoise

Tout commence en 2010, en pleine crise des subprimes. L'américain Ford cède le moribond suédois Volvo au groupe chinois Geely. A l'époque, personne ne s'inquiète. Volvo n'est plus à capitaux européens depuis plus de 20 ans et semble totalement inoffensif avec ses 300.000 ventes à peine.

C'était sans compter les ambitions de Geely qui octroya à Volvo une enveloppe de 11 milliards d'euros pour relancer sa gamme, se repositionner dans le premium et consolider son internationalisation. Douze ans plus tard, les ventes du suédois n'ont cessé de grimper pour crever tous ses records historiques avec les 800.000 ventes désormais à portée de main. Geely s'apprête à introduire Volvo en Bourse, mais restera actionnaire de référence.

Daimler, guerre par procuration

Mais le puissant chinois vise plus gros poisson en Europe. En 2018, il entre par effraction dans le capital de Daimler et en devient le premier actionnaire avec 10% des parts. Non sans émouvoir une opinion publique allemande inquiète de voir un monument de son patrimoine industriel en partie possédée par un groupe étranger. Les conséquences de cette prise de participation ont été extrêmement concrètes puisque Daimler s'est vu contraint de revoir ses partenariats en Chine, de délocaliser la production de la Smart dans l'Empire du Milieu.

Lire aussi 4 mnAutomobile: la Chine est-elle vraiment redevenue le moteur de la croissance ?

C'est d'ailleurs pour contrer cette offensive que son partenaire chinois historique, le groupe BAIC, a décidé de prendre à son tour une participation dans le capital de Daimler. Fin 2019, il acquiert ainsi 5% de l'Allemand afin de préserver la joint-venture qui commercialise les Mercedes en Chine. Ainsi, Daimler est devenu le cœur d'une bataille par procuration des rivalités industrielles et politiques intérieures chinoises puisque BAIC est un groupe public directement aux ordres de Pékin, tandis que Geely est aux mains de Li Shufu, milliardaire qui par nature agace dans les plus hautes sphères du pouvoir.

Un autre groupe chinois a tenté l'aventure européenne via le même mécanisme de prise de participation. En 2014, DongFeng Motors fait partie du tour de table qui doit permettre de refinancer PSA et acquiert 14% de son capital, soit autant que la famille historique. Mais avec la fusion du groupe français avec le groupe italo-américain Fiat Chrysler, devenu Stellantis, le chinois préfère retirer ses billes.

Renaissance de marques

Mais le levier des marques disparues reste le principal cheval de Troie des marques chinoises. En 2015, Foton Motors expose la marque allemande disparue Borgward au salon de Francfort et annonce viser les 800.000 ventes en Europe. Les ventes n'ont jamais décollé. Ce qui rappelle le sauvetage raté d'un autre suédois, Saab, censé devenir une marque 100% électrique depuis son rachat par NEVS, mais là encore, le montage financier s'est avéré un naufrage. Même échec avec le britannique Rover, racheté en 2005 par Nanjing Auto... En vain. Ce dernier ne parviendra jamais à capitaliser sur cette marque pour la relancer. Il finira par se faire lui-même avaler en 2007 par le premier conglomérat automobile chinois, SAIC.

Dans le panier, ce dernier trouvera néanmoins la marque MG, autrefois adossée à Rover. Et cette fois, le succès est au rendez-vous. Relancé depuis deux ans seulement en Europe et fraîchement débarqué en France, la marque explose avec ses SUV 100% électriques fabriqués en Chine. Au premier trimestre, elle s'est même octroyée 1% du marché automobile européen. Et la marque croule sous les demandes de distributeurs qui rêvent de remporter un contrat de concession. MG a déjà planifié deux cents ouvertures de points de vente en Europe cette année, triplant ainsi son maillage territorial. Sa gamme va également s'enrichir d'un troisième SUV et va même s'offrir le premier break électrique du monde.

La voiture électrique, fer de lance de l'offensive chinoise

Pour l'industrie automobile chinoise, la véritable opportunité est donc dans la voiture électrique où elle estime ne pas souffrir de retard en R&D face à l'expertise moteur des Européens. En outre, elle dispose d'un écosystème conséquent en batteries électriques, un autre avantage comparatif qui leur permet de proposer des modèles particulièrement compétitifs, surtout si on y ajoute les coûts de production particulièrement bas.

C'est ainsi que Aiways s'est fait remarquer avec son U5 débarqué fin 2020 en Europe. Ce lancement est d'autant plus spectaculaire que l'entreprise ne fait pas partie des grands empires industriels chinois. Il s'agit d'une start-up lancée en 2017 et déjà capable de commercialiser et internationaliser des premiers modèles. Seres (groupe DongFeng) fait également parler de lui avec un premier véhicule électrique qui sera commercialisé en France dès cet été. La marque annonce cinq modèles avant fin 2022 et 80 points de vente avant la fin de cette année. La marque annonce d'ores et déjà des prix ultra agressifs.

Pas encore de percée

Marques européennes ressuscitées, prises de participation, avantage compétitif sur l'électrique... Les marques automobiles chinoises ne manquent ni de leviers, ni de volonté, poussées, entre autres, par Pékin à s'internationaliser ou à défaut à se consolider. Pour l'heure, néanmoins, le bilan reste mitigé. Aucun groupe chinois ne semble encore peser sur le marché européen, ni même en-dehors de leurs propres frontières. Mais ils ont prouvé leur capacité à surprendre, et à déployer leurs opérations extrêmement rapidement. Un avertissement pour les groupes européens, dont certains pataugent encore et toujours sur le marché chinois, le premier du monde...

Lire aussi 4 mnStellantis: la Chine, l'angle mort de la fusion Fiat-Peugeot

Nabil Bourassi

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Commentaires 20
à écrit le 22/06/2021 à 23:34
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La mondialisation heureuse, en somme !!

à écrit le 22/06/2021 à 15:14
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En lisant vos messages ; Finalement le problème est le système européen «  détruit de l’intérieur » par le capitalisme au profit de la Chine ? Il n’y a pas d’unité Européen, depuis le début c’est ça le problème et en plus les usa ont une vision uni...

à écrit le 22/06/2021 à 14:22
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L histoire Volvo est un gag bien suédois: son propriétaire va le fond wallenberg dans les années 90 avait refusé de vendre à Renault sa division automobile sous prétexte que l état français en était le principal actionnaire re . Ce groupe financier s...

le 22/06/2021 à 15:07
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@Brehat: Pour autant qu'il m'en souvienne, Volvo avait trouvé inconvenant le fait qu'un ministre français ait annoncé, en plastronnant, la fusion avec Renault avant même que Volvo ait donné son accord; Renault n'a décidément pas de chance avec SON ac...

le 22/06/2021 à 23:15
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Il est évident que ça n'est pas dans vos moyens mais à n'en pas douter, les offres commerciales d e differente production chinoise, plus adaptées à votre budget, ne vont pas manquées.

à écrit le 22/06/2021 à 10:41
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Tant que les pays européens seront gouvernés par des béats bisounours, ne pensant qu'au travers de la mondialisation et du village planétaire, et continuant depuis 30 ans à ouvrir tout grand nos frontières à tous vents, sans tenir compte des intérêts...

le 22/06/2021 à 13:34
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L’ eu certains mais surtout les états nationaux européens dont certains comme l Italie ont facilité leur installation …. La responsabilité incombe grandement à nos politique ex nationaux … qui se défaussent sur «  l ´ Europe » N est ce pas chricac -...

à écrit le 22/06/2021 à 10:37
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Un vieux texte chinois un tantinet romancé j'imagine mais, parlait d'une époque très ancienne ou les chinois faisaient du commerce en créant des dettes à leur avantage au lieu de faire la guerre. La construction d'une autoroute au Monténégro vient à ...

à écrit le 22/06/2021 à 9:40
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Le moustique chinois est vorace et tenace... il est urgent de baygoniser les "investissements" chinois en Europe!

le 22/06/2021 à 9:46
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dire que moi j'ai appris une expression "de vieux" en ne l'étant pas qui est : "flitoxer" au lieu d'utiliser les produits de ma propre époque et de les transformer en verbes :-)

le 22/06/2021 à 13:41
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C'est deja trop tard. Meme les meilleurs crus et domaines bordelais sont vendus et aux mains de la Chine. Les terres arables vendues, les participations economiques a tous les echelons, les ports grecques, l'insertion dans certains pays europeens. Vo...

le 22/06/2021 à 16:41
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Baygon rouge dans ce cas.

à écrit le 22/06/2021 à 9:29
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Les journalistes nomment la période politique des 40 années passaient : La période des naïfs contemplatifs ! ..Je trouve que cela résume bien nos choix stratégiques .

à écrit le 22/06/2021 à 9:27
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S'ils veulent nous imposer leurs véhicules, il faudra qu'ils refassent nos routes, nos ponts etc..!

à écrit le 22/06/2021 à 9:24
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Le problème de fond reste la mondialisation "heureuse, béate"! Les Chinois sont pragmatiques, ils avancent masqués, ils mentent, imposent des règles que nous nous empressons d'accepter parce que leur marché intérieur est un miroir aux alouettes qui n...

à écrit le 22/06/2021 à 9:10
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Nous sommes vraiment des ânes en Europe de l'Ouest. Après les coréennes qui ont envahi nos rues (et qui ont démarré en assemblant de vieilles Opel ..), les chinoises. Toutes ces voitures (y compris les électriques) sont produites avec de l'énergie ba...

à écrit le 22/06/2021 à 8:44
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Bon ici en Thailande ou je suis coincé, ils font une percée avec une marque anglaise rachetée MG, ils vendent du volvo mais peu. La ligne est pas mal mais ca sent un peut la caille. Ils arrivent à en vendre grace à des financements avantageux. C'est...

le 23/06/2021 à 10:29
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Absolument , nous devons conserver nos pépites industrielles et nos technologies. Les transferts de technologies doivent être mieux contrôles (comme pour Airbus qui a favorisé en voulant vendre des avions , la création d'un futur concurrent chinois).

à écrit le 22/06/2021 à 8:38
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Qu'on leur impose les memes regles qu'en Chine! Interdisons qu'elles ne prennent plus de 49% d'une JV obligatoirement avec un partenaire local et que tous les capitaux et les technologies viennent de Chine. La on serait sur un pied d'egalite!!!!

à écrit le 22/06/2021 à 8:25
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L'UE va encore se faire avoir par un pays qui ne respecte pas les droits de l'homme, qui pratique le dumping fiscal et salarial , comme d'habitude avec le même résultat. Paupérisation des classes moyennes européennes et désindustrialisation . Quand ...

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