Le sens de l'histoire s'accélère. La Commission européenne s'apprête en effet à donner un coup d'accélérateur au processus de décarbonation de l'industrie automobile, en proposant de durcir significativement les contraintes CO2 à horizon 2030 avant de les réduire à néant en 2035... Autrement dit, l'Europe pourrait en finir définitivement avec les moteurs thermiques à cette aune mettant fin à plus de 150 ans d'histoire.
Vers une baisse des émissions presque doublée ?
D'après l'AFP, la Commission pourrait ainsi porter la baisse des émissions du marché des voitures neuves de 60% par rapport à 2021, soit presque le double de l'objectif qui avait été arrêté en 2019 (37,5%). Deuxième lame du rasoir bruxellois, la Commission songe également à interdire les moteurs thermiques dès 2035. Toutes les discussions tournent autour de la définition du concept de moteur thermique. La Commission intégrera-t-elle strictement tous les moteurs thermiques ? C'est-à-dire moteurs hybrides compris. Car pour les constructeurs automobiles, le seul moyen d'échapper à de telles restrictions était de miser sur les hybrides qui réduisent drastiquement les émissions de CO2. Mais les ONG environnementales et certains gouvernements estiment que la performance des hybrides est surtout théorique et relevée dans des conditions laborantines.
La décision de la Commission est le fruit d'une bascule politique sans précédent en faveur de la voiture électrique. Jusqu'ici, Bruxelles était prêt à ménager l'industrie automobile dans ses efforts de reconversion, tandis que le passage au tout électrique pourrait coûter des centaines de milliers d'emplois en Europe. Sur le précédent texte adopté en 2019, Paris et Berlin avaient d'ailleurs freiné des quatre fers pour limiter les initiatives du Parlement européen qui voulaient imposer une baisse de 50%. La France et l'Allemagne, elles, tablaient sur une baisse de 30%. Finalement, c'est 37,5% qui a été arrêté avec un point d'étape de 15% dès 2025.
Puis la crise du Covid, qui est survenue au moment où les constructeurs européens ont déployé une myriade de nouveaux modèles 100% électriques, a permis de créer une très forte dynamique sur le marché avec une explosion des ventes de voitures électriques. Pour la Commission européenne, il y a une fenêtre de tir à saisir. D'autant plus que les constructeurs européens ont pris du retard par rapport à la Chine. Bruxelles veut ainsi les contraindre à une reconversion à marche forcée pour repositionner l'industrie européenne dans l'électromobilité et gagner en compétitivité. Pour les aider, elle accepte de financer des gigafactories de production de batteries électriques.
Le revirement allemand...
Mais la véritable bascule est survenue en début de cette année, lorsque le groupe Volkswagen a annoncé un plan gigantesque (plus de 60 milliards cumulés) pour changer de modèle industriel et basculer dans l'électromobilité : développement de réseaux de bornes de recharge, marques entièrement électrifiées comme Audi, investissements massifs dans les logiciels de gestion des batteries... Volkswagen a pris de court tous les constructeurs et a abandonné le lobbying anti-baisse de CO2. Ce faisant, le gouvernement allemand a suivi, malgré les réticences de Daimler et BMW. Dès lors, la voie est libre pour enclencher le processus de resserrement réglementaire anti-pollution.
En réalité, une autre échéance pourrait faire basculer le marché encore plus vite... La norme Euro 7 qui définit les paramètres des nouvelles motorisations thermiques et qui doit entrer en vigueur en 2025. D'après certains constructeurs, celle-ci pourrait être si contraignante qu'elle pourrait signer la fin du moteur thermique sur certains segments. Enfin, les restrictions de circulation dans les grandes agglomérations européennes vont également accélérer le processus.
Les inquiétudes de Carlos Tavares et Luca de Meo
Carlos Tavares, PDG de Stellantis, l'a récemment expliqué: "nous nous tenons prêt à de nouvelles restrictions réglementaires au cas où la situation climatique continue de se dégrader". Il a toutefois mis en garde contre les conséquences sociales et financières de cette accélération des objectifs CO2. De son côté, Luca de Meo, patron de Renault, a également exprimé son inquiétude.
"On évalue qu'une transition énergétique trop rapide mettrait 50.000 emplois à risque sur la filière de la mécanique en France, mais au contraire, bien gérée, cette transformation pourrait créer 350.000 emplois, nets de la réduction sur les filières plus traditionnelles", a déclaré Luca De Meo lors d'une audition devant la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale mercredi 7 juillet.
Certains constructeurs ont d'ores et déjà décidé d'anticiper leur transition en annonçant leur bascule dans le 100% électrique dès 2030: Volvo et Fiat par exemple, Audi pour 2033. Tout porte à croire que des annonces de ce type se multiplient dans les mois à venir, poussés par des marchés désormais acquis à la cause environnementale.
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