Automobile : Skoda lance un plan pour doubler sa part de marché en France

La marque automobile tchèque, filiale du groupe Volkswagen, n'est pas satisfaite de sa performance commerciale en France, trois fois moins élevée que sa part de marché européenne. Elle lance un plan à horizon 2025 pour doubler ses ventes.
Nabil Bourassi
Le Kodiaq a permis à Skoda de se repositionner sur les SUV avec un cahier des charges plus haut de gamme.
Le Kodiaq a permis à Skoda de se repositionner sur les SUV avec un cahier des charges plus haut de gamme. (Crédits : Skoda)

Skoda veut faire mieux en France. La marque automobile tchèque qui a enclenché en 2017 une profonde stratégie de repositionnement de gamme avec des modèles mieux finis et plus qualitatifs veut être plus offensif sur le marché automobile français où il plafonne sous les 2% de parts de marché. Le groupe vise une part de marché de 3,6% en 2025 contre 1,65% en 2019. Ce qui reviendrait à vendre deux fois plus de voitures. Skoda juge que sa performance en France ne reflète pas sa dynamique de marque qui lui permet de culminer à 5,3% de parts de marché sur l'ensemble du marché européen.

« Nous sommes à plus de 6% en Allemagne qui est probablement le marché le plus exigeant en Europe », explique Anthony Perier, directeur du réseau, interrogé par La Tribune. « Nous sommes la première  marque importée sur ce marché », ajoute-il.

Deux fois l'Allemagne

A Mlada Boleslav, en Tchéquie où siège la marque filiale du groupe Volkswagen, il a donc été décidé que la France, avec l'Italie et l'Espagne, bénéficieraient d'un volet stratégique prioritaire avec un plan de croissance à horizon 2025. Dans ces trois pays latins qui représentent deux fois l'Allemagne en termes démographiques, Skoda fait le même constat d'une faiblesse commerciale structurelle.

Ce plan, baptisé Go All 2025 en France, consiste à réaffecter davantage de volumes de production à ces marchés. Chez Skoda France, on estime que le manque à gagner en termes de ventes s'élève à une dizaine de milliers de véhicules, uniquement par défaut de volumes de production réservés. Un chiffre non-négligeable comparé aux 35.000 ventes de 2019.

L'autre pilier de cette stratégie est de renforcer la stratégie réseau pour mailler le territoire. Skoda dispose de 156 points de vente dans l'Hexagone et souhaite monter à 200. Pour autant, la marque veut garder un réseau de qualité prêt à investir dans la concession. « Nous sommes extrêmement exigeants, nous sommes prêts à résilier certains contrats de concessions si nous ne sommes pas satisfaits », avertit Anthony Perier. Enfin, dernier pilier de la marque, Skoda va communiquer davantage dans l'animation de sa gamme avec des éditions limitées, des versions sport ou sur le thème de l'électrification. « Notre plus vieux modèle a moins de 24 mois, l'une des plus jeunes », rappelle Anthony Perier.

Dix ans pour gagner un point de parts de marché

Chez Skoda, on rappelle que le marché français n'a pas été totalement hermétique à la dynamique de ces dernières années. La marque revient de loin puisqu'elle a franchi le seuil de 1% de parts de marché en 2011. Dix ans plus tard, elle s'apprête à atteindre les 2% en France, « un niveau historique » fait remarquer la direction française, si la tendance du premier trimestre se confirme.

Cette dynamique tient beaucoup à la refonte de la gamme démarrée en 2017 avec le nouveau Kodiaq suivi du Karoq puis du Kamiq, faisant entrer Skoda dans l'univers du SUV. Ces nouveaux modèles sont largement inspirés des modèles lancés chez la marque-sœur Volkswagen avec qui ils partagent plateforme, technos, jusqu'à la silhouette. Les SUV représentent aujourd'hui la moitié des ventes de Skoda en France. Pas mal, pour un segment qui n'existait il y a encore trois ans. Mais la force de la gamme SUV ne fait pas oublier les best-sellers de la marque dont l'Octavia qui a été renouvelée l'an dernier et qui continue à faire un tiers des ventes de Skoda dans la monde et 50% de ses profits.

Lire aussi: Citroën VS Skoda: le match des marques populaires

Mais le vrai succès de Skoda tient dans sa stratégie de repositionnement. Avec l'arrivée de ces SUV, la marque a totalement revu son cahier des charges pour concevoir des produits nettement plus haut de gamme : mieux équipés, finitions soignées, qualité perçue en très nette hausse et design moins marqué soviétique. Il s'agissait alors de sortir de cette image low cost de l'est qui lui colle à la peau depuis son rachat par Volkswagen en 1991. Versions sportives, assistants de conduite, système d'amortisseurs pilotés... Les nouvelles Skoda parfois fabriquées sur les mêmes lignes que des Volkswagen ou des Audi n'ont rien à envier à ses concurrentes généralistes. D'ailleurs, la montée en gamme de Skoda est tellement assumée que la marque n'hésite plus à faire du « lettrage » en affichant son nom en grand à l'arrière de ses voitures. « Ce n'est pas une honte de rouler en Skoda, nos clients assument », fait valoir un porte-parole de la marque. « Nous sommes dans une phase de conquête, et notre stratégie est de proposer des produits extrêmement compétitifs en rapport prix-prestations, au meilleur niveau du marché », explique Anthony Perier qui admet toutefois que Skoda est en train de perdre une clientèle historique.

Un prix moyen très haut

Et d'ailleurs, Skoda n'a cessé d'augmenter ses prix au point que le prix moyen d'achat est désormais en haut du panier en France à 29.700 euros, contre 28.600 pour une Peugeot et 23.900 pour une Citroën. Ces chiffres issus d'une étude Price Band de novembre 2020 sont à mettre au regard d'une plus forte présence des françaises sur les segments inférieurs (C3, 208...) Il n'empêche : en valeur absolue, les prix Skoda ne cessent d'augmenter.

« La hausse de nos équipements et de la qualité a augmenté plus vite que nos prix », nuance Anthony Perier qui rappelle qu'à équipements comparables, Skoda reste un cran en dessous de ses concurrents directs. Selon lui, si Skoda n'est plus une marque low cost, elle reste néanmoins une marque compétitive avec la garantie du meilleur rapport qualité-prix. « Skoda est une marque de conquête », souligne Anthony Perier qui rappelle qu'une vente sur deux en France va vers un nouveau client. Et pour vaincre les idées reçues à la dent dure, Skoda France pousse ses concessionnaires à faire essayer ses voitures en rémunérant chaque essai. « Systématiquement, les essayeurs sont surpris », se félicite Anthony Perier. Mieux : les nouveaux acheteurs sont ravis de leur expérience au point d'être fidèle à la marque à 60%, l'un des chiffres les plus élevés du marché français d'après Skoda France.

Chasse gardée des marques françaises

Car la difficulté de Skoda en France est de jouer à domicile des marques françaises bien installées. Celles-ci contrôlent encore 60% du marché et sont particulièrement puissantes sur le segment B qui représente la moitié des ventes en France. Sur ce segment, Renault et Peugeot font la loi et le beau temps sur tout le continent avec leur Clio et la 208. Skoda compte néanmoins sur la nouvelle et très ambitieuse Fabia pour tenter de gratter quelques points de parts de marché. La marque est tellement sûre de son produit qu'elle estime pouvoir en vendre 14.000 par an sur ce marché, contre 6.000 sur la génération précédente.

Pour atteindre son objectif de parts de marché, Skoda est prête à lâcher du lest sur les volumes mais refusent de sacrifier ses marges. Autrement dit, il n'y aura pas de guerre des prix, promet-on chez Skoda France. La marque ne s'interdit toutefois pas de lancer des éditions limitées très compétitives pour sauver quelques volumes comme cette Kamiq Young Edition qui permet d'accéder à ce petit SUV pour moins de 20.000 euros, et qui doit permettre de lisser le creux commercial causé par l'arrivée d'une nouvelle Fabia. « Nous consacrons énormément de temps à piloter nos volumes de ventes avec une stratégie prix qui doit nous permettre de trouver le meilleur équilibre pour préserver notre rentabilité », assure Anthony Perier qui rappelle que c'est aussi une condition pour maintenir un réseau rentable et donc puissant.

L'exemple du Royaume-Uni, pays conquis

Cette stratégie de reconquête a déjà fait ses preuves au Royaume Uni où partie de 1,3% il y a dix ans, la marque tutoie désormais les 4% de parts de marché. Mais Skoda doit résoudre un autre frein à sa croissance qui tient à ses capacités de production saturées. Le groupe tchèque réfléchit à l'ouverture d'une nouvelle usine en Europe. Celle-ci ne sera pas installée en Tchéquie qui, avec 3% de taux de chômage, souffre d'une forte pénurie de main-d'œuvre.

Au-delà de ces trois pays latins, Skoda est à l'offensive à l'international. Il continue ainsi à manœuvrer en Chine où il s'est relancé en 2018 avec une gamme dédiée notamment d'un SUV coupé (Kamiq GT), très à la mode. Avec 300.000 voitures vendues en 2019, la Chine est le premier marché de Skoda.

Il ouvre un nouveau chapitre cette année avec l'arrivée d'un premier modèle spécifique au très prometteur marché indien avec un modèle baptisé Kushaq. Skoda s'est vu confier la responsabilité au nom du groupe Volkswagen d'aller conquérir plusieurs marchés émergents dont l'Inde, la Russie et l'Afrique du Nord... Soit plusieurs marchés où les groupes français affichent également de fortes ambitions avec d'importants moyens. Tous ces chantiers seront conduits de front avec celui de l'electro-mobilité. Skoda vient de lancer l'Enyaq en Europe. Un long SUV 100% électrique qui sera décliné en version coupé en 2022. Le Tchèque promet un autre modèle sur le segment B mais aucun agenda n'a été divulgué.

Marque très dynamique avec 1,2 million de voitures vendues en 2019 (le double en dix ans), Skoda veut occuper tous les terrains, tous les segments, tous les marchés. La France continuera-t-elle à résister à l'envahisseur ? Chez Skoda France, on reconnaît que le challenge est sérieux. « Nous allons être obligés de prendre du 7 à 8% de parts de marché sur certains segments si on veut atteindre notre objectif », confesse Anthony Perier. Un challenge regardé à la loupe par les marques françaises.

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Nabil Bourassi

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Commentaires 6
à écrit le 20/05/2021 à 9:50
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Exiger que l'ensemble des composants soient réalisés sur le sol de l'UE, un peu de courage chers politiques vos citoyens voterons pour vous.

à écrit le 20/05/2021 à 9:22
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Ah bon et bien c'est parce qu'elles sont particulièrement moches que je trouve qu'il y en a beaucoup de ces bagnoles alors.

à écrit le 20/05/2021 à 8:47
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Cela dépend certainement des concessions, mais il faudrait qu'ils évitent de se prendre pour du premium, tendance générale chez VAG. Accueil hautain, remarques désagréables: "le client ne fait pas ce qu'il veut"....le client va donc ailleurs. Seat pr...

à écrit le 19/05/2021 à 21:02
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Ce n' est plus qu' une question de mois avant que Stellantis rattrape le gpe vag en europe.

à écrit le 19/05/2021 à 19:28
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J'ai eu l'occasion de rouler en Skoda et j'ai été agréablement surpris par le rapport qualité/prix. Il y a bien une place à prendre mais évidemment si l'objectif est de viser le marché "premium" pour lequel n'importe quel gadget est facturé une fort...

à écrit le 19/05/2021 à 18:04
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Autant acheter une Volkswagen ou une Seat. Ou ne rien acheter du tout et faire entrenir son véhicule pour au moins les 5 ans à venir. A bien regarder, que faut il acheter aujourd'hui comme voiture? C'est la bouteille à l'encre et surtout des prix exo...

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