Le succès de Skoda gêne-t-il Volkswagen ?

La marque automobile tchèque a annoncé de nouveaux résultats records pour 2017, tant sur les volumes de ventes que sur ses ratios de rentabilité. Skoda affiche ainsi une marge opérationnelle très au-dessus de celle de Volkswagen, et même d'Audi. Cette dynamique devrait se poursuivre avec l'arrivée de nouveaux SUV dont le très ambitieux Karoq. Selon certains, ce succès se fait au détriment de la marque Volkswagen qui fait pourtant parti du même groupe...
La stratégie produit de Skoda rencontre un grand succès mais, selon certains, fait de l'ombre à la marque-mère du groupe, Volkswagen.
La stratégie produit de Skoda rencontre un grand succès mais, selon certains, fait de l'ombre à la marque-mère du groupe, Volkswagen. (Crédits : Denis Balibouse)

La très grande surprise du groupe Volkswagen de ces dernières années s'appelle Skoda... La marque automobile tchèque, rachetée en 1991 par le groupe allemand (mais qui revendique 122 ans d'âge), ne cesse de publier des résultats records d'années en années. En 2017, la marque estampillée d'un volatile vert a livré 1,2 million de voitures, soit une progression de 6,6%. Pour rappel, elle vendait à peine 940.000 voitures en 2012.

Une stratégie produit très offensive

Skoda espère amplifier le mouvement en étoffant sa gamme SUV. C'est le Kodiaq qui a ouvert fin 2016 le bal d'une gamme qui avait pris la poussière avec le Yeti. Ce grand SUV a été rejoint en début d'année par le Karoq, et la marque a d'ores et déjà levé le voile sur Vision X, qui préfigure le futur SUV citadin, le segment le plus dynamique en Europe (Peugeot 2008, Renault Captur, Volkswagen T-Roc). En Chine, Skoda veut aller encore plus loin avec un SUV spécifique et à la fin du semestre. Il s'agira probablement d'un SUV coupé.

Ce modèle est une véritable pierre jetée dans le jardin des marques premium, puisque pour l'heure, elles sont quasiment les seules à proposer de telles silhouettes. Et encore... Audi ne présentera son premier SUV coupé qu'en juin prochain (le Q8) afin de rattraper son retard sur les BMW X4, X6 et les Mercedes GLE coupé et GLC coupé.

Car la grande réussite de Skoda est d'être parvenue à se repositionner en sortant de sa condition de marque d'Europe de l'Est, sujette à de nombreux préjugés.

« Nous ne sommes pas et n'avons jamais été une marque low cost », martèle Alain Favey, directeur monde des ventes et du marketing, membre du comité de direction de Skoda.

Des résultats records

Cette réussite se traduit implacablement dans les chiffres. Ainsi, le chiffre d'affaires a augmenté plus que proportionnellement aux volumes de ventes, à 16,6 milliards d'euros (+21%). Si l'on remonte trois années en arrière, le bond atteint 41% ! Mieux, le bénéfice opérationnel s'envole de 34,6% à 1,6 milliard d'euros, ce qui permet à la marque d'afficher une marge opérationnelle de 9,7%, soit un point de plus en un an. Skoda survole ainsi ses marques sœurs puisque Seat est à 4%, Volkswagen à 6%, et dépasse même de 1,5 point la marge affichée par la marque premium du groupe, Audi. Dernier indicateur encourageant, le cash flow net qui a culminé à 1,6 milliard, soit une progression de 35% (en 2014, il était moitié moins élevé).

Bernhard Maïer, le Pdg du groupe, note en effet que l'arrivée du Kodiaq a permis d'augmenter le mix produit, c'est-à-dire la part des finitions haut de gamme dans les ventes totales. Quasiment tous les modèles ont profité de cette dynamique, notamment la Superb et même l'Octavia qui reste la voiture la plus vendue du groupe, plus d'un tiers des ventes. Mais le meilleur reste à venir... Selon Alain Favey, « le Karoq est positionné sur le segment le plus porteur » en termes de volumes.

Ce succès interroge néanmoins... Skoda tire sa réputation d'un excellent rapport qualité-prix. « Simply clever », le slogan de la marque tchèque, témoigne d'un positionnement sur l'achat dit rationnel. « Nous sommes une marque qui cherche à réaliser des volumes », explique Alain Favey qui, après s'être défendue d'être une marque low cost, doit désormais déconstruire l'idée que Skoda est devenue une marque premium.

Skoda : bien équipé et abordable

Le dernier Karoq illustre parfaitement ce positionnement. La grille de prix de ce SUV commence à 25.800 euros, mais ensuite la progressivité est très mesurée sur les différents niveaux de finition, là où le Tiguan commence à 27.000 mais dont il faut compter 35.800 euros pour atteindre une finition équipée d'une boite automatique (contre 27.400 pour le Karoq). La véritable différence entre les deux modèles va résider sur la palette de motorisations. Ainsi, côté essence, le Karoq va proposer du 116 chevaux et du 150 sur un moteur 1,5 litre, tandis que le Tiguan ne descend pas en-dessous du 2 litres dès son entrée de gamme. Sur le papier, la ligne de démarcation entre les deux marques paraît claire et limpide.

Lire aussi : Skoda Karoq: le SUV qui va vous faire oublier le Tiguan

Sauf qu'en pratique, c'est beaucoup plus compliqué. Car il s'avère que la qualité du moteur 1 litre du Karoq en terme de fiabilité et de rendements moteurs peut se montrer très suffisant pour les consommateurs. En plus d'un design attractif (très proche du Tiguan), sa qualité de fabrication aux standards Volkswagen (mis à part quelques menus détails de finitions), le Karoq affiche un prix très compétitif tant à l'achat qu'à l'usage, et a finalement peu à envier à un Tiguan.

À cela, il faut ajouter que le Karoq dispose d'équipements et options aussi prestigieux que ceux proposés par Volkswagen comme les assistants de conduite (avec un niveau d'autonomie équivalent) et même d'un tableau de bord digital, la grande mode du moment.

Les concessionnaires Volkswagen en colère

Le groupe allemand s'est ainsi retrouvé dans la situation qu'elle a toujours juré improbable : la cannibalisation de ses marques. Un cadre de la marque Volkswagen en France explique à La Tribune que le réseau est très remonté :

« Le principal gisement de nouveaux clients pour Skoda sont des clients Volkswagen », nous explique-t-il. Avant d'ajouter que « les concessionnaires disposant des deux enseignes préfèrent même pousser les modèles Skoda qui affichent de meilleures marges bénéficiaires ».

S'il est difficile de démontrer l'effet de vase communiquant par des statistiques fiables, on observe néanmoins qu'en 2017, les ventes de Volkswagen ont baissé en France (-2,6%), tandis que celles de Skoda ont augmenté de 13,5%. D'après Skoda, des études internes montrent que la conquête client se fait en-dehors des marques du groupe.

Le mystère des prix imbattables de Skoda

Sur la question de la compétitivité des prix Skoda, certains analystes avancent l'idée que la marque tchèque a profité à peu de frais des technologies développées par Volkswagen en grande partie prises en charge dans ses coûts. Si bien que le groupe a récemment décidé de répartir autrement les coûts de développement de technologies entre les différentes marques du groupe. Car Volkswagen était pris en sandwich entre l'inflation de ses coûts de développement et sa contrainte de positionnement de ses prix, ce qui explique sa très faible marge opérationnelle.

Skoda minimise toutefois cet argument en rappelant que sa compétitivité réside principalement dans la géographie de ses moyens de production. La marque produit encore près des deux tiers de ses voitures en République tchèque où la main d'œuvre coûte trois fois moins cher qu'en Allemagne (comparaison sur le salaire minimal en vigueur selon Eurostat). Mais les syndicats ont réclamé un meilleur partage du succès de Skoda, et sous la menace d'une grève, le constructeur vient ainsi d'annoncer qu'il augmenterait les salaires d'environ 9%.

Une marge opérationnelle très (trop ?) haute

Si la marque est très satisfaite de ses ratios de rentabilité, elle reste pourtant très discrète sur le sujet. La direction refuse de communiquer des trajectoires d'évolution de cette marge, laissant entendre que celle-ci pourrait avoir atteint un maximum. Elle serait alors le réceptacle de la nouvelle répartition des investissements du groupe, mais également des investissements promis pour les années à venir, que ce soit sur l'électrification, ou sur les nouvelles mobilités (2 milliards d'euros).

Enfin, la marque sera également soumise à de lourds investissements pour augmenter sa capacité de production. Skoda vise les 2 millions de voitures en 2025, dont 650.000 en Chine en 2020 (multiplié par deux). Avec son plan produit, ses prix compétitifs et son exposition sur des marchés très dynamiques (Chine, Inde, Russie), Skoda pourrait de nouveau créer la surprise.

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Commentaires 17
à écrit le 14/05/2018 à 18:18
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"la marque estampillée d'un VOLATILE vert" ?? sérieusement ??

à écrit le 27/03/2018 à 15:23
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Si les Allemands n'ont pas compris que l'avenir à des vitesses ridiculement basses c'est le 4x4 ou pseudo 4x4 (suv) tant pis pour eux, et encore comme aux US, c'est le pick'up comme le ft250 no 1 des ventes qui arivera bien sur, quand aux consos, p...

le 14/10/2018 à 9:18
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Vous êtes importateur de f150 ou quoi ?

à écrit le 26/03/2018 à 21:43
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Skoda n'est pas une marque low cost. Ça c'est la meilleure. Skoda, Mitsubishi, Dacia et Hyundai ce sont les Lada des riches.

le 14/10/2018 à 10:51
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On voit que vous n'avez jamais pris place dans une Skoda ou une Hyundai récente qui n'ont strictement plus rien à envier aux généralistes, à l'inverse de Dacia. Le succès de ces marques sur les marchés émergents est parlant : ces voitures ne sont pas...

le 16/10/2018 à 12:10
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@ loran, après possession et usage de plusieurs Coréennes, Daewoo lanos, Kia sportage, i10, chevrolet Gpli, j'avoue avoir été très surpris de la qualité, la fiabilité et le faible prix des pièces détachées, une construction simple d'ou un entretien...

à écrit le 26/03/2018 à 16:09
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Quand on pense que Renault était sur le point de racheter Skoda quand une délégation de la cgt s'en est allé déconseiller aux Tchèques cette solution. Enfin Dacia ce n'est pas si mal non plus.

le 28/03/2018 à 21:35
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Renault voulait juste faire de Skoda une usine d'assemblage de Renault 19 sans perspective de création d'une gamme propre. Renault n'a fort heureusement pas réitéré cette erreur avec Dacia.

à écrit le 26/03/2018 à 13:29
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Ne sont ce point les memes voiture mais moins chères ? Et en cherchant , il y aussi les memes encore moins chères : SEAT .

le 26/03/2018 à 22:50
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Avec le singe livré aussi en paquet cadeau ...?

à écrit le 26/03/2018 à 8:44
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- Helmut ! Remets un bébé singe sous la Skoda !!!

à écrit le 26/03/2018 à 8:32
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Ben les gens ont compris qu'ils avaient les mêmes voitures que les VW et audi mais pour beaucoup moins chères... Même l'automobiliste évolue.

le 26/03/2018 à 9:12
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c est la limite de la Strategie de plateforme de VW (utilisee depuis par tous les autres constructeurs). tout ce qui ne se voit pas est commun, seul change ce qui se voit. donc vous avez 70 % de pieces communes entre Audi et skoda. Mais comme le dit ...

à écrit le 26/03/2018 à 7:54
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Skoda, c'est un look aussi réussi que celui des Audi au prix des Seat.

le 27/03/2018 à 11:38
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Skoda, ça gaze comme le reste de la bande ...

le 28/03/2018 à 21:38
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@Janvier : vu les performances commerciales du groupe VW, tout le monde s'en fout éperdument. De ça comme du soit-disant dieselgate (dont soit dit en passant on ne parle plus guère).

à écrit le 26/03/2018 à 7:45
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ça gaz! T inquiète il a une WV

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