Automobile : "une prime à la casse coûtera cher et ne sera pas efficace"

Lionel French-Keogh, directeur général de Hyundai Motor France, se dit très réservé sur l'opportunité d'une prime à la casse au moment où les finances publiques sont très sollicitées par la crise du coronavirus. Il juge qu'un tel dispositif ne répondra ni aux besoins des constructeurs, ni aux exigences environnementales de l'opinion publique qui sortiront renforcées de la crise du coronavirus. Entretien.
(Crédits : Hyundai Motor France)

LA TRIBUNE - Comment se passe le confinement pour une marque comme Hyundai ?

Lionel French-Keogh - Dans le monde, c'est une période compliquée, puisque tour à tour, les pays contaminés par la crise du coronavirus ont été la Chine, puis la Corée du Sud, l'Europe, et maintenant les Etats-Unis et l'Inde, soit les principaux marchés de Hyundai. En France, le commerce est à l'arrêt depuis mi-mars et probablement jusqu'à la date de fin de confinement annoncée lundi 13 avril. Ce sera une très mauvaise année pour Hyundai. C'est acquis. D'autant qu'on ignore tout du tempo de la reprise, que ce soit la date de reprise effective des activités ou le rythme du rebond du marché. Pour autant cela ne veut pas dire que nous allons rester inactif. Nous préparons d'ores et déjà la reprise, si bien que Hyundai Motor Europe a décidé de ne pas recourir au chômage partiel. Toutes nos équipes travaillent pour la continuité opérationnelle de la marque, et ainsi répondre présent le jour où le marché va se reprendre.

2020, c'était l'année de l'électrification du marché automobile, et Hyundai dispose d'un catalogue riche en produits électrifiés. Est ce que la crise du Coronavirus n'a pas en quelques sortes brisé un élan commercial sur cette technologie ?

L'avantage pour Hyundai c'est que nous avons un agenda commercial très soutenu et qui démarrera en septembre avec l'arrivée de i20, puis Tucson, nouveau Kona et nouveau Santa Fe d'ici le mois de décembre. Nous maintenons tel quel cet agenda, cela doit nous permettre de remettre la marque dans une très forte dynamique commerciale dès le second semestre. Sur les voitures électrifiées, d'une manière générale, je ne pense pas que la crise du coronavirus ait cassé un élan. Au contraire, je pense à titre personnel qu'elle va renforcer la conscience des automobilistes à basculer dans l'électromobilité. Et de ce point de vue là, Hyundai dispose de l'une des gammes les plus larges du marché.

L'Association des constructeurs européens d'automobile a demandé à l'Union européenne de surseoir à la réglementation CO2 entrée en vigueur le 1er janvier et qui doit se traduire par de sévères amendes pour ceux qui ne respecteront pas les objectifs. Est-ce un bon message envoyé à l'opinion publique ?

C'est à nous de prendre cette bascule de l'opinion publique comme un fait inéluctable. Chez Hyundai, nous continuons à travailler sur la base de cette réglementation en baissant nos CO2. Il est vrai néanmoins que nous sommes probablement mieux placés que d'autres avec notre gamme de véhicules électrifiés.

Comment voyez-vous la reprise ?

Nous voyons passer différentes études de cabinet et la question c'est de savoir si la reprise aura lieu avant ou après les vacances. Ces mêmes études évoquent le chiffre d'une année à 1,7 million de véhicules en France... Ce qui, comparé à la crise de 2008, ne serait pas une si mauvaise année que cela. Mais cela signifiera aussi que le gouvernement aura mis en place un dispositif d'aide à l'achat de voitures. Je ne suis pas certain que ce soit la piste qu'empruntera le gouvernement tout simplement parce qu'un tel dispositif coûtera très cher au contribuable. En outre, je ne suis pas favorable à une prime à la casse, car, on le sait, c'est un dispositif qui pousse les consommateurs vers les petites voitures, ce qui revient à encourager l'achat de voitures où il y a très peu de marges, peu de rentrées de TVA et ne sont pas nécessairement les plus vertueuses d'un point de vue environnementale.

Dans ce contexte de visibilité très réduite, vous vous préparez néanmoins à une reprise...

Les premiers clients qui arriveront après le confinement seront ceux qui ont absolument besoin d'une voiture, ce sera une démarche très rationnelle. Pour répondre à ces besoins, la clé du succès sera les stocks disponibles. Chez Hyundai, nous avons décidé de ne pas réduire nos approvisionnements. Il y aura un deuxième sujet à ne pas manquer. Nous travaillons à des actions marketing très ciblées et dirigées pour s'adresser aux consommateurs, afin de dégager le meilleur retour sur investissement marketing. Cette stratégie marketing sera d'autant plus nécessaire compte tenu de l'agenda de nouveautés qui nous attend à la rentrée.

Ne craignez vous pas néanmoins que les ventes cette année soit des ventes très rationnelles, c'est à dire sur les finitions les plus basses et avec des prises d'options parcimonieuses, ce qui impactera votre rentabilité ?

Le deuxième semestre livrera à nos clients pas moins de quatre nouveaux modèles parmi lesquels le nouveau Tucson... Autrement dit, c'est le moment où nous réalisons les meilleures rentabilités dans les ventes. En outre, nous serons également portés par le renouvellement de notre clientèle historique, ce qui est plutôt favorable au mix produit.

N'y a-t-il pas néanmoins un risque de guerre des prix parce qu'il va falloir redémarrer les usines et les faire tourner...

C'est une des questions que tout le monde se pose. Il faut garder en tête que la plupart des constructeurs ont arrêté leurs usines, ils ont donc très peu de stocks. S'il y a un risque, il est plutôt volumétrique que sur le mix produit. Dans des moments comme celui-là, la priorité c'est d'abord le compte de résultat. Il est peu probable que les constructeurs le sacrifient au nom des parts de marché.

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Commentaires 12
à écrit le 16/04/2020 à 8:59
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Que l'on cesse toutes ces primes à la casse qui sont de natures à renchérir le prix.

à écrit le 16/04/2020 à 8:12
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plusieurs commentaires : - Sarkozy l'a fait, isolé en europe, résultat les français ont acheté majoritairement hors des marques françaises, on s'est endettés pour le profit d'autres pays ! - le secteur automobile atteint un palier qui va durer ce n...

à écrit le 16/04/2020 à 7:28
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Tres peu de stock ! C'est une blague. Faut voir les parking de Pusan pleins de voitures neuves toutes marques confondues, attendre les prochaines expeditions. Quant a Yundai, les ventes locales marchent tres bien.

à écrit le 15/04/2020 à 23:21
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Mais pourquoi pas une prime à la casse d'un véhicule atmosphérique amorti ( minimum 5 ans) pour aider à basculer à l'électrique tt en bénéficiant du bonus, ce qui contribuerait à faire décoller ce marché et aussi à améliorer la qualité de l'air des ...

à écrit le 15/04/2020 à 18:10
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En tant que puriste (je suis électronicien de métier de coeur et de passion), je n'aime pas la notion de voiture électrifiée, ça veut dire un chassis en ferraille et un seul moteur électrique à la place du 4 cylindres, pour moi on doit optimiser les ...

le 16/04/2020 à 9:03
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Et oui, l'ennemi de l'électricité c'est la masse.

à écrit le 15/04/2020 à 13:51
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Sur les prix, il se trompe, ça va être sanglant.

à écrit le 15/04/2020 à 11:34
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Pensez déjà à une prime de fabrication et de remplacement des batteries : des millions de véhicules ne redémarreront plus après deux mois de confinement. Et tous en même temps...

à écrit le 15/04/2020 à 9:04
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Merci pour ses paroles sages mais vous travaillez pour un groupe coréen à savoir multinationale qui ne cherche pas à tout prix une perfusion d'argent public comme nos vieilles multinationales européennes sont repus à faire.

le 15/04/2020 à 13:25
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tous les pays font des incitations à leurs constructeurs pour doper leur industrie... le problème est plutôt, quelles incitations.... plus que les incitations en elle même

le 15/04/2020 à 20:26
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La prime à la casse est la pire, certainement voulue afin de jeter les voitures comme des kleenex. Destructeur pour l’environnement, les finances publiques et le pouvoir d'achat des ménages.

à écrit le 15/04/2020 à 8:49
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Celui qui rate l'opportunité d'électrifier les véhicules d'occasion rate tout. L'industrie automobile devrait massivement investir dans cette direction et réduire ses cadences du neuf.

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