
Les tensions sur l'approvisionnement et le coût des matières premières ont aiguisé l'intérêt des industriels de l'automobile autour du recyclage des composants des batteries. Une nécessité étant donné le boom à venir des voitures électriques. Quelque 350 millions d'exemplaires devraient rouler dans le monde d'ici à 2030, contre 16,5 millions en 2021, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE).
« D'ici dix ans, on fabriquera tellement de batteries qu'il faudra absolument recycler le lithium. Autrement, il n'y en aura pas suffisamment », prévient Philippe Barboux, professeur de chimie à l'université PSL à Paris.
Des projets mais encore en phase pilote
Les industriels commencent seulement à s'organiser en vue du gigantesque défi que représentera la fin de vie des batteries de voitures électriques. En théorie, ils sont désormais en mesure de recycler la quasi-totalité des matériaux qui composent les batteries, selon les experts interrogés par l'AFP.
Le groupe allemand Aurubis, l'un des plus gros producteurs européens de métaux non ferreux, affirme être capable de recycler dans son usine pilote de Hambourg au moins 95% des métaux contenus dans la « black mass », une poudre noire qui contient les oxydes métalliques valorisables. Un objectif que partagent également le groupe minier français Eramet, le belge Umicore ou encore le constructeur automobile allemand Mercedes.
Le travail d'une chercheuse française salué
Les industriels ne sont pas les seuls à plancher sur le sujet. Une chercheuse française a mis au point un procédé pour récupérer le graphite des batteries. Ce composant représente jusqu'à un quart du poids des batteries et, pourtant, personne ne s'était vraiment penché sur la façon de le recycler, explique Anna Vanderbruggen, récompensée l'an dernier par le prix de l'Institut européen d'innovation et de technologie (EIT) pour sa découverte. « Les constructeurs de batteries ne s'y intéressaient pas, car ils pouvaient s'en procurer à faibles coûts en Chine ».
Au sein du prestigieux institut de recherche allemand Helmholtz, à Freiberg, elle a élaboré une méthode pour séparer le graphite des métaux que contient la « black mass », aussi composée de cobalt, nickel, lithium et manganèse. « On met la "black mass" dans l'eau et on y injecte des réactifs et des bulles d'air, comme dans un jacuzzi. Le graphite s'attache à ces bulles, tandis que les métaux sont hydrophiles et restent donc dans l'eau », détaille la chercheuse.
Un marché pas encore mûr
Reste que la plupart des projets actuels sont encore en phase pilote. « C'est un énorme marché en construction et nous voulons y jouer un rôle », a assuré à l'AFP Ken Nagayama, responsable du développement des matériaux de batteries chez Aurubis, qui travaille actuellement à un processus de recyclage du graphite. Il estime que « le marché devrait être suffisant pour développer une usine de recyclage de batteries à l'échelle industrielle au cours de la seconde moitié de la décennie ».
Il n'y pas encore « suffisamment de volumes de batteries en fin de vie pour le moment », explique Serge Pelissier, directeur de recherche à l'université Gustave Eiffel à Lyon. Les batteries peuvent durer au moins 7 à 8 ans selon lui. Les différents modèles de batteries automobiles existants compliquent par ailleurs la mise en place d'un recyclage standardisé, comme pour les téléphones et ordinateurs portables qui disposent déjà d'une filière bien rodée. « Il faudra attendre le début des années 2030 » pour que le marché soit mûr, prévoit Alex Keynes, de l'ONG Transport & Environment.
L'Union européenne met par ailleurs la pression. Selon un accord trouvé en décembre 2022, les batteries des véhicules électriques devront, à partir de 2031, incorporer 16% de cobalt recyclé ainsi que 6% de lithium et nickel recyclés. De plus, les industriels devront recycler au moins 70% du poids des batteries avant 2031. « S'ils récupèrent de nouveaux composants comme le graphite, ils pourront ainsi répondre à ces exigences », souligne Anna Vanderbruggen.
Il y a en tout cas urgence car les métaux risquent de manquer. Notamment le lithium et le cobalt. « Compte tenu des délais nécessaires au développement de projets miniers (15 à 20 ans entre les premiers sondages et la mise en production), il apparait qu'il sera difficile de satisfaire la demande avec les actifs existants ou en cours de construction », expliquait dans une tribune le Cabinet Deloitte en janvier dernier.
(Avec AFP)
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