
Trois semaines après avoir annoncé l'ouverture d'une enquête sur des subventions chinoises accordées aux constructeurs de voitures électriques - qui avait provoqué l'ire de Pékin - Bruxelles dévoile ses premières preuves.
« La Commission est en possession d'éléments de preuve suffisants tendant à montrer l'existence de subventions, d'une menace de préjudice et d'un lien de causalité requis pour l'ouverture d'une enquête », stipule l'avis d'ouverture de la procédure publié ce mercredi 4 octobre au Journal officiel de l'Union européenne.
Le document précise que cette enquête résulte de la « propre initiative » de la Commission qui agit « sans avoir reçu de plainte écrite déposée par l'industrie » automobile européenne.
Octroi de prêts, crédits à l'exportation, lignes de crédit
Les pratiques identifiées peuvent prendre la forme de « transferts directs de fonds », de « recettes publiques abandonnées » ou encore de « fourniture par les pouvoirs publics de biens ou de services » à des tarifs préférentiels, explique l'avis publié ce mercredi. En particulier, la Commission affirme avoir « trouvé des preuves de l'octroi de prêts, de crédits à l'exportation et de lignes de crédit fournis par des banques publiques ».
La liste des aides dont auraient bénéficié les constructeurs chinois, au détriment de leurs concurrents européens, inclut aussi « la fourniture d'une assurance à l'exportation préférentielle, des réductions et exonérations de l'impôt sur le revenu, une exonération fiscale des dividendes, des remises de taxe à l'importation et à l'exportation, des exonérations et abattements de TVA, ainsi que la fourniture de biens (tels que des matières premières, des intrants, et des composants) et de services par les pouvoirs publics moyennant une rémunération moins qu'adéquate ».
13 mois d'enquête maximum
Cela faisait des mois que les constructeurs européens tempêtaient contre les constructeurs chinois, avec pour chefs de file Luca de Meo, le directeur général de Renault et Carlos Tavares, celui de Stellantis. Résultat, l'Union européenne, par la voix de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait annoncé le 13 septembre le lancement d'une vaste enquête sur les subventions accordées par la Chine à son industrie, afin de développer les voitures électriques, la justifiant par la nécessité de défendre l'industrie européenne.
« Les marchés mondiaux sont aujourd'hui inondés de voitures électriques chinoises bon marché, dont le prix est maintenu artificiellement bas par des subventions publiques massives », avait-elle affirmé. Pékin avait, de son côté, dénoncé une mesure « protectionniste » qui aura « un impact négatif sur les relations économiques » entre les deux blocs.
L'enquête, qui doit permettre de rassembler l'ensemble des preuves nécessaires, devra être achevée dans un délai maximum de 13 mois, précise l'avis d'ouverture de la procédure. À l'issue, l'UE pourrait décider de taxer les véhicules importés de Chine, au-delà des 10% actuels.
Reste que, même en cas d'infraction avérée, elle pourrait y renoncer si elle estime ne pas y avoir intérêt. « Si l'existence de subventions et d'un préjudice en résultant est établie, il sera déterminé (...) si l'institution de mesures compensatoires n'est pas contraire à l'intérêt de l'Union », souligne le document. L'industrie automobile allemande, par exemple, réalise 40% de son chiffre d'affaires mondial en Chine et redoute un conflit commercial avec son premier client.
En ouvrant cette enquête, l'UE tente un pari difficile : montrer ses muscles sans trop irriter Pékin, réduire sa dépendance commerciale sans rompre avec le géant asiatique. Derrière cette passe d'armes, l'Europe veut éviter un conflit funeste et « maintenir le dialogue ouvert » avec son premier partenaire commercial, comme l'avait souligné fin septembre le commissaire européen au commerce, Valdis Dombrovskis.
(Avec AFP)
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