
L'Union européenne « ne doit craindre aucun pays », a affirmé ce vendredi 15 septembre Bruno Le Maire. Par cette phrase, le ministre de l'Economie visait la Chine alors que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé deux jours plus tôt le lancement d'une vaste enquête sur les subventions accordées par Pékin à son industrie, afin de développer les voitures électriques. L'UE entend ainsi défendre l'industrie européenne face à des prix jugés « artificiellement bas ».
« Nous ne devons craindre aucun pays. Nous sommes l'UE. Nous sommes le marché unique. Nous sommes l'un des continents économiques les plus puissants du monde. Nous devons défendre nos intérêts économiques, financiers, sociaux et environnementaux », a déclaré le ministre, qui s'exprimait en anglais, dans une interview à Bloomberg TV en marge d'une réunion avec ses homologues européens à Saint-Jacques-de-Compostelle (Espagne).
« Je pense que c'est une bonne nouvelle que l'Europe prenne conscience de la nécessité de défendre ses intérêts économiques. Les États-Unis défendent leurs intérêts économiques. La Chine défend ses intérêts économiques. L'UE doit faire de même », a-t-il ajouté.
« Les marchés mondiaux inondés de voitures électriques chinoises bon marché »
Dans la cible de l'UE : les subventions massives de la Chine aux constructeurs du pays qui vont à l'encontre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui impose de ne pas établir de discrimination entre leurs partenaires commerciaux. « Les marchés mondiaux sont aujourd'hui inondés de voitures électriques chinoises bon marché, dont le prix est maintenu artificiellement bas par des subventions publiques massives », avait ainsi fustigé la patronne de l'exécutif européen, dans son discours sur l'état de l'Union européenne, à Strasbourg.
Et si, au terme de son enquête, la Commission constatait des infractions aux règles commerciales, elle pourrait alors infliger des droits de douane punitifs aux véhicules chinois, au risque de déclencher une guerre commerciale avec Pékin.
La Chine menace de représailles
Dès le lendemain, la Chine a d'ailleurs répliqué en dénonçant une mesure « prise au nom d'une "concurrence loyale" » et qui est « ouvertement du protectionnisme ». Elle « aura un impact négatif sur les relations économiques et commerciales entre la Chine et l'Union européenne », a prédit le ministère du chinois du Commerce dans un communiqué.
Or, la Chine est capable de prendre des mesures brutales. En témoigne le rétropédalage de l'Europe concernant les quotas d'émissions de CO2 imposés par Bruxelles aux vols internationaux et contre lesquels Pékin s'opposait, concentrant ainsi ses représailles contre Airbus.
Néanmoins, les ministres de l'Economie français et allemand ont salué la décision de la Commission européenne d'ouvrir une enquête, estimant qu'il s'agit de la « bonne attitude », en prenant toutefois des gants afin d'éviter d'irriter la Chine.
Le ministre allemand a ainsi rappelé à l'AFP qu'il « ne s'agit pas d'exclure du marché européen des voitures performantes et bon marché, mais de voir s'il y a des subventions cachées, directes ou indirectes, qui représentent un avantage concurrentiel déloyal ».
De son côté, l'Association des constructeurs automobiles européens (ACEA) a salué l'annonce européenne. Son président et directeur général du groupe Renault, Luca de Meo, avait rappelé en juin dernier dans une interview à La Tribune que « l'Union européenne doit trouver la façon de se protéger, non pas pour défendre une industrie du passé, mais pour faire décoller l'industrie de demain ». En revanche, ni Renault ni Stellantis n'ont fait de commentaires après cette annonce.
Et certains dirigeants d'entreprises ne voient pas d'un bon oeil l'enquête ouverte par la Commission européenne. Bruno Le Maire a ainsi reconnu avoir reçu des appels inquiets de la part de quelques patrons français. « Pour être franc, j'ai reçu quelques appels téléphoniques. Mais ma réponse a été très claire: "Que voulez-vous? Une Europe faible ou une Europe forte?". Je pense que nous avons besoin d'une Europe forte », a-t-il réagi.
« Nous ne sommes pas là pour déclencher une quelconque guerre commerciale. Nous sommes simplement là pour veiller à ce que des règles équitables soient mises en œuvre par tous les partenaires, qu'il s'agisse de la Chine ou de tout autre partenaire. Cela n'a rien à voir avec du protectionnisme », a-t-il estimé.
(Avec AFP)
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