Jean-Philippe Imparato lâche Peugeot pour aller sauver Alfa Romeo

Celui qui a participé à faire de Peugeot l'une des marques automobiles les plus rentables du monde, vient d'être parachuté à la tête d'Alfa Romeo. La marque italienne souffre d'un cruel déficit de stratégie produit qui se traduit par des ventes décevantes, et ce, malgré une notoriété premium intacte. Cette nomination fait partie de la série de nomination annoncée mardi pour le premier jour de Stellantis, la nouvelle structure issue de la fusion entre FCA et PSA.
Nabil Bourassi
Jean-Philippe Imparato a pris la tête d'Alfa Romeo le 19 janvier
Jean-Philippe Imparato a pris la tête d'Alfa Romeo le 19 janvier (Crédits : Reuters)

La rumeur courait depuis quelques jours déjà... Jean-Philippe Imparato était donné sur le départ pour franchir les Alpes à la faveur de la fusion FCA-PSA. On sait désormais que celui qui dirige Peugeot depuis cinq ans maintenant va effectivement prendre les rênes d'Alfa Romeo, l'une des marques-phares de l'ancien groupe FCA. Cette nomination a été annoncée mardi dans la foulée d'un vaste remaniement managérial qui suit la naissance de Stellantis, la nouvelle entité issue de cette fusion industrielle géante. C'est Lynda Jackson, ancienne patronne de Citroën, qui reprend le volant de Peugeot.

Pur produit Tavares

Jean-Philippe Imparato incarne à lui-seul la méthode Carlos Tavares, du nom du patron de PSA désormais PDG de Stellantis: repositionnement de la marque, pricing power (capacité à défendre ses prix), reprise en main du réseau de distribution... Tout à fait ce qu'il faut à la marque italienne premium qui manque cruellement de stratégie de gamme et doit revoir sa distribution pour accélérer son internationalisation. Alfa Romeo a vendu environ 80.000 voitures en 2019, loin... très loin des 240.000 immatriculations enregistrées en... 1989, dernier exercice record. La marque fondée en 1910 n'a pas sorti de nouveaux modèles depuis près de trois ans maintenant, contrairement aux promesses d'une nouvelle gamme de 8 nouveautés entre 2016 et 2020. Une situation qui n'a cessé de s'aggraver avec la sortie de la Mito du portefeuille, puis plus récemment de la Giulietta. Il ne reste guère que le Stelvio et la Giulia en concession.

Pour autant, Alfa Romeo n'est pas dénué d'atouts... Au contraire, puisqu'elle bénéficie toujours d'une très forte notoriété et d'un capital prestige à peine entamé avec le temps malgré le manque d'investissements de ces dernières années. Il existe toujours de l'appétit pour ce label sportif aux lignes élégantes et baroques à la fois, loin des standards austères allemands. En outre, le potentiel d'internationalisation est très fort, notamment aux Etats-Unis. Le deuxième marché automobile mondial compte effectivement plus de clubs amateurs Alfa Romeo que dans le reste du monde, alors même que la marque a quitté le territoire dans les années 1990.

Peugeot, vache à lait de PSA

Pour Jean-Philippe Imparato, c'est donc quasiment du tout cuit... D'autant qu'il peut s'appuyer sur son bilan à la tête de Peugeot pour rassurer les équipes d'Alfa Romeo. Arrivé en 2016 chez le lion, il a assis et amplifié la stratégie de repositionnement sur du haut de gamme, en déployant avec une méthodologie très rigoureuse (allergie aux stocks, assainissement des canaux de distribution en réduisant à peau de chagrin les ventes dites tactiques...), avec un portefeuille de nouveaux modèles aux finitions soignées.

Le lancement réussi du 3008, bien que conçu avant son arrivée, a largement porté l'envolée de Peugeot. Ce SUV compact a surpris par l'ampleur de sa percée sur un segment où les Français étaient alors très faibles. Il devient très vite l'un des SUV les plus vendus en Europe. Les lancements réussis des 2008 et 208 sont également à mettre à son crédit. Ces deux citadines ont réussi à bousculer leur segment pour s'imposer sur le podium, voire même prendre la première place sur certains marchés européens.

Sous sa direction, la marque au lion est devenue la vache à lait du groupe PSA. Certains analystes évoquent des marges de plus de 12% sur certains modèles comme le 3008. Avec Laurent Blanchet, son directeur du produit, Jean-Philippe Imparato a su tirer parti de la finition GTLine pour tirer les prix vers le haut. Cette version qui peut faire monter la note de plus de 40% par rapport au modèle de base, a été particulièrement bien vendue. « Du jamais vu dans l'histoire de la marque », nous disait un porte-parole de la marque. En 2020, et malgré la crise sanitaire, Peugeot a vendu un tiers de ses modèles sous ce label.

Enfin, Jean-Philippe Imparato n'est pas peu fier du succès de l'électrification chez Peugeot. Ainsi, 14% des 208 et 2008 vendues en 2020 étaient 100% électrique, et 17% des ventes thermiques étaient hybrides rechargeables. Soit une belle performance pour une marque totalement absente du créneau deux ans auparavant. En réalité, le véritable exploit de Jean-Philippe Imparato est d'être parvenu à mobiliser l'enthousiasme de l'ensemble des équipes sur l'électrification, prenant le contre-pied de la culture maison historiquement tournée vers le diesel.

Le plafond de verre des volumes

Si Jean-Philippe Imparato est parvenu à faire du pricing power un immense levier de croissance en valeur de la marque Peugeot, il a, en revanche, buté sur plusieurs plafonds de verre en matière de volumes. D'abord, le retournement du marché chinois l'a privé de plusieurs centaines de milliers de ventes dès 2018. Ensuite, la dénonciation de l'accord sur le nucléaire iranien a contraint Peugeot de renoncer à un potentiel de 400.000 ventes par an. Enfin, les pays émergents d'Amérique Latine n'ont pas complètement adhéré à la montée en gamme de Peugeot, qui a pris une toute autre ampleur en matière de positionnement-prix en raison de l'inflation galopante (Argentine) mais aussi de barrières douanières dissuasives (Brésil). Ainsi, Peugeot s'est recentré, par la force des choses, sur l'Europe qui, par chance, a enregistré une croissance en volume autant qu'en valeur.

Polyglotte

Chez Alfa Romeo, il risque d'être confronté au même schéma avec la nécessité d'accélérer le développement d'une gamme cohérente pour disposer des bons outils de pricing power. Par chance, il arrive au moment où Alfa Romeo s'apprête à lancer le Tonale, son SUV de segment B.

Chez Alfa Romeo, le choix de Jean-Philippe Imparato, une pièce maitresse du redressement de PSA, témoigne de l'intérêt de Carlos Tavares pour la marque sportive. Et pas seulement parce qu'il parle couramment italien...

Nabil Bourassi

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Commentaires 6
à écrit le 21/01/2021 à 18:13
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En perspectives moins de vente des voitures Peugeot, puisqu'ils sont tous sur le même créneau.

à écrit le 21/01/2021 à 18:01
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Faché à vie avec cette " marque ". Trop chère et compliquée à entretenir. Pièces et main d'oeuvre hors de prix Ne vaut rien à la revente. Ne se vend meme plus en neuf : réputation faite, comme Lancia Qu'il la pourvoie plutot, de plate-forme et ...

à écrit le 21/01/2021 à 8:30
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Une bonne initiative il est évident que vu la médiocrité de la concurrence allemande reposant son succès sur un énorme malentendu il ya de quoi faire et de quoi bien faire, Alfa c'est quand même autrement plus classe hein. Lancia également d'ailleurs...

à écrit le 21/01/2021 à 2:25
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Excellentess voiture mais un défaut majeur : Trop Chères

le 22/01/2021 à 12:52
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Je ne trouve pas alfa Romeo trop chere, au contraire, ils sont plutôt bien placé face à leur concurrence. Un Stelvio est plus un concurrent d'un X5 que d'un 3008.

à écrit le 20/01/2021 à 21:08
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J'ai eu des Alfa pour le moteur, le son, mais ça ne suffit pas.

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