LA TRIBUNE- Le monde se transforme parfois par des nécessités environnementales pressantes, parfois par des effets de conjoncture issues de la crise sanitaire ou encore de la géopolitique internationale... Dans ce contexte, quelle est la réponse de Jeep pour le consommateur ou pour le groupe Stellantis ?
CHRISTIAN MEUNIER- La grande transformation de Jeep c'est son électrification. Je vous rappelle que nous avons annoncé que nous serons 100% électrique en 2030 en Europe, et aux Etats-Unis, notre premier marché, nous atteindrons à cette même date, 50% de ventes électrifiées. Car chez Jeep, nous considérons que l'électrification n'est pas une contrainte mais une opportunité pour faire des voitures meilleures encore. L'électrification permet d'avoir plus de couple, mais également de développer de meilleures performances sur les déclinaisons de terrain, ce qui est très important pour nos clients. Jeep doit rester une marque dédiée à l'aventure, celle-ci sera simplement plus performante et silencieuse.
Quand on pense à Jeep, on ne pense pas à la sobriété telle qu'on peut l'entendre en Europe et surtout dans un contexte de pénuries et d'économies d'énergie...
Tous les modèles de la gamme Jeep ne sont pas adaptés au marché européen. C'est pourquoi nous avons conçu un nouveau modèle, l'Avenger qui sera plus compact et 100% électrique. Il complètera le Renégade qui était déjà un modèle compact et que nous avons électrifié. Bien sûr, Jeep n'a pas le design le plus efficace d'un point de vue environnemental... Mais je constate que le marché existe, il suffit de jeter un coup d'oeil dans les rues pour voir des SUV partout. Nous travaillons donc à apporter une réponse environnementalement soutenable à nos clients. Je rappelle qu'en France et en Allemagne, notre gamme est depuis cet été entièrement électrifiée. Nous sommes la première marque du groupe Stellantis à accomplir une telle bascule sur ces deux marchés importants.
L'Avenger, c'est un plan de conquête de l'Europe ?
Oui. Notre objectif est de rééquilibrer nos ventes globales et faire en sorte que l'Amérique du Nord ne pèse plus que 50% de nos ventes en 2030, contre 63% aujourd'hui. Nous estimons qu'en Europe, nous avons de véritables marges de manoeuvres. Nous avons une excellente image, qui date de la Libération. Notre analyse c'est que nous n'avons fait qu'effleurer notre potentiel en Europe. L'Avenger doit nous permettre d'activer ce potentiel en allant chercher une nouvelle clientèle qui n'aurait jamais pensé s'acheter une Jeep auparavant.
Quels sont vos objectifs ?
Nous ne sommes pas dans une démarche de volumes. Nous sommes dans une optique de création de valeur pour nos clients. Toutefois, je constate qu'en Italie, Jeep détient 5% du marché... Alors qu'en France, nous ne sommes qu'à 0,5%.
Dans un contexte de forte inflation, du prix des voitures mais également de l'énergie, sans parler du coût de l'argent qui augmente également avec la hausse des taux d'intérêts, est ce que vous n'arrivez pas au plus mauvais moment en Europe avec votre stratégie d'électrification ?
Il y a de la place en Europe face à un Volkswagen ou un Peugeot qui se positionne sur le généraliste premium. C'est notre ambition. Comme je disais, nous ne sommes pas en train de chasser les volumes, ce qui nous permet de nous détacher de la pression conjoncturelle. Sur la question des prix, notre politique sera de nous positionner de manière compétitive sur le segment face à nos principaux concurrents.
Face au discours anti-SUV vos concurrents peuvent revenir sur leurs berlines classiques, pas vous...
L'Avenger est une réponse à ce discours. Nous allons modifier la perception de la marque pour rendre nos modèles acceptables. En Californie, nous avons réussi à relancer les ventes de notre Wrangler en l'électrifiant avec la technologie hybride rechargeable. En Europe, la taille des voitures est en train de rétrécir. Les clients du segment des compacts (catégorie C) sont en train de basculer sur le segment des citadines (catégorie B). Nous observons à peu près le même phénomène au Japon et en Corée du Sud où nous allons également commercialiser l'Avenger.
Vous avez une stratégie globale. Pour autant, Carlos Tavares (PDG de Stellantis, maison-mère de Jeep, ndlr) a annoncé un virage dans la stratégie de Jeep en Chine appelée light asset et qui consiste à cesser la production de véhicules sur place pour passer à de l'import. C'est un recul sur le premier marché automobile du monde...
C'est un recentrage sur une stratégie d'import qui marche très bien via deux modèles, le Wrangler et le Grand Cherokee. Stellantis a pris cette décision face aux incertitudes géopolitiques mais également pour des raisons financières. En Chine, nous allons donc nous concentrer sur un travail autour de l'ADN de la marque, dans un premier temps.
En renonçant au premier marché automobile du monde, quels sont les autres marchés prioritaires pour vous ?
C'est donc l'Europe, mais également l'Amérique Latine et le Moyen-Orient. En Asie, nous avons également des ambitions sur deux marchés importants qui sont le Japon et la Corée du Sud.
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