Rachat d'Opel : comment Carlos Tavares a réussi la métamorphose de PSA

Le rachat d'Opel par le groupe automobile français constitue un véritable virage dans l'histoire automobile européenne. Carlos Tavares qui est le principal maitre d'oeuvre de la métamorphose réussie de PSA, bénéficie d'un crédit de confiance élevé, autant de la part des marchés que des syndicats. La transformation de PSA pourrait n'en être qu'à ses débuts...
Nabil Bourassi
Carlos Tavares est parvenu à susciter un véritable enthousiasme autour de son projet de développement.

C'est historique ! PSA rachète Opel à l'américain General Motors qui le détenait depuis... 1929. Le groupe automobile français devient le deuxième groupe automobile européen, plus de 4 millions de voitures par an, et quatre marques ! Il se renforce sur deux marchés majeurs : l'Allemagne et le Royaume-Uni.

Et pourtant, PSA revient de très loin. Il y a encore quelques années, le groupe était aux abois : des ventes en berne, des finances catastrophiques... Si bien que, tout le monde s'en souvient, il a fallu l'intervention de l'Etat et d'un actionnaire tiers, à savoir le constructeur automobile chinois DongFeng, pour renflouer le groupe, diluant au passage la famille historique (les Peugeot ont désormais 14% du capital), et ont mis à la tête de PSA, l'ancien numéro deux de Renault, dissident du règne de Carlos Ghosn, Carlos Tavares.

Deux plans stratégiques en deux ans

Il fait le tour de l'entreprise en quelques mois et lance le plan Back to the Race. Un plan de redressement qui doit remettre le groupe sur les rails d'un point de vue opérationnel. Il atteint ses objectifs avec deux ans d'avance : les comptes repassent dans le vert (reprise du marché européen aidant), et surtout le seuil de rentabilité de la production baisse d'un million de voiture ! Pas mal pour un groupe qui en produit trois millions. Restructuré, le groupe peut repartir à l'offensive, et Carlos Tavares dégaine un nouveau plan stratégique : Push to Pass.

Toute la gamme est revue de fond en comble. Les trois marques (Peugeot, Citroën et DS dont il a décidé la création en exfiltrant une ligne du catalogue Citroën) se voient attribuer une nouvelle identité de marque. Peugeot doit davantage assumer son titre de marque généraliste premium, Citroën, pour des voitures cool et populaires, et DS, le label haut-de-gamme. Comme cela ne suffisait pas, il a annoncé un plan de 28 lancements de nouveaux modèles entre 2016 et 2020. Il s'agissait de renouveler toutes les gammes en fonction des nouvelles identités de marques, mais également d'être plus offensif sur les SUV, segment très dynamique, et d'aller chercher de nouveaux marchés avec l'arrivée d'ici un an d'un pick-up...

PSA continue également à miser sur les innovations que ce soit autour de l'environnement où le groupe a acquis une certaine autorité, ou dans la connectivité. Le remarquable système i-cockpit est probablement le point de départ de ce que PSA veut proposer à l'avenir.

Cap sur l'international

Et ça, c'est juste pour les fondations. L'ambition de Carlos Tavares est de placer PSA sur tous les marchés... Absolument tous ! En Chine, le groupe est en train de redéployer son réseau pour reconquérir ses parts de marché (le groupe a vu ses ventes baisser de 16% en 2016). En Amérique Latine, l'offensive SUV se conjuguera bientôt avec l'arrivée d'un pick-up pour accompagner la reprise progressive du marché. En Iran, le groupe compte bien retrouver ses positions d'antan qui lui permettaient d'écouler entre 300.000 et 400.000 voitures par an. En Inde, le groupe vient d'annoncer un investissement de 100 millions d'euros, le rachat de la marque Ambassador. En Asie du Sud-Est, PSA a bon espoir de racheter la marque malaisienne Proton pour disposer d'une base stratégique et opérationnelle afin de desservir cette zone de près de 400 millions de personnes. Pas question de faire l'impasse sur le marché africain sous prétexte qu'il est hétérogène, aléatoire et mal desservi. PSA multiplie les usines d'assemblage qui ont l'avantage d'être peu capitalistiques et permettent de faire des petits volumes mais surtout d'installer une marque sur des marchés avec un beau potentiel à long terme : le Kenya, le Nigéria, l'Ethiopie... Au Maroc une usine est en cours de construction tandis que les négociations avec le gouvernement algérien sont toujours en cours.

Ce n'est pas tout ! Carlos Tavares veut transformer PSA comme un acteur dans le digital. Il a crée un nouveau département Free2Move. Il s'agit d'une marque qui proposera une panoplie de services de mobilité à travers un portail. Pour cela, PSA rachète des petites startups, a lancé un incubateur, a passé des partenariats (avec Autolib)...

Un chèque en blanc

Carlos Tavares est parvenu à susciter un véritable enthousiasme autour de son projet de développement. Les marchés lui donnent quasiment un chèque en blanc tant ils ont été bluffé par le redressement spectaculaire du groupe. Ce qui leur fait accepter des initiatives qu'ils n'attendaient pas comme le rachat d'Opel. Les syndicats se fédèrent également autour du projet de Carlos Tavares. S'ils ont consenti à des sacrifices, ils reconnaissent que l'avenir de PSA est désormais pérenne et s'en félicitent. Ils jugent que les relations avec la direction se sont largement améliorées depuis l'arrivée de Carlos Tavares.

L'arrivée d'Opel va assurément changer la donne, du moins la dimension de PSA en Europe. Le groupe aura désormais des comptes à rendre aux gouvernements allemand et britannique, mais également au très puissant syndicat allemand IGMetall. Carlos Tavares a, certes, promis de respecter les engagements sociaux déjà signés. Mais ceux-ci courent jusqu'en 2018. Or, Carlos Tavares ne jure que par l'excellence opérationnelle et les usines Opel sont largement sous-utilisées. Le prochain chapitre qui s'ouvre pourrait revoir l'organisation industrielle de PSA dans cette Europe étendue. Autrement dit, dans trois ans, PSA n'aura encore plus rien à voir avec le groupe d'aujourd'hui, qui est déjà tellement différent du groupe d'il y a trois ans.

Nabil Bourassi

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Commentaires 19
à écrit le 06/03/2017 à 20:19
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Il faut reconnaitre que le coût du rachat est raisonnable, malgré tous les problèmes qu'Opel traine, notamment les histoires de retraite allemande qui vont être à gérer sur la durée (il reste encore 6 G€ d'engagement) notamment à cause des pertes d'O...

le 06/03/2017 à 22:37
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Avec 3008 qui fait rentrer les bénefs à gros goulot ..? On voit bien que vous en êtes resté à la communale !

à écrit le 06/03/2017 à 18:44
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Au fond ce qu'a prévu Tavarès c'est de fabriquer des peugeot/citroën chez Opel. Cad juste la carrosserie et encore! Mais rien que de voir ce nom sur une de mes cartes grises me donnera toujours des sueurs froides. Bien sur dans les années 70 Opel ...

à écrit le 06/03/2017 à 13:02
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En politique on a les plus nuls ... car les meilleurs vont gérer des boites multinationales.... c'est ça le problème de la France ...

à écrit le 06/03/2017 à 12:08
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De moins point de vue, Tavares est un bien meilleur patron que Ghosn. Tavares a réussi à faire décoller le groupe PSA avec toutes ses marques. Ghosn a fait décoller Nissan mais en affaiblissant durablement Renaut. Quel dommage que Tavares ne soit pas...

le 06/03/2017 à 13:56
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Ghosn vient de démissionner du CA de Nissan pour s' occuper à plein temps de Renault, craignez le pire pour la marque allemande factuellement sous perfusion suite au vvégate ....

le 06/03/2017 à 18:05
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Quel idée ! Renault est à la traîne depuis très longtemps. Très exactement depuis l'époque ou Renault a décidé de fabriquer des vehicules avec des tôles de 2eme choix (cf les ailes rouillées des R5 et R18). A l'époque c'était le 1er constructeur...

le 06/03/2017 à 19:05
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Ne refaites pas l' histoire. C' est bien Renault qui était dans les premiers constructeurs qui a sauvé Nissan en 99 on y injectant les miiliards qu'il avait gagné avec ses modèles vendus (Scénic et R19 arrêté en 99) , ses meilleurs managers, et son...

à écrit le 06/03/2017 à 11:58
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Avec combien de licenciement chez PSA ?!!!

le 06/03/2017 à 13:48
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Il n'aurait fallu licencier personne et laisser couler la boite avec tout son personnel. Vous etes un champion, vous !

le 06/03/2017 à 16:57
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Pour ces gens les sans dents ne compte plus, allez demander aux ouvriers de Aulnay ce qu'il en pensent !!!!!

le 07/03/2017 à 5:39
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On peut considérer que PSA a déjà été "dégraissée" par Tavarez. C'est plus Opel et Vauxhall qui doivent avoir peur maintenant, d'autant plus que les groupes français sont connus pour sacrifier leurs usines à l'étranger avant celles en France...

à écrit le 06/03/2017 à 10:52
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Écrire "le groupe automobile français" est une erreur car depuis 2014 PSA est devenu officiellement un groupe automobile franco-chinois. CQFD !

le 06/03/2017 à 12:22
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Un peu comme vvé est un constructeur allemano quatari, poil au ki ...!!!!

le 06/03/2017 à 12:50
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Avec 20% du capital dites vous que VW est une groupe QATARO-ALLEMAND ?

le 06/03/2017 à 23:44
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Dans ce cas on peut dire aussi que Renault est un constructeur Franco-Japonais.

à écrit le 06/03/2017 à 8:57
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C'est un chèque en blanc... mais ici la tâche est nettement plus ardue, car GM malgré tous ces effort pendant plusieurs dizaines d'année ( à l'américaine ) n'est pas arrivé à redresser la situation apparente ( on ne sait pas dans quelle mesure si c'é...

le 06/03/2017 à 9:18
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de l optimisation fiscale d avoir des usines deficitaires pendant 30 ans ??? j espere que vous n etes ni comptable ni conseiller fiscal ... l optimisation fiscale c est de mettre ses benefices artificiellement dans un pays ou ils sont peu taxé, pas...

le 08/03/2017 à 16:44
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PSA va réussir car il va rationaliser les usines et car les frais de développements seront couverts par les ventes des véhicules des 5 marques. Il est de notoriété publique que ni GM USA, ni GM China, ni Daewoo, ni Holden, etc... n'ont jamais payé le...

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