La position de Renault et de son principal actionnaire, l'Etat français, était difficilement tenable. Comment maintenir ses activités en Russie, un pays qui "bafoue le droit international" comme l'a dit hier Emmanuel Macron dans une vidéo diffusée lors du premier Forum humanitaire européen, alors que les autorités du pays agressé, l'Ukraine, vous accuse, par la voix de son président, d'être « la machine de guerre russe » et appelle au « boycott » de vos produits partout dans le monde ? Difficile, même si d'autres entreprises privées, comme TotalEnergies et Leroy Merlin ont expliqué qu'un retrait ouvrirait la porte à une expropriation.
Mercredi soir, à l'issue d'un conseil d'administration, Renault a annoncé la suspension des activités de l'usine Renault de Moscou et la possibilité de de vendre sa participation dans AvtoVAZ le constructeur automobile russe. Des mesures qui poussent la direction du groupe à revoir à la baisse ses perspectives financières, en visant une marge opérationnelle, non plus supérieure à 4% comme prévu initialement, mais de 3% environ.
Appel au boycott
L'annonce intervient alors que le groupe automobile français avait été cité par le président ukrainien, lors de son intervention devant les députés français. Dans une visioconférence transmise en directe à l'Assemblée Nationale, Volodymyr Zelensky a exhorté les entreprises françaises "à cesser d'être les sponsors de la machine de guerre russe". Et de citer Renault, parmi Leroy Merlin et Auchan. "Les entreprises françaises doivent arrêter de financer le meurtre d'enfants de femmes, de viols", a lancé le président ukrainien assiégé par les troupes russes à Kiev, la capitale du pays. "Tout le monde doit se rappeler que les valeurs valent plus que les profits", a-t-il implacablement martelé alors que les entreprises françaises tergiversent face aux enjeux économiques d'un abandon du marché russe. Quelques heures plus tard, le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba a carrément appelé à un "boycott" mondial du constructeur automobile français en raison de "son refus de quitter la Russie".
Dmytro Kouleba accusait dans un tweet Renault, dont la Russie est le deuxième marché de "soutenir une guerre brutale d'agression". Il appelle en conséquence "les clients et les entreprises à travers le monde à boycotter le groupe Renault".
Plus qu'un Leroy Merlin ou un Auchan, la position de Renault sur la Russie est de plus en plus compliquée à tenir, en vertu du statut de son premier actionnaire qui n'est autre que l'Etat français (15% du capital) et qui est largement partie prenante dans les sanctions prises contre Moscou.
Un cauchemar pour Renault
Chez Renault, le scénario d'un retrait de Russie prend dès lors des allures de cauchemar avec des pertes considérables, mais aussi avec la crainte de ne plus jamais revenir sur ce marché. Le coût d'un départ serait tout simplement colossal. Le constructeur automobile français a pris le contrôle d'Avtovaz (le fabricant de Lada) au début des années 2010 et y a investi plusieurs milliards d'euros pour moderniser l'outil industriel et développer une nouvelle gamme de modèles. Si le chiffre d'affaires est encore limité (3 milliards pour le seul Avtovaz, c'est-à-dire sans les ventes de la marque Renault), la Russie constitue toutefois un des marchés où Renault misait le plus pour son internationalisation. La marque au losange s'apprêtait d'ailleurs à y lancer une nouvelle gamme accompagnée d'une nouvelle stratégie davantage orientée sur les profits que les volumes. Avec 500.000 voitures vendues, la Russie était déjà le deuxième marché de Renault, derrière la France.
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