BTP : "La taxe carbone était une bonne idée" (Joël Rousseau, groupe NGE)

INTERVIEW. Dans le contexte des hésitations gouvernementales sur la fiscalité du gazole non routier (GNR), le groupe NGE conforte sa 4e place dans le secteur du BTP avec plus de 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2018. Le président du conseil stratégique, Joël Rousseau, entend continuer à investir dans les nouvelles technologies, notamment celles de la transition écologique.
Joël Rousseau, président du conseil stratégique du groupe NGE.
Joël Rousseau, président du conseil stratégique du groupe NGE. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Le gouvernement réfléchirait, selon Le Monde, à plafonner la fiche fiscale sur le gazole non routier (GNR). Qu'est-ce que cela vous inspire ?

JOËL ROUSSEAU - Depuis toujours, les engins des travaux publics, et particulièrement de terrassement, sont sous le même régime que les machines agricoles : ils fonctionnent avec du gazole non routier. Je comprends que le gouvernement souhaite nous retirer cet avantage fiscal, mais pourquoi n'envisage-t-il pas de toucher à celui du monde agricole ? Il faudra donc qu'il réponde à la question de la concurrence déloyale. D'autant que s'il détaxe, cela augmentera les coûts de revient et mécaniquement les prix des ouvrages pour le client final.

Au lendemain de l'acte III des ''Gilets jaunes'', le Premier ministre s'était d'ailleurs engagé à suspendre pour l'ensemble de l'année 2019 la mesure du projet de loi de finances initialement censée supprimer cet avantage.

Peut-être est-ce dans l'air du temps de taxer les énergies fossiles... Compte tenu des questions d'environnement, cela ne me choque pas. La taxe carbone était une bonne idée et je ne suis pas de ceux qui passent leur temps à se plaindre. J'aurais aimé que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. Cela va renchérir en outre le coût des ouvrages pour les collectivités. J'ai toujours trouvé déplacé de faire des critiques politiques, mais ce genre de choses ne peut se faire sur un coin de table. Cela représente quand même plusieurs milliards d'euros ! Nous devons avoir la possibilité de réviser les contrats en cours, mais ce n'est pas anecdotique, tant les enjeux financiers sont importants.

Avec vos résultats 2018 en croissance, n'est-il pas l'heure d'innover pour trouver des solutions plus écologiques ?

Avec nos travaux, nous façonnons le monde de demain en le rendant plus propre. C'est de notre responsabilité de rendre la France plus belle et plus écoresponsable. Nous avons dépassé la barre symbolique des 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2018, avec un résultat opérationnel sur activités qui a augmenté de 9%, passant de 44,4 à 48,3 millions. Notre Ebidta (le résultat net couplé à l'amortissement, ndlr) est, lui, passé de 123,3 à 130,7 millions. Nos investissements annuels sont de 80 millions d'euros et nous investissons en permanence dans les nouvelles technologies.

Lesquelles ?

Nous avons mis au point une machine détectant les polluants dans le sol. L'île-de-France est un bassin sédimentaire qui possède à l'état naturel beaucoup de polluants. Or, quand nous extrayons des matériaux dans le sol, nous sommes obligés de vérifier le degré de pollution et les analyses mettent cinq jours. Aujourd'hui avec notre machine qui fait à la fois spectromètre, laboratoire et big data, nous mettons un jour pour analyser les polluants au lieu de cinq. Cela va mécaniquement réduire le nombre de camions en ville car il ne sera plus besoin d'aller stocker les matériaux quelque part. De même, depuis janvier, nous réduisons de 50% les ralentis de nos flottes, ces temps de démarrage-redémarrage où les moteurs des engins tournent pour rien.

Par ailleurs, le ''chantier du siècle'' du Grand Paris Express ne phagocyte-t-il pas vos autres projets comme on l'entend parfois dans les travaux publics ?

Avec 16 lots, dont 6 ouvrages majeurs, et 720 millions d'euros de travaux en commandes, cela représente un moteur très fort de notre activité. Outre le consensus politique sur l'intérêt du projet, le modèle économique de financement de ce projet constitue un exemple à suivre. La Société du Grand Paris est en effet un établissement public d'État complètement autonome qui a des recettes sécurisées et surtout la possibilité de contracter des emprunts sans blocage de Bercy. C'est ainsi qu'elle arrive à planifier de l'investissement.

La Société du Grand Paris réfléchirait d'ailleurs à passer des procédures en conception-réalisation. Qu'en pensez-vous ?

Sachant que l'étude d'un lot en conception-réalisation coûte environ 10 millions d'euros, l'optimum reste de répartir intelligemment les risques entre le client et l'entreprise. La réponse ne peut jamais être 100% publique ou 100% privée. Il faut à la fois faire appel à l'intelligence et à la création de valeur des entreprises tout en conservant la maîtrise de certains risques par le maître d'ouvrage. Pour élargir les possibilités de financement des infrastructures, il serait souhaitable que les régions aient la possibilité de mettre des péages sur des ouvrages d'intérêt public. Cela leur permettrait de planifier leurs investissements en plein-e autonomie financière.

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Commentaires 8
à écrit le 14/04/2019 à 10:55
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Lorsqu'un pays comme la France est champion du monde de la taxation en tout genre on n'en n'est plus à une de plus, de couleur verte c'est encore mieux. Sauf que les rémunérations et pensions stagnants, c'est encore un appauvrissement généralisé pour...

à écrit le 13/04/2019 à 9:24
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La taxe carbone est une taxe, comme les autres, du racket habillé en poupée gonflable.

à écrit le 12/04/2019 à 22:25
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Le kérozene des riches et le fuel lourd des marchands de cochonneries chinoises jamais taxés! pourquoi ne taxer que le diesel des pauvres?

le 15/04/2019 à 7:48
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Les pauvres sont nombreux et facile a ponctionner.

à écrit le 12/04/2019 à 21:31
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La taxe carbone existe déjà en France : ça s'appelle la TIPP. Sur 10 euros à la pompe 6 euros de taxes!! Il me semble que c'est déjà beaucoup.

à écrit le 12/04/2019 à 17:04
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Le carbone n'est pas un polluant, mais un élément indispensable a tout être vivant, la taxe ne se justifie pas! L'homme a détruit les moyens naturels de captation et ce n'est pas en supprimant la production que le problème se réglera!

à écrit le 12/04/2019 à 14:39
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La taxe carbone alors que tout un pan de l'économie française utilise du carburant diesel non taxé est indigne. Pourquoi taxer toujours les gens qui vont bosser et jamais ceux qui encaissent dans les paradis fiscaux svp ? Un rééquilibrage est...

à écrit le 12/04/2019 à 13:28
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Le carbone n'est pas une pollution mais un élément indispensable a la vie que l'on veut taxer pour de mauvaise raison! L'homme a détruit les moyens de sa captation naturelle et ce n'est pas en diminuant sa production que l'on réglera le problème!

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