En matière de réhabilitation, la France ferait bien de s'inspirer de l'Irlande. Depuis le 1er janvier, les bâtiments commerciaux neufs et/ ou rénovés doivent avoir une consommation énergétique quasi nulle, une norme qui s'appliquera aussi aux logements neufs et/ou rénovés à partir de novembre. Il faut dire que les entreprises montrent l'exemple. Réunies depuis 2011 au sein de l'association Irish Green Building Council (IGBC, Conseil irlandais du bâtiment durable), elles ont coconstruit en 2017 une stratégie nationale de rénovation avec le ministère des Communications, de l'Action climatique et de l'Environnement.
Acteurs privés et publics ont notamment défini ensemble le programme EPD (Environmental product declaration, ou déclaration environnementale des produits et des matériaux), qui contraint les constructeurs et les promoteurs à déclarer leur empreinte carbone. « L'EPD est indispensable pour faire certifier des bâtiments, et permet par ailleurs d'analyser le cycle de vie du bâti - ment », explique Marion Jammet, responsable du développement de l'IGBC.
À ce jour, l'entreprise Ecocem demeure la seule fabricante de ciment à être labellisée EPD. Elle produit du laitier moulu, un déchet issu des hauts-fourneaux, séché et broyé très finement, qui entre dans la composition du béton utilisé pour les souterrains et les surfaces. Ignifuge et à prise rapide sur site, ce matériau permet de combler des fondations. Il est d'ailleurs déjà utilisé dans les carrières du chantier de la ligne 15 du Grand Paris Express.
12 kilos de CO2 contre 900
De couleur blanc-gris, la matière première séduit déjà les entrepreneurs du bâtiment qui souhaitent améliorer leur performance environnementale. La fabrication d'une tonne de ciment écologique composé de laitier moulu émet en effet 12 kilos de CO2 contre 900 kilos pour le ciment traditionnel. Les architectes Michael Earley et Noel Hugues, du cabinet Scott Tallon, l'ont ainsi utilisé pour minimiser l'usage de l'eau pendant les travaux de la superstructure de l'Aviva Stadium, à Dublin, entre 2005 et 2010.
Plus généralement, l'association Irish Green Building Council forme les professionnels aux certifications écologiques comme le label Breeam (Building research establishment assessment method, méthode d'évaluation environnementale du bâtiment) ou Leed (Leadership in energy environnemental design, en pointe dans la conception énergétique et environnementale). L'Institut royal des architectes irlandais (RIAI) joue aussi ce rôle, assure son président David Browne :
« Cela augmente les prix de 2% à 3%, mais les clients ont enfin compris qu'en investissant dans l'efficacité énergétique ils récupéraient leur argent dans la durée. »
Pénurie de main-d'oeuvre
Toujours avec cette préoccupation d'ériger des bâtiments plus vertueux, les parties prenantes commencent par ailleurs à miser sur la maquette numérique, le BIM. En partenariat avec leurs confrères parisiens de Chabanne Architecture, le cabinet Scott Tallon l'a par exemple généralisée pour la « coordination spatiale » des centres de soin européens dont il a remporté l'appel d'offres.
Très concrètement, le BIM permet à la fois de respecter la réglementation sur la taille des chambres et d'aménager les salles d'opération. De leur côté, Yvonne Farrell, James Rossa et Donal O'Herlily de Grafton Architects, qui ont dessiné l'Institut Mines-Télécoms de Paris Saclay ou l'université Toulouse-I-Capitole, déclarent avoir complètement intégré la maquette numérique dans leur processus avec des ressources dédiées pour les logiciels. « Même avec les meilleures équipes, il est impossible de ne pas faire d'erreurs », nuancent-ils. « Le BIM n'élimine pas les problèmes. Parfois, il faut penser avec son cerveau et son bon sens... »
Autre écueil : les « petits » cabinets d'architectes peinent à s'y mettre. L'Institut royal des architectes vient donc de publier un guide des bonnes pratiques pour « montrer les avantages » du BIM malgré « le coût élevé » des licences.
« Aujourd'hui, vous ne pouvez plus concevoir un immeuble sans maquette numérique », martèle David Browne. « C'est un excellent outil qui permet aux gens de travailler ensemble sur un projet commun. D'ici à cinq ans, nous aurons une plateforme standardisée. »
En attendant, si le secteur du BTP veut relever tous ces défis énergétiques et numériques, il va devoir recruter, dans un contexte de pénurie de main-d'œuvre. « Suite à la récession de 2008, beaucoup d'ingénieurs et d'architectes sont partis en Angleterre, en Australie et au Canada », décrypte Marion Jammet de l'IGBC. « De plus, peu d'étudiants ont opté pour ces disciplines ces dix dernières années. » De 38 milliards d'euros en 2009, le marché est tombé à 9 milliards en 2015 et a atteint péniblement les 21 milliards fin 2018.
Encore faudra-t-il héberger les salariés prêts à s'engager dans cette filière. Il se construit actuellement 22.000 logements par an, alors qu'il en faudrait 30.000 à 40.000, et même 500.000 de plus d'ici à 2040. Dans ce pays de 5 millions d'habitants, la culture de la maison individuelle reste en outre dominante, les appartements ne représentant que 10% à 15% du parc résidentiel...
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ZOOM
Brexit : quel impact sur la construction irlandaise ?
Pas plus que le reste de l'Union européenne, la République d'Irlande n'a d'information sur les droits de douane qui régiront les relations entre le Royaume-Uni et ses voisins lors de l'entrée en vigueur du Brexit. Or, les exportations de Dublin vers Londres représentent 37% du total. « Pour que nos sociétés soient prêtes, nous leur conseillons d'innover, de se diversifier et d'être toujours plus compétitives », souligne Jonathan Mc Milland, directeur de l'unité Brexit de l'Agence nationale de développement économique Enterprise Ireland.
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[Le groupe irlandais Ecocem est le seul producteur européen de ciment labellisé écologique. Crédits : DR]
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« S'il n'y a pas de deal, une livre vaudra un euro, souligne de son côté Micheal Mc Kittrick, directeur général Europe du Nord à Ecocem. Cela constitue un vrai risque, voire une préoccupation, mais le Royaume-Uni aura besoin d'importer du ciment car il n'en produit pas. » Aujourd'hui, il en fait déjà venir entre 2 et 4 millions de tonnes par an, majoritairement en provenance d'Irlande et d'Espagne.
« Quand nous mettrons le pied sur l'accélérateur, nous serons difficiles à égaler » (Joelle Pineau, directrice de la recherche en IA chez Meta)
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