La RATP accélère sur l'immobilier pour amortir le « choc » de l'ouverture à la concurrence

Dès 2025, les bus à Paris et en petite couronne aujourd'hui exploités par la RATP seront ouverts à la concurrence. Sa PDG Catherine Guillouard confie à La Tribune redouter un impact sur son chiffre d'affaires. Elle prépare donc la suite, annonçant la concrétisation de son partenariat avec le promoteur spécialiste du bois Woodeum. Alors que le marché international des professionnels de l'immobilier (Mipim) vient de s'ouvrir à Cannes, la patronne présente les ambitions de sa filiale Solutions Ville : 4.000 logements à horizon 2030-2032.
César Armand
Catherine Guillouard est Pdg de la RATP depuis 2017.
Catherine Guillouard est Pdg de la RATP depuis 2017. (Crédits : RATP)

C'est une lame de fond que rien ne peut arrêter depuis la loi du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires (ORTF). Une application du règlement européen de 2007 prévoyant l'ouverture à la concurrence des bus en région. Une concurrence encadrée par la loi d'orientation des mobilités (LOM) de décembre 2019 alors portée par Elisabeth Borne, ministre des Transports et ex-PDG de la RATP.

Après les bus de grande couronne en 2021, les lignes de Transilien entre 2023 et 2032, le Grand Paris Express en 2024, et avant le RER E entre 2025 et 2039, le tramway RATP en 2030, les RER C et D entre 2033 et 2039, le réseau de métro, ainsi que les RER A et B en 2040, les bus à Paris et en petite couronne aujourd'hui exploités par la RATP seront ouverts à la concurrence en 2025.

La régie autonome des transports parisiens (RATP) s'y prépare déjà. Outre la création d'une filiale dédiée au développement de la mobilité dans la région-capitale baptisée RATP Cap Ile-de-France, l'opérateur a lancé début 2021 une unité de direction baptisée RATP Solutions Ville. De la même façon qu'il s'est engagé à baisser de 20% ses consommations d'énergie et de 50% ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2025.

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 Un impact sur son chiffre d'affaires

Il s'agit de « trouver des nouveaux chemins de développement dans les services aux villes », explique à La Tribune la PDG Catherine Guillouard. « Nous avions des savoir-faire jusque-là éparpillés que nous avons unifiés et structurés avec une feuille de route et des moyens pour développer de nouveaux business », ajoute-t-elle.

« Le choc de l'ouverture à la concurrence, à commencer par la fin du monopole sur les bus parisiens en 2025, aura forcément un impact sur notre chiffre d'affaires [de 5,9 milliards en 2021, Ndlr ], entre 1,3 et 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires actuellement pour les bus », insiste la patronne de la RATP.

Alors que le Marché international des professionnels de l'immobilier (MIPIM) s'ouvre ce 15 mars à Cannes, Catherine Guillouard insiste : « Tout cela est cohérent avec notre raison d'être ''s'engager chaque jour pour une meilleure qualité de ville'' ». Non contente d'être le troisième opérateur mondial de transport public urbain via son entité RATP Dev, la PDG présente désormais son groupe comme un « bâtisseur de ville ».

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« Objectivement, ce n'est pas facile d'obtenir les permis de construire »

La loi d'orientation des mobilités lui permet de faire de la co-promotion immobilière aux côtés d'acteurs privés et publics. « Nous réalisons des projets complexes où il faut faire de l'élévation et de la mixité fonctionnelle et bas-carbone », souligne Catherine Guillouard. Le transporteur érige en effet des logements au-dessus des centres bus roulant à l'électrique ou au gaz. Des chantiers nécessitant une certaine ingénierie opérationnelle et réglementaire.

« Il faut ensuite obtenir les permis de construire, souvent de haute lutte », assure la patronne de la RATP. « Objectivement, ce n'est pas facile, mais les promoteurs, avec lesquels nous structurons des partenariats équilibrés, ont un savoir-faire complémentaire au nôtre, ce qui nous permet collectivement d'atteindre nos objectifs », poursuit-elle.

L'opérateur de transports annonce d'ailleurs aujourd'hui la première concrétisation de son partenariat signé en 2019 avec le promoteur bois Woodeum pour développer des opérations sur 5 sites RATP dans Paris et en première couronne. La future résidence de 18 logements se situe à Charenton-le-Pont où se trouvent de l'alimentation électrique pour la ligne 8 du métro ainsi que des logements appartenant à la filiale RATP Habitat (8.700 logements sociaux, étudiants et en intermédiaire, Ndlr).

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Produire 4.000 logements à horizon 2030-2032

Si une autre filiale intitulée RATP Real Estate détient 500.000 m² en facility management et vise 140.000 m² de corpoworking à horizon 2025, la business unit Solutions Ville gère, elle, 162 millions d'euros de chiffres d'affaires et vise à produire 4.000 logements dont 2.500 logements sociaux à horizon 2030-2032. 1.200 sont déjà sortis de terre et 821 sont en cours.

A cet horizon dix ans, le transporteur sera via RATP Infrastructures gestionnaire des infrastructures du Grand Paris Express. Le groupe a déjà remporté pour 500 millions d'euros le contrat de développement et d'exploitation des infrastructures optiques déployées dans le super-métro. La Société du Grand Paris s'apprête désormais à dévoiler sa société de co-promotion immobilière pour aménager les 68 quartiers de gare et la RATP pourrait se positionner.

« Il faut que nous regardions », déclare la PDG Catherine Guillouard. « Nous sommes évidemment très sélectifs dans l'analyse amont de nos opportunités et nous ne sommes pas encore au stade de répondre », élude-t-elle.

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400.000 m² de bâtiments tertiaires et 740 hectares de foncier

D'autant que demain la RATP annoncera le développement de son offre RATP Logistics. Amazon et Ecolotrans vont investir, l'un, le centre bus de Charlebourg (300 m²) de la Garenne-Colombes, l'autre, le site de Châtillon-Bagneux (4.000 m²) à Châtillon. Le transporteur mettant déjà à disposition de Chronopost et d'Amazon quatre sites. L'ensemble portant à 7.500 m² la surface totale consacrée à la logistique urbaine.

Le groupe ne compte pas s'arrêter là. Il lui reste 400.000 m² de bâtiments tertiaires et 740 hectares de foncier, dont 70 centres bus et potentiellement 70 projets - « dont un tiers en chantier ou à l'étude » dixit la patronne. « Il est en tout cas fascinant de voir à quel point nos expertises répondent aux besoins des smartcities », dit encore Catherine Guillouard. Et de vanter la « crédibilité » et la « légitimité » de son entreprise pour répondre aux appels d'offre.

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César Armand

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Commentaires 9
à écrit le 16/03/2022 à 12:43
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l'avenir dira... le prix que cela coûtera aux usagers . Je ne veux pas de cette Europe qui casse tout, de cette Europe qui ne m'apporte rien. Oui il y a des problèmes mais allez donc gérer un centre de commandement d'un ligne et vous comprendrez les ...

à écrit le 16/03/2022 à 8:39
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La RAPT devrait se concentrer sur sa raison d'être : transporter efficacement, en toute sécurité et avec régularité ses passagers. Ce qui est loin d'être le cas sans parler de la vétusté des équipements et de leur saleté. La Rapt doit être encombré a...

à écrit le 16/03/2022 à 8:39
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Pour mieux connaître la Ratp lisez "Nul ne peut se passer des hommes" de Christian Blanc, Editions Hermann. Une lecture incontournable, une plongée au cœur de 'une des plus importantes entreprises publiques françaises. Ecrit par un fin connaisseur du...

à écrit le 16/03/2022 à 8:21
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RAPT? reste assis t'es paye...........elle va indigner la gauche a parler de choc, alors que hollande expliquait que le choc, c'est violent, c'est de droite........non, il faut qu'elle dise '' pacte', un pacte, c'est doux c'est bienveillant, c'est de...

à écrit le 15/03/2022 à 18:46
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Pour mieux connaître la Ratp lisez "Nul ne peut se passer des hommes" de Christian Blanc, Editions Hermann. Une lecture incontournable, une plongée au cœur de 'une des plus importantes entreprises publiques françaises. Ecrit par un fin connaisseur du...

à écrit le 15/03/2022 à 18:35
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Franchement vu la chute du pouvoir d'(achat des français, ils s'en tapent.

à écrit le 15/03/2022 à 18:19
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Les dix familles les plus riches de France (Arnault, Hermès, Bettencourt, Wertheimer, Pinault, Dassault, Mulliez, Omidyar, Castel, Drahi, ont accru leur fortune de 20% pendant le covid ! Pourquoi ne prouvent-elles pas leur patriotisme et leur empathi...

à écrit le 15/03/2022 à 18:09
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La RAPT devrait se concentrer sur sa raison d'être : transporter efficacement, en toute sécurité et avec régularité ses passagers. Ce qui est loin d'être le cas sans parler de la vétusté des équipements et de leur saleté. La Rapt doit être encombré a...

à écrit le 15/03/2022 à 14:44
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Comme si la bulle spéculative immobilière n'était pas déjà totalement hypertrophiée.

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