Obligation de garantie loyer impayé : pourquoi ça coince

Plus de 8 propriétaires sur 10 connaissent la garantie loyer impayé, mais seuls 20% pensent en disposer et près de deux tiers louent leur logement sans passer par un administrateur de biens, selon une étude Harris Interactive pour le courtier Odealim. Dans ces conditions, le député Mickael Nogal avait proposé, sans succès, de créer un nouveau mandat de « garantie totale ». Une idée aujourd'hui reprise par les compagnies d'assurance.
César Armand
Sur 6,7 millions de logements, seul un propriétaire sur trois fait appel à un administrateur de biens.
Sur 6,7 millions de logements, seul un propriétaire sur trois fait appel à un administrateur de biens. (Crédits : Reuters)

C'était l'une des grandes causes du quinquennat : réconcilier les locataires et les propriétaires. Dès le 10 décembre 2018, le Premier ministre Edouard Philippe confie au député (LREM) de la 4ème circonscription de la Haute-Garonne Mickael Nogal la mission d'analyser et de proposer des solutions pour « favoriser la mise en location de logements et améliorer les relations entre locataires et propriétaires ».

« Arrêtons de caricaturer dans les deux sens ! Trop souvent, j'entends que les locataires ont pour principal hobby de dégrader les biens, et que les propriétaires sont des nantis. Cela est faux dans les deux cas ! Je veux réconcilier les propriétaires et les locataires », déclarait ainsi, en mars 2019, à La Tribune, Julien Denormandie, alors ministre du Logement.

Trois mois plus tard, le 18 juin 2019, le député Nogal remet au locataire de Matignon son rapport intitulé « Louer en confiance » mais rien ne bouge, tant est si bien qu'il dépose, en février 2020, une proposition de loi « visant à sécuriser les propriétaires-bailleurs et à faciliter l'accès au logement des locataires ».

82% des propriétaires connaissent la garantie loyer impayé...

Entre-temps, Action Logement et le gouvernement ont lancé la garantie « Visale » (Visa pour le logement et l'emploi, Ndlr) qui garantit le versement du loyer et des charges locatives au propriétaire en cas de défaut de paiement du locataire. Après avoir été réservée aux salariés aux moins de 30 ans ainsi qu'aux employés en CDD ou en mobilité professionnelle, le dispositif a été étendu, début juin 2021, à l'ensemble des travailleurs au salaire inférieur à 1.500 euros nets, soit près de 6 millions de Français toutes sources confondues.

Il n'empêche : force est de constater que les relations entre les locataires et les propriétaires ne semblent guère s'être améliorées. Selon une étude d'Harris Interactive pour le courtier en assurance et en crédit immobilier Odealim, publiée en juin 2021 un an après la fin du premier confinement, 67% des Français estiment que le nombre d'impayés va augmenter au cours des prochains mois. 79% du même panel, et même 82% des propriétaires, affirment pourtant connaître la garantie loyer impayé et 88% la jugent utile, mais seuls 20% des bailleurs pensent disposer de ladite assurance contre le risque d'impayés de loyer.

... mais seul un tiers fait appel à un administrateur de biens

Dans le même temps, le marché se désintermédie de plus en plus. Dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi, Mickaël Nogal relève que sur 6,7 millions de logements, dont 96% détenus par des propriétaires privés (et 4% d'investisseurs institutionnels), seul un propriétaire sur trois fait appel à un administrateur de biens (agence immobilière ou étude notariale) contre deux sur trois qui gèrent leur location en direct avec leur locataire.

« Alors que les impayés de loyers représentent seulement 1% à 2% du marché, les craintes des impayés de loyers, mais aussi des dégradations locatives, dominent le marché et ont pour conséquence la demande de garanties disproportionnées aux locataires rendant plus difficile leur accès au logement », pointe le député (LREM) de Haute-Garonne.

Il n'est plus rare, ajoute Mickaël Nogal, de voir des propriétaires demander plusieurs personnes cautions physiques à leurs locataires, à tel point que cela engendre des phénomènes de discriminations de toute nature et même d'antisélection. Parallèlement, les acteurs du marché observent un phénomène de falsification des pièces justificatives dans les dossiers des candidats à la location. D'autant que par peur de ne pas récupérer leur dépôt de garantie, les locataires « négligent de plus en plus fréquemment de payer le dernier mois de loyer, privant les propriétaires de toute garantie ».

Créer un nouveau mandat de « garantie totale »

Dans ces conditions, et pour « mettre fin aux abus » des deux parties, le député (LREM) de la 4ème circonscription de Haute-Garonne propose de créer un nouveau mandat de « garantie totale » plutôt que de cumuler les garanties comme les assurances de loyers impayés, la garantie « Visale » ou la caution personne physique. « Ce système de garantie est le moins fiable juridiquement et le plus injustement socialement », écrit-il dans sa proposition de loi.

Ce texte n'a toutefois jamais été inscrit à l'ordre du jour du Parlement et ne devrait pas l'être non plus d'ici à la fin de la législature. Au micro de Radio Immo et de La Tribune le 7 septembre au marché international des professionnels de l'immobilier (Mipim), Mickael Nogal a confirmé que sa proposition de loi ne serait pas adoptée sous ce quinquennat. Les administrateurs de biens, à commencer par les agents immobiliers, auraient interprété la « garantie totale » comme un risque d'empiétement sur leurs compétences, car leur métier consiste justement à choisir les locataires pour les propriétaires, contrairement aux compagnies d'assurances.

« Il faut convaincre les administrateurs de biens qui ont la crainte d'être dépossédés de leur métier, alors que cela sécurise le paiement des loyers », avance Xavier Saubestre, président d'Odealim, courtier en assurance et en crédit emprunteur. « J'ai toujours appelé de mes vœux cette loi car elle permettrait de fluidifier le marché, de le rendre accessible et de donner envie aux propriétaires d'ouvrir cette solvabilité, mais dans les faits, cette proposition d'obligation a toujours pesé assez lourd. Les obligations font toujours peur au marché... » poursuit-il.

Les compagnies d'assurance se renforcent sur ce marché

Les compagnies d'assurance renforcent d'ailleurs leurs positions sur ce marché. Filiale du groupe Banque populaire-Caisse d'Epargne, la compagnie européenne de garanties et cautions (CEGC) vient par exemple de lancer une offre adressée aux administrateurs de biens. Avec 4.000 clients, 4 milliards d'euros de fonds propres et 300.000 dossiers de demandes de prêt annuels, elle revendique la maîtrise d'un module de certification qui étudie la solvabilité des locataires grâce à des algorithmes adaptés.

« Cela devrait permettre de favoriser l'accès aux CDD, aux périodes d'essai, aux intermittents du spectacle, aux créateurs d'entreprise, aux professions libérales... Des profils finalement assez proches des primo-accédants », explique à La Tribune sa directrice générale Anne Sallé-Mongauze.

L'offre est actuellement réservée aux administrateurs de biens qui, ensuite, peuvent la proposer aux propriétaires. Dans un deuxième temps, « pourquoi pas [l'étendre] aux bailleurs qui louent en direct », estime la patronne de la CEGC.

Un coût équivalent à 2 voire 3% du loyer

D'autant que la garantie loyer impayé comporte aussi bien l'impayé de loyer que la détérioration du bien et la protection juridique. Le groupe Odealim propose, lui, aussi bien des offres pour les administrateurs de biens que pour les propriétaires, mais pour cette clientèle, « nous avons un gros de travail de communication et de simplification à mener », concède son président Xavier Saubestre.

Le coût de la garantie loyer impayé représente en outre seulement 2 à 2,5% voire 2,5-3% du loyer. Soit autant d'argent qui rentre en moins dans la poche de l'administrateur de biens et/ou du propriétaire. Encore que le plafond de 80.000 à 90.000 euros, que proposent les compagnies d'assurance, permet d'englober, très largement, les loyers non-acquittés et tous les frais de procédures associés.

César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 06/10/2021 à 10:32
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L'état apporte toujours des solutions financières alors que le diagnostique n'est pas bon. Le problème est qu'une fois loué, le propriétaire est soumis au bon vouloir du locataire. En cas de défaut du locataire, il est inadmissible que le propriétair...

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