Les industriels du médicament veulent cacher les prix pour mieux exporter

Le G5 Santé, un lobby d’industriels, réclame le recours systématique à la politique de prix facial pour les produits de santé largement exportés. Avec ce système, les baisses de prix consenties par les industriels ne sont pas connues et les pays se basant sur la France pour fixer leurs prix, ne peuvent les connaître. Les sociétés pharmaceutiques prônent ce système pour maintenir les exportations de produits de santé. Mais il implique un manque de transparence.
Jean-Yves Paillé
Les produits de santé restent un moteur des exportations françaises. Avec des ventes en légère hausse en 2015, ils ont rapporté 28,7 milliards d'euros en exportations (10% des exportations nationales).

A quelques mois de la présidentielle 2017, les lobbies des industries de santé s'activent. Après le bilan du Leem sur la politique de François Hollande dans le secteur pharmaceutique, le G5 santé, un lobby regroupant des industries de santé réalisant 42 milliards d'euros de chiffre d'affaires, a publié un livre blanc 2017-2022 pour "Faire de la France un grand pays des industries de santé", lundi 10 octobre.

Une vingtaine de propositions y sont formulées, dont plusieurs destinées à favoriser le rayonnement de la France à l'international. Le principal angle d'attaque du lobby est le système français de fixation prix des produits de santé, notamment celui des médicaments "largement exportés" depuis l'Hexagone. Pour rappel, une fois fixés, les prix des traitements sont renégociés à la baisse par les pouvoirs publics. Au moment d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale, ou lorsque le brevet tombe, par exemple. Selon le Leem (lobby pharmaceutique), les prix peuvent même chuter de 50% en dix ans.

"Un traitement qui baisse d'un euro en France, baisse d'un euro à l'international"

Et  pour les industries de santé, les baisses sont suivies par certains pays importateurs mettant en place des systèmes de prix de référence internationaux, Selon le G5 santé, quarante pays se basent sur la France directement ou indirectement pour fixer les prix des traitements.

Si cela montre l'influence de la France dans le secteur, cela tire à la baisse la somme que ces pays sont prêts à dépenser pour acheter des médicaments produits en France, avance le G5 santé. Un phénomène que constatait déjà l'OCDE en 2008. D'autant plus que, parmi les cinq principaux marchés européens, la France est le pays fixant les prix les plus bas en moyenne pour les médicaments générant plus de 100 millions d'euros de revenus annuels, d'après une étude du Comité économique des produits de santé.

"Chaque fois qu'un traitement produit en France baisse d'un euro, l'effet est mécanique: il baisse d'un euro à l'international. Nous sommes nous-même touchés. Cela menace la capacité du pays à garder le savoir-faire en production pharmaceutique", se lamente Olivier Laureau, le président de Servier.

Le G5 santé est alarmiste: si les pouvoirs publics maintiennent leur pression sur les prix des médicaments, des entreprises pharmaceutiques pourraient "retirer le produit du marché national afin de préserver les ventes à l'international".

La politique de prix facial implique un manque de transparence

Le G5 santé réclame que les prix de ces médicaments largement exportés restent "compétitifs", en recourant systématiquement à la politique de prix facial. Avec ce système le prix du médicament n'est pas diminué officiellement. Mais des baisses sont consenties, via des remises faites directement à l'Assurance maladie. Le montant de ces remises n'est pas dévoilé,  protégé par le secret des affaires. C'est déjà une pratique qui existe, mais trop rarement utilisée par le Comité économique des produits de santé, au goût du G5 santé.

Dans le livre blanc, les industriels de la santé se disent même prêts "à défaut, de reporter les économies recherchées sur les médicaments dont le prix facial est maintenu sur d'autres produits du portefeuille du laboratoire", si cette pratique devient systématique.

Une concession de poids sur le papier, mais le système de prix facial a de grands avantages pour le secteur pharmaceutique. Comme l'expliquait le directeur de la Cnam en avril 2015: "'Il alors devient impossible d'effectuer des comparaisons internationales et, d'autre part, qu'il n'y a plus de transparence des prix, notamment vis à vis de la représentation nationale".

Les produits de santé, un moteur des exportations françaises

Pour appuyer son argumentaire, le lobby de la santé évoque un secteur qui s'essouffle, avec une part des exportations mondiales passée de 20,2% à 12,7% pour la France entre 2008 et 2014.

Néanmoins, les produits de santé restent un moteur des exportations françaises. Avec des ventes en légère hausse en 2015, ils ont rapporté 28,7 milliards d'euros en exportations (10% des exportations nationales) à la France, selon un rapport du Conseil stratégique des industries de santé, et représentent une contribution positive au solde commercial de 3,3 milliards d'euros.

Ainsi, "la santé fait partie des trois secteurs phares avec l'aéronautique et les produits agroalimentaires", rappelle Frédéric Rossi, directeur général délégué à la partie "Export" de Business France.

Jean-Yves Paillé

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