Christopher Guérin (Nexans) : « L'avenir sera aux groupes industriels qui synchronisent performance économique et performance environnementale »

Très bien positionné sur l'électrification du monde, Nexans, lointain héritier d'Alcatel Câbles et composants, publie ses résultats 2021 ce matin. L'occasion pour son directeur général Christopher Guérin, arrivé en 2018, d'expliquer pour La Tribune les défis qui attendent le producteur de câbles dans un monde du presque tout électrique décarboné, dans lequel Nexans veut s'affirmer en pure-player pour augmenter sa création de valeur. Deux défis s'ouvrent selon lui dans un océan d'opportunités. Accélérer le recyclage des matières premières pour faire face à une demande exponentielle de cuivre notamment, dont les prix s'envolent. Et réunir deux mondes « Economie et Environnement » qui ne se parlent pas assez aujourd'hui. Entretien exclusif.
(Crédits : DR)

LA TRIBUNE- Nexans publie ce mercredi 16 février de bons résultats pour 2021. Sont-ils conformes à vos attentes ?

CHRISTOPHER GUÉRIN- 2021 a été une bonne année pour Nexans dans un contexte de reprise économique et de boom des investissements dans l'électrification du monde, dans laquelle nous sommes très bien placés. Sur les trois principaux indicateurs de performance du groupe, nous affichons des résultats supérieurs au consensus des analystes et à nos propres prévisions. Pour un solde d'Ebitda affiché entre 430 et 460 millions d'euros, nous finissons 2021 à 463 millions. La rentabilité sur capitaux propres employés (ROCE) atteint 16,4% (pour 13 à 15% annoncés), soit le double de 2018, année du changement du management et de la stratégie de Nexans. Le free cash flow généré en 2021 ressort  pour sa part à 180 millions d'euros. 2021 clôt donc un chapitre de l'histoire du groupe, celui de notre transformation en un pure player dans un monde tout électrique.

En 2022, nous serons au rendez-vous de cette bascule comme nous l'annonçons depuis 2018 au marché. Nous poursuivrons sur la lancée en projetant un Ebitda de 500 à 540 millions d'euros et un free cash flow normalisé de 150 à 200 millions. Le tout sans arrêter d'investir puisque nous finançons en même temps un grand projet à 200 millions d'euros de câblage en Norvège. Ce qui est notable, aussi, c'est que cette rentabilité de Nexans s'accompagne de bonnes performances sur nos engagements extra-financiers, qu'il s'agisse de la féminisation des instances de direction, avec un ratio de 24,5%, en progrès ou de l'augmentation du nombre de nos sites certifiés ISO 14001 respectant les normes environnementales.

Votre nouvelle "equity story" est-elle bien comprise par les marchés ?

De mieux en mieux, je l'espère. On a beaucoup dialogué avec les analystes sur les enjeux de simplification de notre portefeuille d'activité, pour déconnecter la croissance organique de la rentabilité. Dans nos métiers, où il y a une forte intensité capitalistique, croissance ne signifie pas toujours profit. Il faut travailler sur la création de valeur. La preuve que cela marche, c'est qu'en 2021, avec le même volume d'activité, on a fait 25% de profits en plus sur l'ensemble du groupe. Sur certaines activités comme le secteur Bâtiment et Territoires, c'est même +46% de profitabilité pour seulement 3% de croissance. C'est le message que nous martelons sans cesse.

L'activité de Nexans a beaucoup évolué depuis sa création. Quelles sont les grandes étapes de cette mutation ?

Nexans a toujours fait partie de l'histoire de l'électricité. Le groupe est né il y a cent-vingt-cinq ans en 1897 avec les pionniers de l'électricité comme Tesla, Westinghouse, Benjamin Franklin et Thomas Edison qui avaient besoin de câbles pour transporter l'électricité. Les quatre-vingts premières années du groupe ont été portées uniquement par l'électrification du monde. Puis dans les années 1990 et l'ère des conglomérats, l'entreprise, autrefois Alcatel Câbles et Composants s'est diversifiée dans les secteurs de l'automobile, des télécoms et de l'industrie en général. Tant est si bien qu'elle est devenue un multi-généraliste, qui couvre 34 secteurs avec une vingtaine de référentiels marchés très différents. Et pour cause, tout ce qui a besoin d'électricité et de données a besoin de câbles.

Suivent deux grandes périodes. D'un côté, les années d'or, de 2001-2008. En 2000, Alcatel Câbles et Composants devient Nexans, introduit en 2001 à la Bourse de Paris. Le CEO de l'époque a senti le vent tourner du côté des télécoms et a officiellement demandé en 2001 la scission de Nexans et d'Alcatel. Mais la crise financière a changé la donne et des années de plomb ont pénalisé le groupe sur la période 2009-2018, entraînant un changement de direction, sous la pression de l'entrée en 2014 du fonds activiste Amber Capital qui exigeait la dissociation des fonctions de président et de directeur général.

Aujourd'hui, Nexans est reparti sur de bonnes bases. Le vrai sujet est désormais celui du renouvellement des réseaux électriques installés dans les années 1950 à 1980 : ils ont en moyenne plus de cinquante ans d'âge. Nous avons beaucoup de retard au niveau mondial, le travail de démantèlement par les télécoms a été partiellement fait. Mais, si on compare, certains réseaux électriques mondiaux sont encore en équivalence 2G/3G.

Nous sommes donc au début d'une révolution d'infrastructures électriques et d'un hypercycle de vingt ans porté par la transition énergétique. Nous allons avoir besoin de fermes solaires, d'éoliennes en mer surtout et de plus de nucléaire. Le basculement de 80% d'énergies fossiles vers 100% d'énergies renouvelables va créer de nouveaux marchés. Il y a dix ans, il n'existait pas de marché pour l'éolien offshore. Maintenant, cela représente 5 milliards d'euros de demandes par an.

Est-ce à dire que Nexans est à un tournant stratégique ?

L'électrification, fait corps avec nos racines, notre histoire. L'ère de l'équipementier généraliste est révolue. Le rester serait très dangereux pour nous. C'est pourquoi nous avons la volonté de nous recentrer et de porter le groupe d'ici à 2024 comme un pure-player de l'électrification. L'heure est venue pour le groupe de se simplifier pour amplifier son impact. Aujourd'hui, l'électricité représente 60% de notre chiffre d'affaires. Notre mission, c'est d'électrifier le futur.

De manière générale, nous quittons l'ère du composant pour nous diriger vers l'ère du système. Les clients ne veulent plus simplement des câbles mais des systèmes intelligents qui embarquent des objets connectés et du digital. La donnée a beaucoup de valeur et doit donc être rendue plus intelligente. Nous savons déjà relier les énergies renouvelables et le nucléaire à travers des câbles et des systèmes. De la même manière que la nouvelle génération d'électricité passe par un Internet de l'énergie, c'est-à-dire des câbles sous-marins et terrestres de très haute tension qui conduisent l'énergie. Actuellement, la demande d'interconnections sous-marines va doubler en Europe.

Pourquoi ?

Pour importer beaucoup d'énergie verte depuis des pays voisins, il faut des câbles sous-marins pour relier des pays entre eux. Beaucoup de câbles sont vétustes, la moyenne d'âge mondiale des câbles étant de 50 ans. En termes de demande, les marchés de l'électricité sont en plein renouvellement. Il faut changer tout l'existant, à commencer par les câbles dans les immeubles qui sont en PVC et donc propagateurs de flammes en cas d'incendie, et répondre aussi aux nouvelles demandes comme les bornes électriques. Il va falloir raccorder environ 300.000 bornes dans les garages français.

Et sur les autoroutes ? Les sociétés concessionnaires ont jusqu'à fin 2022 pour équiper 100% de leurs aires en bornes de recharge.

Honnêtement, je ne vois pas les Français patienter pour faire le plein et recharger en un quart d'heure par voiture minimum, en l'état. Nous sommes dans le monde de l'instantanéité. Quinze minutes au mois d'août, c'est une heure ressentie. A Taiwan, vous avez des murs de batteries où vous en prenez une autre avant de repartir. C'est un modèle plus crédible.

Quelles sont les conséquences opérationnelles de votre virage stratégique ?

En dehors des réseaux, l'activité câble du groupe se répartit en trois métiers : les câbles pour les industries aéronautique, pétrolière, robotique, automobile, médicale, logistique (porte-containers) et maritime (bateaux de croisière), qui pèsent encore 10% de notre chiffre d'affaires soit 700 à 800 millions d'euros. Ensuite, le câblage de l'architecture électrique du véhicule. Historiquement, nous n'avons jamais voulu vendre ce métier rentable, mais sa logique sociale avec des usines en Roumanie, au Maroc, en Chine... s'avère loin du cœur de Nexans aujourd'hui. C'est donc un métier que nous allons vendre. Dans les télécoms enfin, 500 millions d'euros, à l'échelle du groupe, nous avons déjà vendu la moitié de nos activités. Il nous reste la fibre optique, mais avec 250 millions, nous ne sommes que 14ème de ce secteur. Nous faisons très peu de câbles Telecom sous-marins, - moins de 60 millions de chiffre d'affaires.

Nous maintenons notre intention de vendre nos trois activités sur l'automobile et les télécoms qui sont profitables. Comme nous n'avons pas de problème de trésorerie (1,2 milliard d'euros) et parce que nos activités se portent bien, nous pouvons nous assurer qu'en termes d'ambitions économiques et sociales, le repreneur propose quelque chose d'attractif pour nos équipes.

Nous continuons également à négocier de futures acquisitions aux Etats-Unis, en Asie et en Europe. En novembre 2018, nous étions proches d'une potentielle OPA, car nous valions 900 millions d'euros. Aujourd'hui, nous valons 4 milliards d'euros. Ce n'est plus du tout la même entreprise. Si nous réussissons nos rotations d'actifs, et notre croissance en valeur, cela devrait même nous porter entre 6 et 8 milliards d'euros de capitalisation boursière. Nos investisseurs sont d'ailleurs portés sur des modèles de stratégie de « pure player ». Nous faisons des choix portés sur des marchés très spécifiques de l'électrification. Notre petit avantage : nous sommes partis les premiers à bouger.

Pouvez-vous donner un exemple de récentes acquisitions ?

Nous avons annoncé en septembre une acquisition en Colombie de 250 millions d'euros. Nous devrions avoir le feu vert de l'antitrust d'ici à la fin du premier semestre. Cet acteur essentiellement de la moyenne tension et du développement d'énergies renouvelables - notamment les fermes solaires - va nous permettre d'être numéro 1 sur le marché colombien et même sud-américain.

Une grande partie de votre marché concerne l'éolien offshore, qui devrait exploser dans les prochaines décennies...

C'est un autre avantage : nous sommes parmi les premiers à parler de l'hyper-cycle de l'électrification. Notre plus gros marché à venir, c'est 200 gigawatts de puissance installés d'ici à 2030 de fermes éoliennes en mer. Soit l'équivalent de 200 réacteurs nucléaires. Cela veut dire 30 GW aux Etats-Unis, entre 70 et 80 GW en Europe et 50 GW en Chine, suivis par l'Europe de l'Est et le Japon. L'éolien offshore est certes un gros marché, mais il est très dépendant du renouvellement des câbles terrestres. Toujours est-il que notre carnet de commande est plein d'aujourd'hui jusqu'à fin 2024.

Dans le même esprit, les fermes flottantes vont représenter jusqu'à 10 à 15% de la demande, comme dans la zone californienne où l'on plonge très vite dans de très grandes profondeurs. Dès 2014, nous avons eu un projet de ferme éolienne flottante Hywind En Ecosse. Une partie est scellée, mais ses extrémités sont fixées à une plateforme rotative. La technologie est maîtrisée, capable de résister à tous les mouvements marins.

Beaucoup de fermes se trouvaient à 15 kilomètres des côtes. Aujourd'hui, elles se trouvent plutôt de plus en plus à 60-90 km des côtes, des zones où la biodiversité est très faible et où les vents sont plus forts. C'est le bonheur de notre marché : la distance du rivage fait la longueur des câbles. Ces derniers se trouvent évidemment au plus profond, pour qu'il n'y ait pas d'interférence avec les bateaux.

En dehors de la production de câbles, notre navire Aurora, livré en juin dernier, permet de les installer en mer. C'est une vraie usine flottante. Il pèse 20.000 tonnes et mesure 170 mètres de long au service de toutes les interconnexions sous-marines qui nécessitent deux fois plus de câbles. Le parcours est validé d'un point de vue géophysique tant est si bien que nous ne touchons pas aux coraux. Son plan de marche sera bientôt plein jusqu'en 2028. Nous espérons participer au projet EuroAsia qui va connecter la Grèce, Chypre avec Israël et interconnecter leur réseau électrique via un câble HVDC de 1.200 km de long et à 3.000 mètres de profondeur. Nous avons un projet de la même envergure à Singapour avec l'Australie, mais de 3.000 km de distance.

Rencontrez-vous des difficultés d'approvisionnement en matière première, le cuivre notamment ?

Nexans est le seul acteur dans le monde à fonctionner en autonomie grâce au choix d'une intégration verticale, de la métallurgie jusqu'à la pose des câbles y compris sous la mer. Nous sommes les seuls à avoir conservé des fonderies de cuivre, même si cela ne nous rapporte pas d'argent, car c'est un élément de souveraineté stratégique. Nos modèles sur la consommation de cuivre tous secteurs confondus, confirmés par les chiffres de l'Agence internationale de l'énergie montrent qu'on est passé de 9 millions de tonnes en 1995 à 20 millions aujourd'hui. Quand nous faisons la somme des écosystèmes d'électrification, de la génération d'électricité à l'usage, nous allons passer à une demande de 35 millions de tonnes par an. Les véhicules électriques vont consommer deux fois plus de cuivre. Il a fallu vingt-cinq ans pour passer de 9 à 20 millions de tonnes. En moins de neuf ans, nous allons atteindre les 35 millions !

On va donc incontestablement vers d'immenses besoins en cuivre. Mais pourront-ils être satisfaits ?

Je ferai une tournée au Chili en avril pour aller voir les grandes sociétés minières. Les capacités d'extraction sont plafonnées à 22 millions de tonnes et dépendent à 60% du Pérou, de la Zambie et du Chili. Les fournisseurs disent pouvoir passer à 23 millions, mais certainement pas à 35 en neuf ans. C'est impossible. Les compagnies minières en sont déjà à 1 km de profondeur d'extraction dans certaines mines. La demande de cuivre ne pourra donc pas être fournies par le seul minerai.

Craignez-vous une poursuite de la flambée actuelle des prix du cuivre ?

Oui. On est déjà passé de 7.000 à 10.000 euros la tonne et Goldman Sachs estime que d'ici trois ans nous atteindrons 15.000 euros la tonne. La rareté va faire monter le prix.

Allez-vous par conséquent accélérer vos investissements dans l'économie circulaire ?

Nous n'aurons pas d'autre choix que d'aller vers le recyclage, car il n'y aura pas assez de matière première pour tout le monde. Il existe en outre un déficit de planification stratégique. Le problème n'est pas tant le prix de la tonne de cuivre à 10.000 euros, mais l'accès. S'il n'y a plus de cuivre, il n'y a plus de câbles. Donc quand nous démantèlerons des vieux réseaux, nous devrons recycler les métaux. Nous sommes assis sur de véritables mines urbaines du cuivre et d'aluminium. Comme ce sont deux métaux qui sont recyclables à l'infini, nous allons pouvoir les réutiliser.

Évidemment, le démantèlement se fait avec nos clients - cela fait quinze ans qu'on investit mais nous n'en sommes qu'au début des écosystèmes de récupération qui seront conduits par plusieurs entreprises. Tout le démantèlement du réseau cuivre télécom a déjà été recyclé et récupéré en grande partie en France.

Tout cela n'est pas nouveau. Quand j'ai démarré en 1997, il y avait une pénurie de cuivre dans le monde. Mais dans un monde d'hyper-croissance électrique, le recyclage sera notre seul moyen de croissance avec l'innovation. Il n'y aura pas assez de matière première pour réaliser une utopique croissance organique. Aujourd'hui, 10 à 15% du cuivre est déjà recyclé dans nos fours. Nous allons continuer pour atteindre 30%.

Quels sont les freins qui empêchent de passer à 30% ?

Ce sont les processus de nettoyage. Parce que nous avons besoin d'un cuivre avec 99,99% de pureté. Si vous êtes à 98% de pureté, vous allez avoir des courts-circuits assez importants, et des problèmes de débits.

Et l'aluminium ?

C'est pareil. Vous avez des nouveaux marchés qui ne sont pas liés à l'électrification qui sont en train de pomper massivement de l'aluminium. Les carrosseries de Tesla aujourd'hui ne sont pas faites en acier, elles sont faites en aluminium pour alléger les voitures en tenant compte du poids des batteries.

On est au début de la création d'un écosystème de récupération. Dans tous les cas, cela va nous coûter cher, mais les entreprises doivent se réinventer, la toute croissance infinie est morte. Si l'économie circulaire ne fait partie intégrante de notre société, nous rencontrerons de gros problèmes à l'avenir. Il faut repenser le modèle et s'organiser en écosystème.

Que faites-vous pour lutter contre les vols de câbles qui se multiplient ?

Nous avons beaucoup de clients qui nous ont demandé de sécuriser les câbles. Nous lançons un projet appelé Ultracker cette semaine. Nous avons mis de l'Internet des objets dans les câbles pour les géolocaliser et nous prévenir s'il se passe quelque chose sur le réseau. Nous travaillons avec Orange sur l'Internet des objets.

La sortie du pétrole, et cette grande bascule de la décarbonation et la transition énergétique, va-t-elle engendrer des hausses des prix pour le consommateur ? Que va-t-il se passer ?

Je suis incapable de vous dire qui va payer l'addition. Dans tous les cas, ça va coûter cher, mais les entreprises doivent se réinventer. Il va falloir repenser les modèles. L'économie circulaire, ça ne fait pas partie intégrante de la société. Or il faut l'intégrer. Une entreprise ne peut plus travailler seule, nous avons besoin de nous organiser en écosystèmes. C'est fondamental. Nous rentrons dans une économie ecosystémique. Nous avons développé un nouvel outil stratégique appelé E3 qui permettra de piloter conjointement et systématiquement les 3 E de l'entreprise que sont l'Economie, l'Environnement et l'Engagement.

C'est en quelque sorte de l'ESG...

Plus que cela. Nous nous sommes aperçus que nos activités qui gagnent le plus d'argent étaient également les plus vertueuses d'un point de vue engagement et sur des critères environnementaux. Et que celles qui brûlaient du cash étaient non seulement peu profitables mais en plus consomment le plus de CO2... Par exemple, on a cinq unités sur 70 qui génèrent 40% de nos émissions de CO2. Ils perdent de l'argent et sont en plus un puits sans fond énergétique. On est donc en train de mettre en place un modèle pour apprendre à nos managers à travailler en circuit court, en traitant la valeur économique d'un client avec son impact économique environnemental, tenant compte de la distance de livraison. Nous tentons de réunir deux mondes « Economie et Environnement » qui ne se parlent pas aujourd'hui, qui sont dans deux couloirs de nage.

C'est un changement majeur de la finance, non ?

Quand je fais un roadshow, les investisseurs purement financiers vont me challenger uniquement sur les profits. Puis arrive après le roadshow ESG, où les préoccupations sont différentes.

Le risque, c'est de faire de l'ESG bureaucratique...

Aujourd'hui on essaye beaucoup de résoudre cela par la régulation. Or il y a la régulation, qui est nécessaire, mais il faut surtout réinventer le modèle managérial. Comment les managers arrivent à réunir l'économie avec l'environnement. Le Covid a été un accélérateur pour nous. Parce qu'on a tourné à 80% de nos capacités au lieu de 100%. Et on n'a jamais fait autant de cash. Par ailleurs, nos indicateurs environnementaux ont été exceptionnels.

En fait, la réalité c'est que plus de tonnes de volume ne veut pas dire plus de profits. Produire mieux peut non seulement être bon pour le climat et la planète mais aussi générer beaucoup plus de valeur. Tous les trimestres, nous notons toutes les unités d'un point de vue économique, environnemental et engagement des collaborateurs (sécurité, niveau d'absentéisme). Et celles qui sont très bonnes sur l'économie au détriment de l'environnement et de l'engagement sont rappelées à l'ordre. Nous avons affiché un « hall of fame », les quatre meilleurs, et un « hall of shame », les quatre pires, pour créer une émulation interne. Nous nous sommes aperçus par nos données statistiques qu'une unité qui tourne bien économiquement a aussi un engagement très fort et des critères environnementaux très positifs dans 80% des cas. Donc on se dit : ce n'est pas une question d'investissement, c'est une question de bon management. C'est tout. Nous réinventons le management de demain ; nous réinventons un nouveau modèle de performance. Et il est important à mes yeux, que les écoles de commerces, les universités et écoles d'ingénieurs viennent s'inspirer de nos méthodes et des entreprises innovantes, afin de mieux préparer la génération future à la complexité du monde, et du management.

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