Décarbonation : les demandes de raccordements électriques des industriels explosent

En 18 mois, le nombre de demandes a quasiment doublé par rapport aux 18 mois précédents, rapporte le gestionnaire du réseau de transport d'électricité RTE. Ces demandes sont directement liées aux projets d'électrification de certains procédés, à ceux de production d'hydrogène et à l'implantation à venir de nouvelles gigafactories. RTE prévoit ainsi d'investir entre 1,5 et 2 milliards d'euros pour adapter et développer son réseau sur quatre grandes zones industrialo portuaires.
Juliette Raynal
Pour décarboner son activité, ArcelorMittal prévoit d'électrifier ses hauts fourneaux de Dunkerque (Nord) et Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône).
Pour décarboner son activité, ArcelorMittal prévoit d'électrifier ses hauts fourneaux de Dunkerque (Nord) et Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). (Crédits : Pierre Manière)

L'atteinte de la neutralité carbone à l'horizon 2050 passera nécessairement par une forte électrification de certains procédés industriels et par la production d'hydrogène à partir d'électrons propres. En France, la consommation d'électricité liée à l'industrie et à la production de cette molécule devrait ainsi doubler d'ici à 2050, passant de 115 térawattheures (TWh) en 2021 à 230 TWh. Pour RTE, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité, cela se traduit par la nécessité de réaliser d'immenses travaux de renforcement et de développement du réseau afin d'acheminer les puissances nécessaires.

« Nous assistons à un essor des demandes de raccordements. En 18 mois, le nombre de demandes a quasiment doublé par rapport aux 18 mois précédents », a rapporté Jean-Philippe Bonnet, directeur adjoint pôle stratégie, prospectives et évaluation de RTE, lors d'un point presse ce vendredi 31 mars.

Au-delà du boom du nombre de demandes, les nouvelles puissances requises, elles aussi, s'envolent. « Nous sommes passés de demandes d'augmentation de puissance de quelques dizaines de mégawatts (MW) à quelques centaines, voire milliers de MW », ajoute-t-il, faisant état d'une « transformation profonde ». Résultat, alors que la puissance actuelle appelée en France par l'industrie est d'environ 15 gigawatts (GW), les nouvelles demandes de raccordements porteraient cette puissance à environ 30 GW, soit un doublement également.

Quatre zones en tension

Ces demandes sont directement liées aux projets de décarbonation de sites déjà
existants par l'électrification des procédés, comme ArcelorMittal qui prévoit de remplacer ses hauts fourneaux de Dunkerque (Nord) et de Fos-sur- Mer (Bouches-du-Rhône) par des cuves d'électrolyse, à l'implantation de futures usines géantes, ces gigafactories dédiées notamment à la fabrication de batteries et de panneaux solaires, et portées respectivement par les startups Verkor et Carbon. Mais aussi et surtout aux projets de nouveaux sites dédiés à la production d'hydrogène (qui représentent 75% des demandes).

Lire aussi« Nous voulons démontrer qu'il est possible, en France, d'avoir de l'industrie lourde décarbonée » (Pierre-Emmanuel Martin, Carbon)

RTE a identifié quatre grandes zones industrialo-portuaires (ZIP) en tension : Dunkerque (Nord), la vallée de la Seine, la vallée de la Chimie près de Lyon, ainsi que la zone de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). A Dunkerque, par exemple, « le besoin de puissance de l'industrie est aujourd'hui de 1,6 GW », mais la demande pourrait atteindre « 5 GW après 2030 », souligne Jean-Philippe Bonnet, voire près de 6 GW à l'horizon 2035-2036. « La difficulté, c'est que notre réseau électrique ne peut pas accueillir sur la zone plus de 2 GW », pointe-t-il.

Entre 1,5 et 2 milliards d'euros d'investissements

RTE devra donc augmenter la capacité de son réseau en renforçant certaines infrastructures existantes, afin de pouvoir délivrer 0,6 GW dès 2025, tout en développant de nouvelles lignes en parallèle, afin de pouvoir acheminer plusieurs gigawatts supplémentaires à l'horizon 2029. L'enjeu est de taille car les besoins électriques devraient s'accélérer aux alentours de 2030. Une échéance qui coïncide, peu ou prou, avec la fin des « droits à polluer » gratuits des industriels, prévue par Bruxelles à l'horizon 2023.

Pour tenir les délais, RTE mise sur des simplifications administratives prévues dans la loi d'accélération des énergies renouvelables, promulguée le 10 mars dernier. Si tous les leviers sont utilisés, le gestionnaire estime pouvoir gagner entre deux et trois ans selon les projets. Dans cette optique, RTE plaide pour la publication d'un décret avant l'été permettant de prioriser les demandes de raccordement les plus rapides à mettre en œuvre. Le principe actuellement en vigueur, qui consiste à servir en premier l'industriel ayant déposé sa demande de raccordement en premier, « peut conduire à un embouteillage », pointe Jean-Philippe Bonnet.

Sur l'ensemble des quatre grandes zones identifiées, RTE chiffre le montant de ses investissements dédiés à l'adaptation et au développement du réseau entre 1,5 et 2 milliards d'euros (un montant qui ne comprend pas la partie des coûts portés par les industriels concernés). Ce qui devrait permettre d'acheminer une capacité supplémentaire de 10 à 12 GW.

Y aura-t-il suffisamment d'électricité disponible ?

Au-delà de ces énormes chantiers à mener sur le réseau de transport pour acheminer les capacités nécessaires, se pose une autre grande question : y aura-t-il suffisamment d'électricité disponible ? La publication du prochain bilan prévisionnel de RTE, prévue en juin, devrait donner un éclairage sur un éventuel risque de déséquilibre entre le développement des moyens de production électrique et le développement de la demande.

Une chose est certaine, « la relance du nouveau nucléaire ne permettra pas la mise en service de nouveaux réacteurs avant 2035 », souligne Jean-Philippe Bonnet. D'ici là, l'enjeu reposera donc « sur la disponibilité du nucléaire historique et le rythme auquel vont pouvoir se développer les énergies renouvelables ». En face, côté demande, la flexibilité de production des électrolyseurs, dédiés à la fabrication d'hydrogène propre, constituera également un facteur clé.

Lire aussiLes difficultés de recrutement : le grand défi des Hauts-de-France pour créer leur « vallée de la batterie » électrique

Juliette Raynal

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Commentaires 4
à écrit le 31/03/2023 à 23:22
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C'est une énorme erreur , fabriquer de l'h2 va coûter très cher en énergie , une énergie qui va devenir rare si on en croit Jancovici.

à écrit le 31/03/2023 à 21:47
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Vu le prix à la hausse de la tonne de CO2, effectivement de nombreuses entreprises s'engagent dans une transition vers l'électricité. Par exemple des céramistes (briques, tuiles) sont en train de progressivement remplacer leurs fours à gaz par des fo...

à écrit le 31/03/2023 à 18:41
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"gigafactories" Avec l'inflation et le prix de l'énergie et bientôt de l'eau, j'espère que le modèle économique pour concurrencer les usa ou la Chine est au point ! Soit au bout de 40 ans de naïveté et d'imbecilité économique, nous allons sortir du c...

à écrit le 31/03/2023 à 15:17
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c est le prix exorbitant du gaz !!!

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