
C'est une victoire arrachée au forceps par la France. Ce matin, le Conseil et le Parlement européens sont parvenus à un accord provisoire sur un texte clé pour le climat, qui consacre la reconnaissance du rôle de l'énergie nucléaire dans l'atteinte des objectifs de décarbonation de l'Union européenne. « C'est une avancée de principe importante » a salué la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher.
Très concrètement, cela signifie « que le développement des énergies renouvelables visent bien uniquement à éliminer les énergies fossiles et ne doit pas conduire à effacer des réacteurs nucléaires », a-t-elle précisé.
Un petit miracle
Cette reconnaissance était très loin d'être gagnée tant les crispations étaient fortes entre les partisans de l'atome civil, emmenés par Paris, et leurs détracteurs, Berlin en tête. Les positions entre le groupe pronucléaire (France, Bulgarie, Croatie, République tchèque, Hongrie, Finlande, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Slovaquie, Slovénie) et le groupe anti (Allemagne, Autriche, Danemark, Irlande, Luxembourg, Portugal, Espagne) étaient tellement éloignées que, selon nombre d'observateurs, l'obtention de ce compromis à l'aube relève du petit miracle.
Preuve que le sujet est extrêmement sensible, le nucléaire, même s'il est reconnu, n'est, a priori, pas explicitement cité dans le texte final. La présidence suédoise du Conseil aurait privilégié une formulation bien plus alambiquée faisant référence « aux efforts complémentaires de décarbonation incluant le développement d'autres sources non fossiles » aux côtés des renouvelables.
Ces âpres négociations avaient pour cadre la directive RED III dédiée aux énergies renouvelables, un des piliers du paquet Fit for 55, qui vise à réduire de 55% les émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne à l'horizon 2030. « C'est sans doute le texte le plus complexe du paquet climat », a souligné Agnès Pannier-Runacher. « Il comprend des objectifs globaux sur les énergies renouvelables, par secteurs d'activités, des règles sur l'utilisation de la biomasse, sur l'encadrement des biocarburants, des dispositions sur l'autoconsommation, les réseaux de chaleur et l'octroi de permis renouvelables », a-t-elle déroulé.
L'hydrogène bas carbone reconnu
Le grand point de blocage des négociations s'est formé autour de la question de l'hydrogène, un levier clé pour décarboner les processus industriels ne pouvant être électrifiés ainsi que pour la mobilité lourde. La directive révisée fixe, en effet, des objectifs en matière d'hydrogène « renouvelable ». Or, la France militait depuis de longs mois pour obtenir une égalité de traitement entre l'hydrogène renouvelable, c'est-à-dire produit à partir d'électricité issue de fermes solaires ou éoliennes, et l'hydrogène dit« bas carbone », produit à partir du nucléaire.
« La place faite à l'hydrogène bas carbone avec la création de l'article 22B est également consacrée puisque l'article autorise les Etats disposant d'une électricité largement décarbonée à s'appuyer sur l'hydrogène bas carbone [c'est-à-dire produit à partir du nucléaire, ndlr] pour atteindre les objectifs de réduction d'émissions dans leurs industries », a pointé Agnès Pannier-Runacher.
Cela signifie que les pays produisant de l'hydrogène à partir de l'atome civil pourront réduire leur objectif global de production d'hydrogène renouvelable, explique-t-on au cabinet de la ministre. Plus précisément, l'industrie devra se procurer au moins 42 % de son hydrogène à partir d'énergie renouvelable d'ici à 2030. Toutefois, les pays qui peuvent atteindre un mixte d'hydrogène sans fossile d'au moins 77 % d'ici à 2030 pourront voir cet objectif réduit de 20 %. Initialement, la France plaidait pour une baisse de 30%, rappelle le site Contexte.
« Un changement de paradigme »
Le cabinet de la ministre n'a pas souhaité faire de commentaires sur ces paramètres tant que le texte final, issu des négociations de la nuit passée, n'est pas définitivement arrêté. Il doit encore être étudié par les Etats membres à l'occasion d'une réunion technique avant d'être soumis à une validation par les 27. La même procédure aura lieu en parallèle au Parlement européen.
Dans ce cadre, la France prévoit « de se coordonner très étroitement avec les membres de la coalition de pays qui défendent la place du nucléaire », formée par Agnès Pannier-Runacher en février dernier, pour analyser ces paramètres.
En attendant, la ministre se félicite d'un « changement de paradigme qui est le fruit d'un travail de longue haleine pour la reconnaissance de la diversité des choix de mix énergétique en Europe ». Pour autant, son marathon bruxellois n'est certainement pas fini. Le projet de règlement européen sur l'industrie « Net Zéro », visant à accroître la fabrication de technologies propres sur le Vieux continent, fera aussi très certainement l'objet d'une féroce bataille sur la place que pourrait y occuper le nucléaire.
Dans le cadre de la directive RED III, le Conseil et le Parlement européens sont parvenus à un compromis sur l'objectif de la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique finale à l'horizon 2030. Celle-ci devra atteindre 42,5%, voire 45 % pour les pays les plus volontaires, contre 22% en moyenne actuellement. L'objectif précédent était de 32%. « Ce texte consacre un haut niveau d'ambition sur les renouvelables », a fait valoir la ministre de la Transition énergétique tricolore. « Nous sommes parvenus à un compromis ambitieux », a également salué Kadri Simson, la commissaire européenne à l'énergie. En revanche, ce compromis déçoit les attentes de plusieurs ONG environnementales. « C'est insuffisant pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5°C qui nécessite un objectif de 50% », a ainsi réagi sur Twitter le Réseau action climat.42,5 % d'énergies renouvelables en 2030 : un objectif ambitieux pour le gouvernement, « insuffisant » pour les ONG
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