Energie : le Sénégal fait ses premiers pas vers le solaire

Une centrale photovoltaïque de 30 Mégawatt doit être mise en service en 2017 à 70 kilomètres de Dakar. Financée à hauteur de 34,5 millions d'euros par Proparco, elle sera construite par Solairedirect, filiale d'Engie.
Giulietta Gamberini
En plus de créer directement de l'emploi (100 personnes seront mobilisées sur le site en phase de construction, et 20 en phase d'exploitation), le projet est censé produire un effet d'entraînement sur la filière solaire locale, favorisée par la baisse considérable des coûts d'équipement durant ces dernières années.
En plus de créer directement de l'emploi (100 personnes seront mobilisées sur le site en phase de construction, et 20 en phase d'exploitation), le projet est censé produire un effet d'entraînement sur la filière solaire locale, favorisée par la baisse considérable des coûts d'équipement durant ces dernières années. (Crédits : Reuters)

Un gisement d'énergie solaire parmi les plus importants du monde, et pourtant un parc énergétique (de 650 Mégawatt) essentiellement tourné vers les combustibles fossiles, qui représentent 90% du mix. Les 10% restants sont essentiellement assurés par l'hydraulique, notamment par deux barrages opérationnels à la frontière avec la Mauritanie et le Mali. C'est la contradiction à laquelle est confronté le Sénégal aujourd'hui, et que la France veut aider à résoudre.

Un pas significatif dans cette direction vient d'être engagé avec la construction au nord-ouest de Dakar (dans la région de Thiès) de "la plus grande centrale solaire d'Afrique de l'Ouest", dont le projet a été annoncé jeudi 12 mai. D'un coût total de 43,2 millions d'euros (28 milliards de FCFA), il sera financé à hauteur de 34,5 millions d'euros par Proparco, filiale de l'Agence française de développement (AFD) dédiée au soutien du secteur privé, qui a consenti à un prêt étalé sur 18 ans, afin de couvrir également la phase d'exploitation.

Plusieurs Français impliqués

Conçu par la société sénégalaise Senergy, le projet implique depuis 2015  trois acteurs français : le fonds d'investissement Meridiam, actionnaire majoritaire ; la filiale d'Engie Solairedirect, qui construira la centrale ;  et Schneider Electric, qui fournira les onduleurs et les transformateurs. Le Fonds souverain d'investissements stratégiques du Sénégal (Fonsis) et Senergy, actionnaires initiaux du projet, restent au capital. Les sociétés Eiffage et Vinci participent également sur les volets transport et distribution.

D'une capacité nominale de 30 Mégawatt-crête (MWc, qui indiquent la puissance maximale pouvant être fournie par un dispositif dans des conditions standard), la nouvelle centrale est censée constituer une pierre angulaire dans la mise en oeuvre du Plan Sénégal Emergent (PSE) du gouvernement, qui prévoit un renforcement important des capacités de production électrique. "La base du PSE, qui changera notre vie, est l'énergie", et dans ce cadre "le solaire est une option irréversible", résume Mamadou Mbaye, directeur exécutif énergie et mines de Fonsis. La centrale fournira l'équivalent de la consommation annuelle de 226.500 habitants, essentiellement dans la zone urbaine côtière, dans un pays où seulement 33% de la population a accès à l'électricité.

Une diversification du mix pour réduire les coûts

La centrale de Senergy constitue également un pas significatif vers la diversification des sources d'énergie du pays, également essentielle pour réduire les coûts de l'électricité, encore particulièrement élevés pour les entreprises. "Sans réduction de la part du fossile, ces coûts ne pourront pas être baissés", explique Mouhamadou Makhtar Cisse, directeur général de la Société nationale d'électricité du Sénégal (Senelec).

L'énergie produite par la centrale, dont la mise en service est prévue pour début 2017, sera vendue à Senelec à 65 francs sénégalais (10 centimes d'euros) le kilowattheure (kWh), un prix fixe sur 25 ans. Soit le prix de l'électricité produite à partir de pétrole si, comme l'estime la compagnie publique, celui-ci remontait à 60 dollars le baril. Le projet d'investissement prévoit d'ailleurs également la construction des infrastructures de connexion au réseau.

Des crédits carbone rétrocédés à Senelec

Permettant de réduire les émissions du gaz à effet de serre à hauteur de 34.000 tonnes équivalent de CO2 par an, la centrale photovoltaïque devrait d'ailleurs aussi procurer un revenu complémentaire, puisque les crédits carbone générés seront rétrocédés à Senelec et pourront être vendus. Les ressources ainsi économisées par l'acteur public pourront être redirigées vers d'autres priorités telles que la santé et l'éducation.

Outre la création d'emplois directs (100 personnes seront mobilisées sur le site en phase de construction et 20 en phase d'exploitation), le projet est enfin censé produire un effet d'entraînement sur la filière solaire locale, favorisée par la baisse considérable des coûts d'équipement durant ces dernières années, espère Proparco. Il s'agit d'ailleurs d'une occasion de renouvellement pour Senelec, la plate-forme pouvant être utilisée pour la formation de son personnel, explique l'agence française. La compagnie publique, critiquée à plusieurs reprises pour sa mauvaise gestion des subventions reçues par l'Etat, a entamé "un effort de restructuration qui a déjà permis des réductions des coûts", assure Mouhamadou Makhtar Cisse.

Les banques commerciales encore réticentes

"Malgré le grand potentiel du photovoltaïque en Afrique, pour couvrir les importants besoins initiaux en capital du solaire, l'accès à des financements de long terme est essentiel. Or, l'appétence des banques commerciales pour des investissements à long terme dans la région est encore faible", explique Grégory Clemente, qui justifie ainsi l'intervention de l'institution française. Les autres projets d'énergies renouvelables peinent en effet à voir le jour au Sénégal.

Seul un autre projet de centrale solaire, de 20 MW, est en cours de construction, dans la région de Saint-Louis. D'un montant total de 25 millions d'euros, il est financé par l'investisseur français Greenwish, qui a retenu le groupe français Vinci Energie pour la construction et la gestion, rappelle le journal Jeune Afrique. Mais selon Mamadou Mbaye, il rencontrerait à présent des obstacles. Au Mali, la société norvégienne Scatec Solar doit construire et exploiter une centrale photovoltaïque de 33 MW à Ségou, à 240 km au nord de Bamako.

Giulietta Gamberini

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Commentaire 1
à écrit le 19/05/2016 à 12:48
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À quel titre la France finance ces projets?.quand sur notre territoire les entreprises ont du mal à se financer, quand l'état est obligé de renflouer ERDF, quand les projets d'énergie renouvelable sont en panne chez nous, quand je déficits de l'état...

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