Pourquoi l'extension du modèle ibérique à l'Europe permettrait de faire baisser les prix de l'électricité

Alors que les entreprises tricolores commencent déjà à diminuer ou reporter leur production en raison de la flambée des prix de l'électricité, la France presse Bruxelles d'étendre à toute l'Europe l'exception ibérique. Ce mécanisme consiste à baisser le coût de production des centrales électriques fonctionnant au gaz. Cette intervention permet mécaniquement de tirer à la baisse le prix spot sur le marché de l'électricité, qui lui-même influence grandement la formation du prix des contrats à terme, qui représentent l'essentiel des échanges commerciaux en Europe. Explications.
Juliette Raynal
De l'autre côté des Pyrénées, le mécanisme ibérique consiste à diminuer le coût de production des centrales électriques fonctionnant au gaz, en subventionnant le prix du gaz qu'elles utilisent. La Commission a calculé que l'extension de l'exception ibérique génèrerait un « gain net de 13 milliards d'euros » pour l'Europe.
De l'autre côté des Pyrénées, le mécanisme ibérique consiste à diminuer le coût de production des centrales électriques fonctionnant au gaz, en subventionnant le prix du gaz qu'elles utilisent. La Commission a calculé que l'extension de l'exception ibérique génèrerait un « gain net de 13 milliards d'euros » pour l'Europe. (Crédits : Reuters)

Faire baisser le prix de l'électricité au plus vite pour ne pas fragiliser davantage les ménages et le tissu économique tricolore : c'est ce à quoi s'attelle le gouvernement français depuis des semaines en demandant à Bruxelles une extension du mécanisme ibérique, en référence à l'exception mise en place en Espagne et au Portugal en juin dernier. De l'autre côté des Pyrénées, le mécanisme ibérique consiste à diminuer le coût de production des centrales électriques fonctionnant au gaz, en subventionnant le prix du gaz qu'elles utilisent. Objectif de cette intervention ? Faire baisser le prix spot sur le marché de l'électricité, qui lui-même influence grandement la formation du prix des contrats à terme, lesquels représentent l'essentiel des échanges commerciaux en Europe.

Écraser le prix spot

Pourquoi la baisse du coût de production des centrales à gaz permet-elle de tirer vers le bas le prix spot sur le marché de l'électricité ? Aujourd'hui, le prix spot repose sur le coût marginal, c'est-à-dire le coût de production de la dernière centrale électrique appelée sur le réseau pour répondre à la demande d'électricité.

Or, en Europe, la plupart du temps, la dernière centrale appelée est une centrale à gaz, dont le coût variable correspond principalement au coût du combustible, le gaz en l'occurrence, dont le cours s'est envolé dans le sillage de la guerre en Ukraine et du tarissement des flux par la Russie.

« Le mécanisme ibérique consiste à faire baisser le coût de production des centrales à gaz en Europe. Cela permet d'écraser le prix spot et d'écraser les prix à terme et ainsi de faire redescendre le marché », résume un expert français du secteur. Et d'ajouter : « Je vous confirme que c'est très efficace aujourd'hui en Espagne et au Portugal. Et ce serait très efficace si ce mécanisme était étendu à l'échelle de l'Europe. »

Pour autant, Bruxelles privilégie un autre schéma : celui de taxer la rente inframarginale des producteurs d'électricité. Une option, qui consiste à plafonner les recettes des entreprises produisant de l'électricité bas carbone à bas coûts, comme les centrales éoliennes et photovoltaïques, et qui vendent ensuite ces électrons à un prix très élevé, profitant de l'envolée du marché. Bruxelles souhaite ainsi que les États membres mettent en place une taxe afin de réorienter ces bénéfices inattendus des producteurs vers les entreprises et les ménages les plus fragiles.

Un mécanisme « plus sain »

« Il est plus sain de faire baisser les prix du marché plutôt que d'organiser une grande campagne de taxation européenne des entreprises qui produisent de l'électricité et d'avoir un grand mécanisme de redistribution, forcément d'une invraisemblable complexité », explique le même expert, qui estime que les deux mécanismes ne peuvent pas être mis en place simultanément. « ll ne pourrait y avoir qu'un mécanisme, l'un ou l'autre », affirme-t-il.

Mais Bruxelles reste très frileuse à l'égard de ce dispositif, auquel s'opposent vivement l'Allemagne et les Pays-Bas. La Commission européenne a simplement ouvert la porte en affirmant mardi qu'elle « creuserait » le sujet pour déterminer s'il fallait ou non mettre en place ce mécanisme. Dans une note informelle, l'institution affirme même que l'extension de l'exception ibérique génèrerait un « gain net de 13 milliards d'euros » pour l'Europe.

Cependant, « les États membres qui dépendent fortement du gaz dans leur système électrique seraient confrontés aux coûts les plus élevés pour les subventions nécessaires (Allemagne, Pays-Bas, Italie) », nuance la Commission. Pour surmonter cet écueil, la France serait prête à discuter de la mise en place d'une caisse de compensation à l'échelle européenne.

Chute de la consommation électrique des industriels

Même s'il s'avère très efficace, le mécanisme ibérique présente toutefois deux grands écueils. En effet, modérer la hausse du prix du gaz pour les centrales qui en utilisent afin de produire de l'électricité risque d'inciter à consommer toujours plus de gaz pour générer du courant, et donc d'exacerber les risques de pénurie. Ensuite, ce mécanisme revient à subventionner, certes temporairement, une énergie fossile, alors que la sortie des hydrocarbures doit s'accélérer pour répondre à l'urgence climatique.

Toutefois, les considérations économiques pourraient prendre le pas. Les entreprises européennes souffrent déjà de la flambée des prix de l'électricité, qui les pousse à diminuer ou à repousser leur production, ce qui pourrait avoir des conséquences redoutables pour l'économie du Vieux Continent. Les dernières données de consommation électrique en témoignent.

Ainsi, en France, la consommation d'électricité (retraitée des effets météorologiques) au cours des 30 derniers jours est en baisse de 5,3% par rapport aux années précédentes (2014-2019). Et cette chute significative de la consommation électrique nationale s'explique pour l'essentiel par la baisse de la consommation du secteur industriel. Or, il n'y a que pour le réseau électrique que cette baisse est une bonne nouvelle.

Juliette Raynal

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Commentaires 4
à écrit le 28/10/2022 à 6:19
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Des marchés qui se créent par on ne sait qui et pour quels bénéfices pour le citoyen ? Le CO2, l'énergie, bientôt l'air que l'on respire ? Régulons les naissances, seule variable incontournable d'un monde non extensible , à l'agonie .

à écrit le 28/10/2022 à 0:12
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Faudrait déjà arrêter ces références à ces marchés bidons dont les prix sont fixés par des trusts ou intérêts qui s entendent entre eux au détriment du consommateur … faut faire disparaître le truc machin néerlandais du prix du gaz … les pires neo ...

à écrit le 28/10/2022 à 0:11
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Faudrait déjà arrêté ces références à ces marchés bidons dont les prix sont fixés par des trusts ou intérêts qui s entendent entre eux au détriment du consommateur … fait faire disparaître le truc machin néerlandais … les pires neo liberaux d Europe...

à écrit le 27/10/2022 à 17:42
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A personne. Inertie, quand tu nous tiens ! PS. Et les ibères leur montrèrent la voie.

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