The Claw Models, la diversité en haut de l'affiche

Co-fondée en 2018 par Benoit Guinot, Guillaume Proust et Chris Lucas, l'agence de mannequins The Claw Models sort des sentiers battus. Elle a réussi, en quelques mois seulement, à imposer de nouvelles formes de beauté dans le paysage hautement codifié de la mode. Retour sur la philosophie des créateurs à l'aube de la fashion week parisienne.
L'agence de mannequins The Claw Models a été lancée en 2018 par Benoit Guinot, Guillaume Proust et Chris Lucas.
L'agence de mannequins The Claw Models a été lancée en 2018 par Benoit Guinot, Guillaume Proust et Chris Lucas. (Crédits : DR)

L'initiative a fait sensation. Pour trouver de nouvelles têtes - et de nouvelles beautés - l'agence de mannequins The Claw Models, lancée en 2018 par Benoit Guinot, Guillaume Proust et Chris Lucas, s'est installée le temps d'une journée aux Mureaux. Entretiens, castings, shootings... Benoit Guinot a repéré quelques profils. Dont celui de François Delacroix, qui a participé dans la foulée à deux défilés. « Je vois la beauté », déclare tout simplement le jeune entrepreneur.

Un don ? Sans doute. Qui lui vient de loin. Il se souvient de son enfance à la campagne, en Bourgogne. Il s'ennuyait ferme. « Je me suis créé tout un monde artistique dans la tête », dit-il. Une façon de s'extraire du quotidien et une liberté conquise qui l'ont largement servi par la suite.

À 16 ans, il fait un apprentissage de coiffeur, puis monte à Paris pour exercer en studio dans la mode. Et se retrouve à 18 ans à coiffer Naomi Campbell et Kylie Minogue. Difficile cependant de percer. Trop de coiffeurs installés occupent les meilleures places. « Je voulais pouvoir m'exprimer », poursuit-il.

Il suit des cours de maquillage, puis lance, à bout de bras, un semestriel de 360 pages sur la mode, The Claw Fashion Book. « J'ai tout fait, depuis la recherche de l'imprimeur et des diffuseurs jusqu'à l'organisation des sets et la recherche de modèles. Tout... », sourit-il. Certains designers, comme Azzedine Alaïa, lui font confiance. D'autres non. Il a de quoi payer sa chambre en ville mais veut plus. D'autant qu'il s'est rendu compte, en fréquentant les photographes, de ce don qu'il avait pour voir la beauté dans de nouveaux visages. « Je me suis dit : 'pourquoi ne pas me lancer ?' », raconte-t-il tranquillement.

Cette liberté qu'il a cultivée dans son enfance, qui l'a propulsé dans les studios parisiens et lui a permis de lancer un magazine, va le conduire vers l'entrepreneuriat. Avec une première découverte, celle d'Antoine, un jeune homme repéré dans... le TGV. « Je l'ai abordé, il a été d'accord, et quelque jours plus tard, il a signé un contrat », raconte Benoit Guinot. Un contrat que le  découvreur de talents avait pris soin de peaufiner à l'avance. Liberté ne veut pas dire improvisation.

Au lancement de la nouvelle agence de mannequins, il s'entoure ainsi de deux spécialistes, Guillaume Proust, pour la gestion financière, et Chris Lucas, pour la direction artistique. Avec une philosophie bien spécifique. Celle de sortir des canons habituels.

Banaliser la diversité

« Certaines agences se disent : 'il nous faut des gens de couleur'. Là n'est pas notre stratégie. Nous n'avons pas de quotas. Actuellement, notre portefeuille de modèles, hommes et femmes, est largement composé de Nigérians, pas exemple, simplement parce que leur beauté est éblouissante, alors qu'à ce jour, nous n'avons pas trouvé les beautés asiatiques que nous recherchons », explique Benoit Guinot.

Au-delà d'imposer - avec succès - de nouveaux visages, The Claw Models, qui se refuse cependant à vouloir faire de sa philosophie un « statement » politique, souhaite mettre en valeur la diversité qui fait le tissu social de la France d'aujourd'hui. « Nous avons repéré une femme voilée à la beauté magnétique et nous l'avons proposée à une grande enseigne de maquillage, qui l'a acceptée », indique Benoit Guinot, non sans fierté. Avec un impact fort, sans aucun doute : celui d'accoutumer ceux qui vont voir l'affiche à une autre forme de beauté et de les amener à accepter la différence.

« Nous voulons banaliser la diversité », résume le co-fondateur de l'agence The Claw Models.

Lire aussi : Comment enclencher le cercle vertueux de la diversité

« Et si nous sommes allés aux Mureaux, c'est aussi pour offrir une visibilité à tous ces jeunes qui n'en ont aucune », s'enthousiasme-t-il. Guillaume Proust acquiesce. « Je viens également de la banlieue et cela a du sens pour moi », explique-t-il. Les deux entrepreneurs ont en outre découvert combien, contrairement à ce que certains pensent, ces jeunes « en veulent ». Il suffit de leur donner leur chance.

Le travail de découvreur que pratique l'agence ne s'arrête pas là. « Pour réussir dans le métier de mannequin, il faut avoir du charisme, de l'ambition et de la gentillesse », résume Guillaume Proust. Charge aux nouvelles recrues de cultiver les deux dernières qualités, grâce à l'intelligence émotionnelle et la volonté. « Pendant les grèves, certains sont allés à tous leurs castings à pied, d'autres n'ont pas réussi », déclare l'un des deux compères. « Et nous voulons que les chambres d'hôtels soient impeccables lorsque nos modèles les quittent, ajoute l'autre. Pas de peignoirs jetés au sol ni de restes de pizza ». La discipline avant tout...

Pour débusquer davantage de nouvelles têtes, l'agence a installé pendant quelques semaines une borne à selfies aux Halles. Il suffisait de se prendre en photo, sans apprêt ni maquillage, de préférence, et de l'envoyer à The Claw. Cet été, ce sera sur les plages, un peu partout en France, que les futurs mannequins seront repérés, comme cela a déjà été le cas le 7 décembre dernier à la villa Noailles, à Hyères, dans le Var. Certains maires, comme aux Mureaux, ou directeurs d'institutions, comme à la villa Noailles, ont été enchantés de l'expérience. Conscients du message à envoyer aux jeunes, ils veulent renouveler l'opération. D'autres, en revanche, semblent tétanisés par les prochaines municipales et rechignent. « Dommage », soupire Benoit Guinot, face à cette incapacité des élus d'humer l'air du temps.

Ne rien faire comme les autres

Au contraire, « Benoit est une éponge, qui sait capter les évolutions de la société, sourit Guillaume Proust. En outre, c'est un visionnaire, qui cultive une identité particulière et une originalité ». Autant dire qu'il prend des risques... « Je suis incapable de faire la même chose que les autres », avance Benoit Guinot en guise d'explication.

Les autres, ce sont les agences de mannequinat classiques, qui cherchent encore des blondes très minces, des noirs, certes, mais déjà acclimatés aux pays occidentaux, des costaux qui pourront défiler les cheveux au vent.

Et la différence qu'apporte la nouvelle agence fait... la différence. Non seulement ses nouveaux modèles ont participé aux plus grands défilés, à Paris, New York et Milan, mais l'agence a maintenant 15 salariés et compte déployer ses ailes à l'international, avec l'implantation d'une filiale à Milan, puis à New York. Pour porter un peu plus loin son message de diversité.

Lire aussi : En businesswoman de la mode, Rihanna casse les codes de la fashion-week

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Commentaire 1
à écrit le 24/02/2020 à 12:00
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je ne suis pas beaucoup dans la mode, mais disons que ne faisant pas d'image, cela m'évite le concept de diversité, entre ce qui est dit, et ce qui se passe dans la société. Nous serions aux us, disons que je n'aurais pas le problème, Angleterre o...

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