Dans les supermarchés, les marques des distributeurs pullulent mais le nombre de références baisse

Les marque de distributeurs se vendent mieux que jamais depuis le retour de l'inflation alimentaire au printemps. Les consommateurs les plébiscitent pour leur prix, en moyenne 30% moins cher, y compris sur le moyen et le haut de gamme. Les distributeurs poussent ces produits, dont ils contrôlent mieux le prix et les marges, quitte à évincer les grandes marques et à réduire le choix dans les rayons.
Les marques de distributeur (MDD) sont appelées à croître dans les prochaines années et risquent d'évincer certaines grandes marques.
Les marques de distributeur (MDD) sont appelées à croître dans les prochaines années et risquent d'évincer certaines grandes marques. (Crédits : Reuters)

On pourrait presque les qualifier de « profiteuses de crise ». Les marques de distributeurs (MDD) emplissent les chariots de supermarchés alors que l'inflation pèse sur les aliments (+11% en octobre, selon le panéliste IRI). Ces produits fabriqués et commercialisés par les enseignes de la grande distribution offrent l'avantage de coûter près de 30% moins cher en moyenne que les produits de marques nationales. Leur faible prix s'explique notamment par un emballage plus sobre, parfois sommaire, et des dépenses de marketing inexistantes ou faibles.

L'argument imparable du prix

« Les volumes de vente de produits MDD premiers prix ont gagné +10% en septembre, +7% en octobre par rapport à 2021. Sur cette gamme, il y a un rebond depuis le printemps et le retour de l'inflation. Comme lors des précédents épisodes inflationnistes en 2008, en 2011 ou en 2019 après la loi Egalim, les offres économiques ont la faveur des consommateurs », note Emily Mayer, directrice des études chez le panéliste IRI et spécialiste de la grande distribution qui constate cet engouement « dans tous les types de magasins et sur toutes les familles de produits »

Filles de la crise, nées dans la période de stagflation des années 1970 pour garantir des produits de base accessibles à tous, les MDD décollent quand le ticket de caisse flambe. L'argument du prix parle d'abord aux foyers les plus pauvres, mais plus seulement. A mesure que l'inflation s'installe et se diffuse par un effet de contagion à tous les postes de dépense, de plus en plus de ménages se convertissent aux marques distributeurs.

Des MDD du premier prix jusqu'au « premium »

Les MDD ne se cantonnent d'ailleurs pas au bas de rayon. On parle désormais de MDD « classique », comme Marque Repère sur le milieu de gamme... voire « premium » sur des produits qui reprennent les codes du terroir ou de la gastronomie tels que Reflets de France chez Carrefour ou Monoprix Gourmet.

« Sur ce deuxième segment des MDD qui sont montées en gamme, on retrouve le double argument d'une certaine qualité et du prix. D'une manière générale, les MDD sont beaucoup moins stigmatisées. Des ménages aisés peuvent très bien prendre des pâtes de distributeur au lieu des Barilla », observe le sociologue Vincent Chabault, spécialiste de la consommation.

Pour montrer combien les marques distributeurs se sont démocratisées et sont entrées dans les mœurs des consommateurs, l'universitaire cite l'exemple des magasins durables ou biologiques, plutôt fréquentés par les classes favorisées et urbaines. Comme Naturalia, ces magasins apposent aussi leur nom sur leurs propres produits de distributeur. Si les MDD sont présentes de longue date dans les paniers et les frigos, elles ont connu une stagnation sur la période écoulée.

« A partir de 2013, a démarré ce que l'on appelle la guerre des prix dans la distribution. Dans ce contexte de déflation, l'écart de prix s'est réduit entre les produits de marques nationales et les MDD », se souvient Emily Mayer d'IRI.

Stratégie de maîtrise des coûts pour les distributeurs

Ce retour en force des « marques filles » tient aux goûts des clients mais aussi à la stratégie des distributeurs, soucieux de se différencier via des produits uniques. Les MDD présentent l'avantage de n'être vendues que dans les enseignes qui les produisent, quand les produits de grands industriels de l'agroalimentaire se retrouvent dans tous les rayons de grande surface. Dans d'autres domaines, certaines enseignes ont bâti leur succès sur le développement de leurs propres marques, comme les magasins Decathlon ou Picard.

Ainsi, Carrefour fait du développement de nouvelles MDD un des piliers de sa stratégie annoncée la semaine dernière. En 2026, l'enseigne veut que 40% de ses références soient des MDD, soit la moyenne dans les supermarchés allemands, contre 30% aujourd'hui en moyenne en France. Comme souvent dans la grande distribution, la défense du pouvoir d'achat est mise en avant. Pour garantir des prix attractifs et préserver leurs marges, les distributeurs veillent à contenir autant que possible leurs coûts menacés par l'inflation.

Les négociations entre la grande distribution et les industriels agroalimentaires n'en sont que plus âpres. En septembre, le groupe Intermarché n'a pas hésité à « boycotter » la Badoit ou la Volvic de Danone pour cause de désaccord sur les prix d'achat des bouteilles.

Le patron de E.Leclerc, Michel-Édouard Leclerc, porte-parole officieux de sa filière, a ainsi brocardé à plusieurs reprises en 2022 les industriels agroalimentaires qui profiteraient de l'inflation pour gonfler artificiellement leur prix. Ce qu'un rapport du Sénat est venu démentir... tout en s'étonnant des « pratiques contestables » sur les prix de la part des distributeurs.

Plus de MDD mais moins de références en rayons

Avec leurs propres MDD, les E.Leclerc, Carrefour, Système U et autres Auchan contrôlent totalement leurs coûts via leurs propres lignes de fabrication, souvent constituées de PME dont le pouvoir de négociation n'égale pas celui d'une multinationale agroalimentaire. Les rayons de supermarchés s'en trouvent changés.

« L'heure est aujourd'hui à la réduction du nombre de références en magasins alors que la grande distribution s'était développée sur un large choix. Les grandes marques sont les plus concernées par ces réductions quand les gammes économiques des enseignes prennent de plus en plus de place », constate Emily Mayer qui y voit une tendance durable.

Ce resserrement est poussé par les enseignes qui peuvent ainsi concentrer leurs achats sur les produits les plus vendeurs. Mais il est aussi imposé par les pénuries dans un contexte de crise logistique et climatique.

Avec plus de marques distributeurs et moins de références, la fin de l'abondance se profile dans les rayons de supermarchés.

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Commentaires 2
à écrit le 16/11/2022 à 10:49
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A une époque la purée de céleri surgelée Lecl* était quasi au prix de la Pica*, puis le sachet est passé de 1kg à 0,75kg, puis le prix a augmenté, étant maintenant arrivé à environ 50% de plus au kilo que chez Pica*, mais en rayon y a ça ou rien, sac...

à écrit le 16/11/2022 à 10:17
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Ne proposer que la marque du magasin évite de pouvoir comparer, sauf à aller dans une autre enseigne pour voir. En ce moment chez Lecl* les haricots verts en boite en MDD, c'est le désert, mais le trou est béant, souvent ils masquent la pénurie en ét...

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