Les soldes, vidés de leur sens, sont-ils voués à disparaître ?

Par Marina Torre  |   |  980  mots
La période officielle des soldes d'hiver 2016 début le 6 janvier.
Les soldes d’hiver commencent ce mercredi 6 janvier. Mais ces périodes sont boudées par une part croissante des consommateurs qui préfèrent profiter des autres promotions toute l’année. Le résultat d’un mouvement de fond qui tend à remettre en cause leur existence.

Supprimer les soldes. L'idée n'est peut-être pas si farfelue tant s'affaiblit l'attrait pour ces périodes originellement dévolues au déstockage. Certes, une majorité de Français (plus de 75%) déclarent prévoir de faire des achats pendant les soldes d'hiver qui commencent le 6 janvier 2016 en France d'après un sondage de l'institut Toluna pour le magazine LSA paru le 30 décembre. Mais leur nombre représente 2,4 points de moins que l'année précédente et la part de ceux qui diffèrent leurs achats de plusieurs semaines ou mois pour les réaliser pendant les soldes se réduit de plus de 3 points.

Climat et terrorisme

A court terme, deux éléments expliquent cette désaffection. En premier lieu, la météo très clémente, qui affecte très fortement les spécialistes du prêt-à-porter. Ensuite les événements tragiques de l'année 2015 ont fortement contribué à la désertification des magasins. Par contre-coup, les commerçants ont eu tendance à réaliser encore plus de promotions avant noël. Quelque 10% des Français en ont déjà profité pour faire des cadeaux et autres emplettes à prix réduits avant le réveillon.

Ce contexte avait déjà eu un effet sur les soldes d'hiver 2015 qui ont démarré le 7 janvier, le jour même de la tuerie au siège de Charlie Hebdo. Dans ces circonstances, faire des achats n'apparaissait bien entendu pas comme une priorité par de nombreux français. Nuance tout de même: les préoccupations quotidiennes ont rapidement pris le dessus, les achats déjà prévus se reportant souvent sur internet. Et onze mois plus tard, les attaques du 13 novembre, d'une toute autre ampleur ont surtout eu un impact en Île-de-France, dans les grands magasins et centres commerciaux, notamment parce que certains d'entre eux ont même été contraints de fermer leurs portes.

Mouvement de fond

Plus profondément, du point de vue du consommateur, c'est la multiplication des promotions tout au long de l'année qui vide le plus les soldes de leur sens.

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Ce mouvement dure depuis plusieurs années. Dès 2006, le Crédoc qualifiait les soldes de "rite social qui s'effrite". Quatre ans et une crise économique mondiale plus tard, les ventes en promotions avaient dépassée celles réalisées pendant les deux périodes officielles de déstockage.

Si les soldes sont à ce point vidés de leur substance, pourquoi ne pas tout simplement les supprimer? "Une mesure aussi radicale peut-être considérée comme dans l'ère du temps puisque les promotions et prix barrés toute l'année ôtent leur sens aux soldes", reconnait Daniel Wertel, président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin. Ce dernier estime toutefois qu'il ne s'agit pas d'une plus d'un sujet sérieusement en discussion chez les professionnels. Sa fédération milite davantage pour leur raccourcissement.

"Les soldes arrivent beaucoup trop tôt dans la saison. Il faudrait les décaler d'un mois par exemple, les réduire pour qu'elles durent trois semaines et pourquoi pas intercaler une semaine à la mi-saison, en avril et en octobre", ajoute Daniel Wertel.

Du rapport Attali à la fin des soldes flottants

Au cours des années précédentes, l'idée d'une suppression totale des soldes est régulièrement réapparue dans les débats. Ses défenseurs pointant leur inutilité à une époque où les collections s'enchaînent à une cadence de plus en plus rapide, au rythme imposé par les enseignes grand public d'ailleurs rebaptisées "Fast Fashion" (littéralement "mode rapide"). Les détracteurs quant à eux soulignaient l'importance d'une période de solde encadrée et dévolue au déstockage dans un pays où le commerce indépendant structure encore largement l'offre.

Plus concrètement, la commission Attali en 2007 est allée jusqu'à suggérer la libéralisation des ventes à perte, ce qui revenait à autoriser la pratique de l'écoulement des stocks à prix barrés toute l'année. Deux ans plus tard, les soldes dits "flottants" faisaient leur apparition. Introduits par lai loi de modernisation de l'Economie en 2009, ces deux semaines de soldes que les commerçants pouvaient organiser quand ils le souhaitaient dans l'année avaient fait l'objet de nombreuses critiques en raison notamment de la confusion qu'ils auraient introduits dans l'esprit des consommateurs et des difficultés d'organisation qu'ils induisaient.

Leur suppression était demandée par une partie des commerçants, défendue dans rapport de l'Institut Français de la Mode et du Crédoc datant de 2012, et soutenue par l'association de consommateur UFC-Que Choisir. Les soldes flottants sont supprimés depuis 2015, et leur durée total de nouveau fixée à 6 semaines par saison (contrairement à 5 antérieurement).

Encore un certain attachement au "symbole"

Malgré ces fréquentes remises en causes du principe même des soldes encadrés et limités dans le temps, nombre de commerçants tiennent encore à ces périodes qu'ils considèrent pour certains comme des "fêtes" du commerce capable de drainer du trafic et éventuellement de générer des ventes additionnelles pour des produits non soldés.Même pour les destockeurs professionnels qui exercent désormais leurs activité sur internet y tiennent.

Non sans quelque apparente contradiction, un semblable attachement s'observe aussi du côté des Français. Un sondage auprès d'un peu plus de 6000 internautes de FranceTVInfo datant de juillet 2014 signalait qu'une majorité de personnes se prononçaient contre la suppression des soldes.

En attendant, soldes ou pas, la montée en force des "prix barrés" tend à brouiller la valeur attachée aux prix, donc celle des prix "justes", tout au long de l'année.

>> Comment promos, offres ciblées et comparateurs détériorent l'image du "prix juste"