A l'appel d'une intersyndicale réunissant six des huit organisations représentées dans l'entreprise (CFDT, CGT, FO, Unsa, Usapie et Solidaires), les salariés de Capgemini étaient invités à débrayer pendant une heure ce jeudi 14 avril. En quittant leur bureau, pour ceux en présentiel ou en se déconnectant symboliquement pour ceux en télétravail. "La mobilisation a été suivie notamment à Paris, Toulouse, Montpellier, Nantes et Pessac, près de Bordeaux. On compte plusieurs centaines de participants sur place ou à distance ce qui est satisfaisant dans une entreprise peu habituée à la grève", indique à La Tribune, à la mi-journée, Nicolas Lalande, délégué syndical CFDT chez Capgemini, basé à Pau (Pyrénées-Atlantiques). Les six organisations réunies en intersyndicale représentent autour de 65% des salariés tandis que les deux autres syndicats, la CFTC et la CFE-CGC, n'ont pas souhaité se joindre au mouvement social.
Un exercice 2021 record à tous points de vue
Cette première grève qui secoue le groupe français depuis 2008 s'inscrit dans un contexte de très forte croissance pour cette entreprise de services numériques fondée à Grenoble en 1967. Depuis son siège social parisien, elle emploie aujourd'hui 325.000 personnes dans le monde dont 32.000 en France, en intégrant les effectifs d'Altran rachetés en 2020. Le géant mondial du secteur a en effet réalisé un exercice 2021 qu'il qualifie lui-même de "record" : 18,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires (+14,6 % sur un an) et 1,2 milliard d'euros de résultat net part du groupe (+21%), dont 240 millions d'euros pour la France. L'Hexagone enregistre un chiffre d'affaires en hausse de 10% en 2021, soit la progression la plus faible des régions où Capgemini est implantée.
"Parallèlement, l'action se porte bien avec des dividendes qui s'envolent, en hausse de 23 % sur un an. Mais, face à cela, les négociations salariales annuelles patinent avec des propositions très classiques de la direction", fait valoir Nicolas Lalande. "Sachant que l'historique de l'entreprise aboutit à des salaires relativement bas. Résultat, aujourd'hui avec l'inflation ça coince pour beaucoup de gens et on constate beaucoup de départs..."
Rotation massive des effectifs
Dans un contexte extrêmement concurrentiel sur les métiers employés par Capgemini - développeurs web, chefs de projet, infrastructures informatiques, etc. - le résultat est en effet un turn-over très élevé chez Capgemini, autour de 20 à 25%, selon la CFDT. L'entreprise a elle-même reconnu avoir perdu un quart de ses consultants l'an dernier tandis qu'un tiers de l'effectif a désormais moins d'un an d'ancienneté. "Ces éléments ne semblent pas inquiéter la direction notamment parce que le recours à des profils juniors fait partie du modèle de l'entreprise et permet de préserver sa marge. En France, les directions locales disent ne pas avoir la main sur les salaires et jouent principalement sur la qualité de vie au travail mais ça ne suffit plus", assure le délégué syndical.
Du côté des revendications, les négociations annuelles obligatoires (NAO) sur les salaires doivent se boucler le 22 avril prochain. En plus d'une enveloppe de 42 millions d'euros pour les augmentations individuelles, la direction de Capgemini France met trois millions d'euros sur la table, dont 1,84 million d'euros pour les augmentations collectives qui aboutirait à des revalorisations salariales de 700 euros bruts annuels pour les salaires inférieurs à 41.000 euros bruts annuels et de 450 euros bruts annuels au-delà de ce seuil. Jugeant ce budget collectif notoirement insuffisant, l'intersyndicale porte une seule revendication : une hausse collective des salaires de 2.500 euros bruts annuels.
Sollicitée par La Tribune, la direction de Capgemini indique "être attachée à maintenir un dialogue social de bonne qualité" et précise : "Nous sommes toujours en discussion avec l'ensemble des organisations syndicales pour les NAO. Nous pouvons d'ores et déjà indiquer qu'un effort significatif sera fait pour les salaires les moins élevés au sein de notre entreprise."
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