L'e-commerce se prépare à un cyber-noël record

La période de Noël 2015 pourrait se révéler plus intense que jamais pour l'e-commerce après les attentats du 13 novembre. Un effet "positif" délicat à assumer publiquement. Déjà, certains rebaptisent l'opération de promotion "Black Friday", tout en la maintenant.
Marina Torre
Dans le secteur de la distribution certains observateurs se demandent si les achats de noël se reporteront sur les ventes en ligne en cette fin d'année 2015.
Dans le secteur de la distribution certains observateurs se demandent si les achats de noël se reporteront sur les ventes en ligne en cette fin d'année 2015. (Crédits : <small>Reuters</small>)

Perspective tristement positive pour l'e-commerce en France. Ce se prépare cette année encore à un niveau de vente record à Noël. Des observateurs s'attendent même à une hausse des ventes encore plus élevée que prévu, en raison d'un possible transfert des achats sur d'autres canaux de ventes après les attentats du 13 novembre à Paris.

Nombre de transactions en hausse, panier en baisse

Quelque 13 milliards d'euros de recettes étaient déjà attendus pour les achats de Noël réalisés en ligne cette année, selon une estimation réalisée de la Fédération e-commerce et vente à distance avant les attaques terroristes à Paris. L'an dernier, ce chiffre d'affaires global correspondant aux achats de cadeaux et autres produits destinés aux fêtes de fin d'années avait atteint 11 milliards d'euros.

La tendance est à un double mouvement: d'un côté, le nombre de transactions continue d'augmenter, de l'autre, les montants dépensés baissent. Ce qui aboutit au cours des derniers trimestres à une forte hausse des volumes vendus en ligne. Ainsi, au dernier trimestre, le marché de l'e-commerce a progressé de 15% par rapport à l'année précédente, avec un chiffre d'affaires de 15,5 milliards d'euros selon la Fevad. Il avait déjà augmenté de 16% - plus rapidement que prévu -, au trimestre précédent. Si le rythme de croissance se maintient au moins au même niveau, les ventes en 2015 devraient largement dépasser les 57 milliards d'euros de 2014 et peut-être passer le seuil des 60 milliards.

Nuance tout de même: un indice établi pour le Journal du Net signalait un ralentissement des ventes réalisées par les "pure-players" (présent uniquement en ligne), au mois d'octobre. La croissance de celles-ci seraient passée de 14,47% en septembre à 7,71% en octobre. Ce chiffre correspond aux transactions enregistrées par les principaux opérateurs de paiement sur internet. Dans le même temps, la croissance du nombre de transactions reste élevée (15,66%). Un écart qui traduit une baisse du montant du panier moyen déjà observée depuis plusieurs mois par la Fevad.

Dans le même temps, les stratégies de distribution alliant internet et retraits en magasin déployées par les grands commerçants disposant à la fois d'un réseau de magasins physiques et de sites en ligne ont commencé à porter leurs fruits.

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Baisse du niveau du panier moyen en octobre

Ces tendances se poursuivront-elles à Noël? Dans leurs déclarations, les cyberacheteurs interrogés par Médiamétrie entre le 19 et le 26 octobre 2015 prévoyaient alors un budget moyen en hausse par rapport à l'année précédente. Il passerait de 174 euros à 199 euros. Près de 7 internautes sur 10 déclarent leur intention de remplir leur hotte depuis un écran d'ordinateur, de tablette ou de smartphone, soit 30 millions de personnes.

Mais après les attentats du 13 novembre, ces prévisions pourraient être dépassées. Toute tentative de mesure de l'éventuel impact de ces événements sur les modes de consommation et les niveaux d'achats semble bien sûr très précoces.

Impossible ainsi de prévoir dans quelle mesure le sentiment d'insécurité induira une baisse forte et durable de la fréquentation des magasins physiques ou si l'achat sur des sites de ventes en ligne seront préférés au déplacement dans les magasins dans les prochaines semaines. Certains spécialistes de la consommation n'hésitent pas cependant à prévoir un tel transfert.

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D'un autre côté, la trajectoire du niveau de consommation en général pourrait se trouver modifiée, au moins de façon provisoire. En janvier 2015, à la suite de l'attaque de Charlie Hebdo et de la prise d'otage de l'Hyper Casher, des chutes d'audience ont été constatées dans les premiers temps par les sites de vente en ligne et de fréquentation par les magasins. Mais cela ne fut que provisoire, les portails de vente en ligne retrouvant des visiteurs encore plus rapidement que les boutiques physiques. D'autres éléments comme la météo, les soldes et la période de l'année entraient également en compte.

Pour le commerce en général, la fin de l'année se révèle généralement cruciale. Selon les catégories de produits, les ventes réalisées à cette période peuvent représenter entre un quart du chiffre d'affaires annuel et 40% ou 50% chez certains spécialistes, notamment dans le jouet.

Rebaptiser ou annuler le "Black Friday"

Afin de tenter d'étaler la période des ventes, des opérations commerciales souvent importées des Etats-Unis se multiplient depuis quelques années, sur internet et dans certains magasins "classiques". L'une d'elles, le "Black Friday", suit traditionnellement la fête de Thanksgiving.

>> Black Friday, Cyber Monday... Pas de si bonnes affaires ?

En France, l'usage du terme pose cette année un cas de conscience aux communicants. Un portail baptisé Blackfridayfrance qui s'est spécialisé dans ces offres a décidé d'en maintenir l'usage. Dans un courriel, Julien Buffa, chef de projet de l'agence R-Advertising, qui a développé ce site, justifie ce choix réaffirmé après plusieurs jours de questionnements:

Nous avons hésité, bien sûr. Entendu des avis et lu des commentaires. Mais tout nous encourage à continuer : nos partenaires, les internautes, mais également nos valeurs. Nous ne cédons pas, et continuons à vivre. Il ne s'agit pas de faire comme s'il ne s'était rien passé, mais simplement de poursuivre notre route, et tenir les engagements que nous avons pris auprès de nos clients. Et si le Black Friday se renomme, alors ces derniers perdront tout le bénéfice du travail acharné que nous menons depuis des mois pour importer ce succès commercial."

D'autres opérateurs bien moins dépendants de l'expression pour leur référencement en ligne ont choisi de maintenir l'opération, mais de la rebaptiser. C'est le cas d'E.Leclerc qui a même fait modifier dans la presse ses annonces publicitaires dans l'urgence.

De son côté, l'opérateur de centre commerciaux Unibail a choisi l'expression "unexpected days", Klépierre le terme "Crazy Friday". La chaîne Cultura a même annulé l'opération rapportait le Figaro mercredi 18 novembre.

Quelles mesures d'urgence pour les petits commerçants?

Seulement, tous les acteurs ne pourront pas compter sur leurs sites en ligne pour compenser une baisse éventuelle de fréquentation. C'est le cas en particulier des indépendants, bien moins "numérisés" que les grands. Des représentants de ces derniers ont été reçus le 19 novembre au sein de la cellule de continuité économique, groupe d'économistes et de professionnels réunis par Bercy en cas de situation d'urgence, qui avait déjà été activée après les attentats à la rédaction de Charlie Hebdo et dans l'Hyper Casher de la porte de Vincennes en janvier.

Sa première mission: tenter de chiffrer l'impact des attentats. Mais, selon nos informations, des mesures de soutien aux indépendants sont déjà prévues qui consisteront dans un premier temps à allonger les délais de versement des cotisations sociales.

Marina Torre

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