Tourisme : la saison estivale démarre sur les chapeaux de roues

Après une crise sans précédent, la saison estivale commence fort avec un niveau de réservations supérieur à ce qu'il était avant la crise. Comment la crise sanitaire a-t-elle chamboulé les habitudes de vacances des Français ? Quelles sont leurs principales attentes pour cet été ? À quels types de séjours aspirent-ils ? Interrogés par La Tribune, plusieurs professionnels du secteur apportent leur éclairage.
Le tourisme vert tire son épingle du jeu après le confinement. 26% des Français partent à la campagne cet été, et 13% choisissent la montagne.
Le tourisme vert tire son épingle du jeu après le confinement. 26% des Français partent à la campagne cet été, et 13% choisissent la montagne. (Crédits : Reuters)

Le mois de juin vient juste de se terminer. Et avec des taux d'occupation proches de ceux de 2019, il a redonné du baume au cœur aux professionnels du tourisme. Et si l'activité touristique a déjà bel et bien repris, le meilleur reste à venir. Les réservations pour juillet et août battent leur plein, et une chose est sûre : cette année, les Français sont au rendez-vous, compensant largement le recul de la clientèle étrangère. Selon Didier Arino, directeur du cabinet spécialisé Protourisme: « Quelque 37 millions de Français vont partir en vacances, soit 4 millions de plus qu'en 2019 ».

Une envolée des réservations... en France

La levée des restrictions, annoncée en avril, a en effet constitué un catalyseur des réservations pour les vacances estivales. Les plateformes de location, les hôtels ou encore campings enregistrent une très forte croissance par rapport à l'avant-crise.

« Nous avons 40% de réservations en plus pour les mois de juin, juillet et août, qu'en 2019 à la même période », observe Grégory Sion, directeur général de Pierre et Vacances. Même son de cloche chez son homologue du groupe Maeva, Nicolas Beaurain : « Nos réservations sur juillet-août ont été multipliées par trois par rapport à 2019 », confie-t-il.

Ce redémarrage sur les chapeaux de roue est avant tout un phénomène national. L'été s'annonce franco-français, avec plus de huit français sur dix optant pour des vacances en France, et une clientèle étrangère qui se fait encore attendre.

« Cet été, 95% des réservations sur notre offre de maisons en France sont effectuées par des Français, alors que les Allemands représentent en temps normal pas moins de 40% de notre clientèle », note à ce propos Xavier Lelièvre, directeur général France d'Interhome Group.

Chez Siblu, propriétaire de 24 campings en France et aux Pays-Bas, un vide se fait également sentir sur la clientèle étrangère. « Les Britanniques et les Irlandais ne reviennent pas encore en raison des contraintes de déplacement. Quant à l'Europe continentale, la levée des restrictions n'a eu lieu que la semaine dernière aux Pays-Bas et en Allemagne, le retour est donc tout récent », explique son directeur marketing et communication, Mikael Quilfen.

Toutefois, les répercussions du retour timoré de la clientèle étrangère sont à nuancer selon les hébergeurs. Si leur absence se fait sentir chez plusieurs d'entre eux, elle est nettement moins perceptible chez Maeva. « Nous ne sommes pas touchés par ce phénomène, car nous avons historiquement une clientèle très domestique », se réjouit ainsi Nicolas Beaurain.

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Un allongement de la durée de vacances

Autre phénomène observable : la clientèle française aspire à étendre ses vacances estivales. Pour certains en effet, les séjours longs ont un caractère plus rassurant sur le plan sanitaire.

« On constate un allongement de la durée moyenne des vacances. Cette année, l'essentiel de nos réservations concerne les séjours de 9 jours, soit une hausse de 30% par rapport à 2019 où les vacanciers restaient en moyenne 7 jours. On note également une augmentation des séjours de deux semaines, surtout à la montagne », affirme Grégory Sion de Pierre et Vacances.

Du côté d'Interhome, « les séjours de 14 et 21 nuits sont en hausse de 20% par rapport à 2019 », souligne Xavier Lelièvre.

Cette tendance aux séjours longs est d'autant plus forte qu'un nouveau phénomène tend à se démocratiser: le « télétravel ». Cet été, 15% des Français prévoient de télétravailler depuis leur lieu de vacances. Ainsi, les Français n'utilisent plus seulement Airbnb pour planifier leurs séjours, mais pour choisir où ils vont vivre. « La part de réservations de séjours longs (28 nuits ou plus) au cours des trois derniers mois de l'année 2021 s'élève à 14% », selon la plateforme.

Le tourisme bleu talonné par le tourisme vert

Si les destinations les plus prisées des Français n'ont pas beaucoup changé par rapport aux années précédentes, le top 6 demeurant la Corse, la Nouvelle-Aquitaine, l'Occitanie, la Côte d'Azur, la Normandie et la Bretagne, les littoraux sont talonnés par le tourisme vert, en pleine effervescence.

Les Français sont de plus en plus nombreux à privilégier les séjours à la campagne, lesquels représentent « 26% des séjours cet été », selon Stéphane Villain (ADN Tourisme). Chez Airbnb, la tendance est encore plus marquée.

« Les séjours ruraux représentent 45% des réservations pour l'été 2021, contre 24% en 2019 », constate-t-on chez Airbnb.

Du côté de Maeva, « la croissance est très forte sur les campings de deuxième ligne, qui vont chercher une clientèle avide de nature et de découverte d'une région », explique Nicolas Beaurain.

Quant à la montagne, très prisée des vacanciers d'hiver, elle gagne en attractivité parmi la clientèle estivale, un Français sur six faisant le choix d'y séjourner cet été. « Sur la location entre particuliers, deuxième composante de notre offre, les réservations en montagne ont quadruplé par rapport à 2019. La montagne séduit les Français car le rapport qualité-prix est très bon sur l'été et l'offre d'activités y est vaste et différente des littoraux », fait valoir Nicolas Beaurain.

Des vacanciers en quête de sens

Cette montée en puissance du tourisme vert confirme la tendance de fond sur le "slow tourisme" et les vacances éco-responsables.

Pour le Président d'ADN Tourisme, cet été marque un tournant en ce sens:

« On sent un véritable engouement pour le tourisme durable. Jamais nous n'avons vu autant de personnes partir en voyage à vélo. En Nouvelle-Aquitaine, trois millions d'utilisateurs ont été enregistrés sur le Vélodyssée, c'est énorme ! ».

Les Français sont en quête de vacances qui ont du sens. Ils souhaitent se reconnecter à la nature et à eux-mêmes. « Les Français ont envie de vacances alliant éco-responsabilité, recentrage sur soi, et partage de moments de bienveillance. C'est pour ces raisons que nous avons développé des séances de yoga et des randonnées bien-être dans certains de nos campings Maeva Respire », confie ainsi Nicolas Beaurain.

Les campings sont peut-être les moins affectés par cette tendance. « Sur nos campings, nous n'observons pas une hausse des réservations dans les destinations rétro-littorales. Pourquoi? Car le camping en lui-même permet aux Français d'avoir cette impression de privatif et de verdoyant sur plusieurs dizaines d'hectares. L'essentiel de nos réservations continue donc de se porter sur les stations balnéaires », explique Mikael Quilfen, de Siblu.

Des exigences de confort revues à la hausse

Si le budget vacances des Français reste relativement stable par rapport à l'avant-crise, avec une moyenne autour de 50-60€ par jour et par personne (transport inclus), exception faite pour les cyclotouristes qui dépensent en moyenne 75€ (selon le Président d'ADN Tourisme), ils sont nombreux à avoir revu leurs exigences à la hausse.

« On constate une demande croissante pour des produits au goût du jour, qui correspondent au moins au niveau de confort et de prestations que les clients ont chez eux. Cela incite les propriétaires à rénover et à répondre aux besoins technologiques », témoigne Xavier Lelièvre d'Interhome.

Un point également noté par Pierre et Vacances: « Les résidences premium sont plébiscitées. Une partie de la population a beaucoup économisé et veut se faire plaisir pour les vacances ». Le constat est le même pour Maeva, qui a adapté son offre pendant le confinement.

Un besoin de flexibilité et de réassurance

Outre les exigences de confort, les vacanciers souhaitent à la fois bénéficier d'une certaine flexibilité dans leurs réservations et être rassurés. Soucieux d'avoir les meilleures garanties, ils sont plus nombreux cet été à se tourner vers des agences de voyage (plus 10 points par rapport à l'an dernier). « Avec la crise, les gens ont besoin de conseil, de réassurance et de flexibilité, et ont envie de se tourner vers un humain qui va les accompagner et les rassurer », remarque le directeur général de Maeva.

Du côté des hébergeurs, certains ont mis en place des modalités d'annulation spécifiques, afin d'inciter les vacanciers à réserver en amont. « Nous avons créé une offre qui permet d'annuler sans frais jusqu'à quinze jours avant le départ et qui est plébiscitée puisqu'elle représente 50% des réservations que nous avons », confie Grégory Sion Chez Pierre et Vacances.

Et s'il est quasiment impossible d'envisager de réserver au dernier moment en bord de mer au vu de l'explosion de la demande, « les zones rétro-littorales enregistrent beaucoup de réservations de dernière minute », d'après le président d'ADN Tourisme.

« Ces réservations de dernière minute ne sont pas préoccupantes, c'est une nouvelle façon de consommer », analyse-t-il.

Seule inquiétude: une pénurie de personnel hôtelier

Une inquiétude continue cependant d'agiter les esprits des hébergeurs: la pénurie de personnel. « Le manque de main d'œuvre est flagrant au niveau du personnel hôtelier », déplore Stéphane Villain. Si la plupart des hébergeurs réussissent progressivement à reconstituer les équipes de réception et d'animation, tous s'accordent à dire que le personnel d'entretien reste difficile à recruter.

« Nous travaillons d'arrache-pied pour identifier des personnes qui pourraient être embauchées », explique ainsi Grégory Sion (Pierre et Vacances).

Même situation du côté de Siblu où le personnel de nettoyage s'avère compliqué à trouver, « notamment sur les endroits où la densité de population est plus faible », observe Mikael Quilfen. Pour le président d'ADN Tourisme: « Souvent, cela est dû à un problème d'hébergement: il faut donc que les territoires se posent la question de l'accueil des saisonniers. Avant, les saisonniers étaient le plus souvent originaires de la région dans laquelle ils venaient travailler l'été; aujourd'hui, en cette période très contrainte, on essaie de récupérer des jeunes qui arrivent d'autres endroits et se pose donc la question de l'hébergement ».

Mais au-delà de la nécessité pour les acteurs du tourisme de se refaire une santé après 18 mois de crise sans précédent, et avant une éventuelle quatrième vague , la saison estivale est d'autant plus importante pour leur avenir qu'elle leur donne l'opportunité de fidéliser une nouvelle clientèle, notamment celle qui partait habituellement à l'étranger.

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Commentaires 2
à écrit le 05/07/2021 à 19:18
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Autant qui ne prendrons pas l'avion. Positif 👍.

à écrit le 05/07/2021 à 9:38
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"Comment la crise sanitaire a-t-elle chamboulé les habitudes de vacances des Français ? " Partir le plus tôt possible car à tout moment la dictature sanitaire se resserre, c'est donc logique.

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