Alors que, depuis plus d'un an, la crise sanitaire a freiné brutalement l'activité touristique, des voix s'élèvent pour un rebond post-covid plus « durable ». « Repartir, mais pas comme avant », résumait le sociologue Rodolphe Christin en juillet dernier dans le Monde diplomatique. Car selon une nouvelle étude de l'Ademe - l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie - , les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur en France sont colossales : en 2018, elles se sont élevées à 118 millions de tonnes d'équivalent CO2 - soit les émissions de 11 millions de Français sur une année entière.
« La part des émissions du bilan GES qui ont lieu sur le territoire national (50 millions de tonnes de CO2 équivalent) représente 11% de l'inventaire national d'émissions de GES en France », souligne l'Ademe.
Pour autant, il ne s'agit pas de faire une croix sur ce secteur clé : avec 89,3 millions de visiteurs internationaux en 2018, la France s'est hissée en première place des destinations touristiques mondiales. De quoi en faire un levier majeur pour l'économie hexagonale, représentant cette année-là 7% du PIB et près de 2 millions d'emplois. Une contribution à la croissance qui ne doit pas masquer ses impacts environnementaux : alors que le pays se trouve à un « tournant », le tourisme doit désormais « trouver et assumer un rôle dans la transition écologique », estime Arnaud Leroy, directeur de l'Ademe.
Sans surprise, l'avion pèse lourd
En revoyant, d'abord, la manière de se déplacer : le transport pour se rendre sur le lieu de séjour reste de loin le premier poste d'émissions de gaz à effet de serre pour le secteur (77%), souligne l'étude qui se penche pour la première fois sur l'intégralité de la chaîne de valeur de l'industrie touristique, de l'amont à l'aval. Et notamment en repensant les déplacements par avion : alors qu'ils ne concernent que 12% des arrivées de touristes, ils sont à l'origine de plus de la moitié (53%) des émissions liées au transport pour se rendre à destination et rentrer.
Sans surprise, ces dernières sont surtout imputables aux visiteurs étrangers (80%), qui représentent seulement 32% du nombre d'arrivées. En cause, une distance parcourue environ « cinq fois plus importante que pour un touriste français », précise l'Ademe. Le poids carbone des touristes d'affaires, pris en compte dans l'étude, n'est pas non plus négligeable : il est doublement plus élevé que celui pour motif personnel, du fait de durées de séjour plus courtes.
Mutualisation des espaces
Vient ensuite l'hébergement, qui concentre 7% des émissions totales du secteur touristique. Parmi lesquelles, plus de la moitié de l'impact carbone concerne l'accueil dans des lieux non marchands (résidence secondaire, famille, amis), 36% pour les services marchands (hôtellerie, villages-vacances, auberges de jeunesse, colonies de vacances, etc), et 7% pour les locations saisonnières, proposées par des particuliers via une plateforme Internet. Une empreinte principalement liée à la consommation d'énergie pour les hébergements marchands et les locations saisonnières, et à la construction d'infrastructures pour les autres.
« L'impact de la construction de résidences secondaires pèse particulièrement lourd rapporté au nombre de nuitées réellement effectuées dans l'année, de plus la mutualisation des espaces est moindre que dans l'hébergement marchand », souligne l'Ademe.
Un Fonds pour promouvoir le tourisme durable
De manière globale, pour revoir ce modèle, la France doit agir « soit sur l'offre, soit sur la demande, de manière complémentaire », préconise l'étude. Cependant, la définition du tourisme durable reste large : cela peut passer par « un plus grand respect de la nature », des « activités moins polluantes » ou encore la « labellisation des hébergements », avance l'Ademe. Et de citer, par exemple, des mécanismes d'incitations financières pour les destinations locales, des modes de déplacement bas carbone, le développement du covoiturage et du ferroviaire, la rénovation des bâtiments ou encore des offres de repas végétarien sur place.
A cet égard, le Fonds Tourisme Durable, mis en place dans le cadre de France Relance et porté par l'Ademe, dispose d'un budget de 50 millions d'euros pour soutenir, via des aides financières, des opérateurs du tourisme dans des démarches prenant « pleinement en compte des impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs ». Sont concernées les TPE-PME implantées sur le territoire français, notamment en zones rurales. Un mouvement qui devrait être accéléré par les attentes croissantes de certains consommateurs en la matière, qui ont évolué du fait de la pandémie, espère l'Ademe.
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