Air France-KLM : pourquoi 2013 est l'année à ne pas rater

Après avoir affiché une perte d'exploitation de 300 millions d'euros en 2012, tous les éléments de la restructuration du plan de redressement sont aujourd'hui réunis en totalité pour être mis en oeuvre à partir du printemps. 2013 va donc vérifier l'efficacité de ces mesures. Néanmoins, en raison du contexte économique et de la hausse du carburant, des mesures complémentaires risquent d'être nécessaires à terme.
Copyright Reuters

C'est l'année à ne pas rater pour Air France-KLM et sa plus grosse filiale Air France. Celle qui doit remettre le groupe aérien aujourd'hui en difficulté sur la voie d'un net redressement pour lui permettre de dégager, comme l'a promis la direction, une « rentabilité très positive » en 2015, comparable à celle de ses rivaux européens Lufthansa et IAG (British Airways et Iberia). Celle qui vérifiera donc l'efficacité des mesures prises en 2012 dans le cadre du plan de restructuration Transform 2015, lequel vise à réduire la dette d'Air France-KLM de deux milliards d'euros d'ici à 2015, à 4,5 milliards, en générant deux milliards de cash-flows (après investissements) durant cette période. Pour y parvenir, Air France et KLM ont donc lancé chacune en 2012 un plan de restructuration, plus drastique au sein de la compagnie française, dont les pertes cumulées depuis cinq ans s'élèvent à environ 2 milliards d'euros quand, dans le même temps, KLM n'a été qu'une seule fois dans le rouge. « C'est une année cruciale », a expliqué ce vendredi Jean-Cyril Spinetta, le PDG d'Air France-KLM.

Plans de départs volontaires

« Tout est en place. Maintenant, il faut un retournement sensible en 2013 pour atteindre l'objectif d'une marge opérationnelle de 6 à 8% en 2015 », explique Yan Derocles, analyste chez Oddo Securities. Chez Air France, après avoir passé l'année 2012 à définir un nouveau plan industriel, à négocier des gains de productivité de 20% du personnel, à lancer un plan de départs volontaires concernant 2767 salariés parmi les personnels au sol, etc., toutes les armes de la reconquête, ou presque, sont en place. Et doivent être en état de marche à partir d'avril prochain.
À commencer par la riposte face aux compagnies à bas coûts sur le réseau court et moyen-courrier, le plus gros foyer de pertes de la compagnie (500 millions en 2011). Si Air France a lancé en janvier une nouvelle tarification « plus low cost » avec des prix à 49 euros, le vrai départ du redressement débutera au printemps avec les premiers vols, fin mars, de Hop! (qui regroupe les filiales Regional, Britair, Airlinair) et la montée en puissance de Transavia, dont la capacité va bondir de 30% cet été avec l'arrivée, entre février et avril, de trois nouveaux B737. Une croissance qui continuera en 2014 et 2015.Air France a en effet décidé l'an dernier de réorganiser son réseau court et moyen-courrier en trois pôles : une activité sous pavillon Air France pour alimenter le hub de Roissy, mais aussi pour desservir les grosses villes françaises et européennes au départ d'Orly et des trois bases de province de Marseille, Nice et Toulouse; une activité loisirs avec le fort développement de Transavia, une compagnie mi-charter mi-low cost dont la taille doit doubler d'ici à 2015 pour la porter à 20 avions; et une activité de transport régional sur les petites lignes au départ d'Orly avec Hop!

Accords de productivité

Côté baisse des coûts, après les mesures immédiates décidées en janvier 2012, les gains « d'efficacité économique » arrachés l'été dernier aux personnels au sol et aux pilotes n'ont pas encore toutes été mises en place. Pour le personnel au sol, « l'ensemble du dispositif devrait l'être au printemps. Un accord sur le temps de travail vient d'être signé, nous abordons désormais les horaires », explique un syndicaliste. Tout le monde sait cependant que le gros des efforts des personnels au sol proviendra de la réussite, ou pas, du plan de départs volontaires. Quant aux pilotes, toutes les mesures n'ont pas non plus été mises en ?uvre. Elles dépendent notamment du degré d'efforts que feront les autres catégories du personnel. Le syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) a en effet mis sur pied avec la direction un « observatoire de la transformation » pour évaluer le bon déroulé du plan Transform et avoir la certitude que « tout le monde produira les mêmes efforts », dit-on chez les pilotes. Nul doute que ces derniers étudieront de près l'accord signé mercredi 20 février par les syndicats d'hôtesses et de stewards (PNC, personnels navigants commerciaux), les seuls à avoir refusé de le signer l'été dernier. « Les économies sont quasiment les mêmes que celles qui avaient été inscrites l'été dernier, sauf que leur nature est différente. Il y a plus de mesures concernant la rémunération et moins sur la hausse de productivité », explique un syndicaliste PNC. Un « ouf » de soulagement pour la direction qui voit s'éloigner un risque majeur de conflit. Avec la fin de l'accord collectif, le 31 mars, elle comptait, en cas d'échec, imposer de manière unilatérale ses conditions pour obtenir ces fameux gains de 20%. Avec des risques très importants de grèves dures et coûteuses. Le PDG d'Air France, Alexandre de Juniac, a donc réussi à arracher des concessions aux trois catégories de personnel par la négociation. Ce n'était pas gagné il y a un an. Toutefois, les gains de productivité attendus entraînent de facto des sureffectifs importants, d'où essentiellement le plan de départs volontaires. La direction table sur 2767 salariés pour le personnel au sol, 187 personnes pour les pilotes, tandis que pour les PNC, dont l'ouverture éventuelle du guichet départs était conditionnée à un accord, il pourrait concerner plusieurs centaines de salariés.

Un plan suffisant?
De fait, 2012 n'apporte donc pas d'améliorations tangibles des comptes. « Les effets se ressentiront surtout cette année, et encore, 2013 ne récoltera pas le fruit de la totalité des efforts », reconnaît un administrateur. D'où des résultats 2012 une nouvelle fois dans le rouge. La perte d'exploitation s'élève à 300 millions d'euros (en amélioration de 53 millions par rapport à 2011), et la perte nette se creuse à 1,19 milliard en raison de plusieurs éléments exceptionnels. « Les analystes n'attendaient rien de spécial de 2012. Ce qui compte à leurs yeux, c'est 2013 », explique-t-on chez Air France.
Justement la question est sur toutes les lèvres.

Ce plan sera-t-il suffisant? Concocté à la fin de 2011, plusieurs de ses paramètres ont changé depuis. « Les hypothèses contextuelles, le niveau de croissance économique et le prix du baril de pétrole ne sont pas les mêmes que celles prévues dans le plan Transform », explique un administrateur. En outre la croissance en Europe continue de ralentir et 2013 s'annonce très difficile. « 2013 est une année clé pour Air France-KLM dans un contexte de retournement beaucoup moins favorable qu'anticipé il y a six mois, résume une source interne au groupe. Nous savons que la croissance en 2013 sera stable par rapport à 2012 alors qu'il y a six mois, nous pensions qu'elle serait supérieure grâce aux performances des États-Unis et de l'Asie. » Idem pour le pétrole. Alors que le budget 2013 tablait plutôt sur un prix moyen du baril autour de 110 dollars, il pointe depuis quelques semaines autour de 120 dollars.
Par ailleurs, certaines activités n'évoluent pas non plus comme prévu. « Nous avons toujours deux points faibles qui ont eu tendance à se dégrader en 2012 : les bases de province en particulier - l'activité court et moyen-courrier en général - et le cargo », explique un dirigeant. Lancées en octobre pour la première d'entre elles (Marseille), au printemps 2012 pour les deux autres (Nice et Toulouse), ces bases ont connu un sérieux retard au démarrage avec des coefficients d'occupation et des recettes unitaires inférieures aux prévisions. En 2012, les pertes se sont même creusées, dépassant les 100 millions d'euros enregistrés en 2011, alors que l'objectif était de les réduire à hauteur de 70 millions à 80 millions. L'ensemble du moyen-courrier d'Air France s'est dégradée. Les pertes qui s'élevaient à 500 millions en 2011 sont passées à près de 600 millions d'euros, faisant parallèlement augmenter celles de l'ensemble du groupe Air France-KLM à 800 millions, contre 700 millions en 2011.

Côté cargo, Air France-KLM a encore perdu 222 millions en 2012. Dans les deux cas, les surcapacités sont en cause. En outre, beaucoup au sein d'Air France restent pessimistes sur la réussite du plan de départs volontaires (PDV) des personnels au sol. « Si nous arrivons à 2000 ou 2200 personnes, ce sera déjà bien », regrette un proche du dossier. Selon lui, même si le PDV parvenait à attirer le nombre de volontaires souhaités (1840 dossiers étaient validés à la fin de janvier), le sureffectif se chiffrerait néanmoins entre 1000 et 2000 personnes, dont plusieurs centaines d'hôtesses et de stewards.

Quel avenir pour le cargo d'Air France
Dès lors, un nouveau tour de vis semble inévitable. En septembre 2013, « il sera difficile d'éviter des mesures complémentaires de réductions de coûts », reconnaît un dirigeant. Déjà prévue en avril, une autre baisse de capacités est donc fort probable sur les bases de province, « sans fermeture d'aucune d'elles ». Côté fret, la réduction de l'activité des avions « tout cargo », pour un recentrage encore plus prononcé du transport de marchandises dans les soutes des avions passagers, pourrait ainsi se poursuivre. Avec en filigrane la question du maintien du « tout cargo » à Air France. « Il faut bien examiner la formule de location d'appareils (avec équipages) à certains pics de l'année comme le fait British Airways », explique la même source.

Passation de pouvoir
Mais quel que soit le cas de figure, les mesures auront des répercussions sociales. Mais lesquelles? Des licenciements? Cela semble impossible. Le gouvernement français ne laisserait pas faire : avec encore 15% d'Air France-KLM, il reste le plus gros actionnaire. « Il ne laissera pas se créer un nouveau foyer de tensions dans l'Hexagone », assure un observateur. Par ailleurs, on voit mal Alexandre de Juniac, le PDG d'Air France, amené à remplacer Jean-Cyril Spinetta en 2014 à la tête d'Air France-KLM, se lancer dans une aventure aussi périlleuse à quelques mois du passage de témoin. Alors quelles mesures d'économies? « Il y a plusieurs possibilités, soupire un dirigeant. Réduire à nouveau les investissements, prolonger le gel des salaires, mettre en place un système de chômage partiel avec des baisses de salaires liées à la réduction d'activité... » Des mesures qui feront grincer des dents les salariés.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 8
à écrit le 25/03/2013 à 8:59
Signaler
inegalité des personnels face au PDV. j'aimerai partir mais cela m a été refusé car mon service est en sous effectif.les services en sureffectif sont donc récompensés de ne jamais avoir fait d'efforts depuis un certain nombre d'années.

à écrit le 22/02/2013 à 18:22
Signaler
YAKAFOCON, le soucis d'air France, c'est de régir trop tardivement, trop lentement. Comme nos politiques... Ils ont bien vu les low cost arriver sur leur marché. Mais personne ne croyait à ce modèle économique. Il ne fallait pas brusquer les bonnes h...

à écrit le 22/02/2013 à 17:01
Signaler
Le modèle économique d'AF est obsolète ! Ces concurrents, comme IAG, mais surtout Lufthansa ont développé des panels de produits annexes au "Core business" que constitue l'activité transport. Malheureusement, le contexte n'aidant pas, les dirigeants ...

le 22/02/2013 à 17:13
Signaler
Justement, les bons entendeurs attendent que vous développiez ces annexes juteuses... ça fait quand même un bail qu'on n'a pas rigolé dans cette industrie...

à écrit le 22/02/2013 à 13:30
Signaler
Bonne analyse de la situation à Air France..... on commence à avoir des éléments de réponse pour 2015 ... !!

le 22/02/2013 à 21:22
Signaler
oui et pas de le bon sens...

à écrit le 22/02/2013 à 12:45
Signaler
Qu?on mette les quinquas à la retraite, ils ont assez fait de ravages comme ça ! Il aurait fallu faire de la croissance pour créer des emplois. Au lieu de cela on préfère exploser le pays.

le 08/04/2013 à 12:54
Signaler
POURQOUI PAS FUSIONNER AVEC FLY EMIRATES NOTRE SOI-DISANT CONCURRENT

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.