
En temps normal déjà, la question des redevances aéroportuaires était électrique, les compagnies refusant depuis des années les hausses de tarifs facturées par les aéroports. Avec la crise sans précédent qui frappe tous les acteurs du transport aérien, le sujet ne peut qu'être explosif. La bataille des redevances revient sur le devant la scène.
Récemment, à l'occasion d'une commission consultative économique (cocoéco) qui s'est tenue avec les compagnies, ADP, le gestionnaire des aéroports parisiens, a proposé d'augmenter les redevances de 2,5% en 2021, provoquant l'ire de la quasi-totalité des transporteurs, Air France en tête.
Inacceptable pour les compagnies
Vendredi dernier, lors d'une réunion téléphonique avec les analystes financiers, la directrice générale d'Air France, Anne Rigail, a dénoncé cette proposition, en indiquant qu'il était difficile d'accepter une quelconque hausse des redevances.
"Nous demandons le gel des redevances", a-t-elle lancé.
Même son de cloche au sein des associations de compagnies aériennes. Pour la fédération nationale de l'aviation marchande (Fnam) et le syndicat des compagnies aériennes autonomes (Scara), cette hausse est "inacceptable".
"On ne peut pas avoir un fournisseur qui augmente ses redevances alors que le marché, en pleine crise, pousse à baisser le prix des billets d'avion", font-ils valoir.
Pour rappel, en raison de la gravité de la crise, le contrat de régulation économique (CRE) qui était censé définir dans un cadre pluriannuel un plafond de hausse des redevances à ne pas dépasser chaque année, a été suspendu. ll a laissé place à un système sans contrat dans lequel les évolutions tarifaires sont négociées chaque année en devant respecter les règles européennes en la matière. A savoir, précise un professionnel du secteur aéroportuaire, que les redevances couvrent le coût du service rendu pour l'aéroport (dans lequel le coût du capital est inclus), et que leur évolution soit modérée.
Autrement dit, tant qu'il ne couvre pas ses charges, un aéroport a théoriquement le droit d'augmenter les redevances, fait valoir la même source. L'application stricto sensu de ces critères ferait d'ailleurs exploser le niveau des redevances. Par exemple, l'application du coût moyen pondéré du capital retenu dans le contrat de régulation économique aujourd'hui caduc aurait entraîné une hausse de plus de 30%. Et même un coût moyen pondéré du capital très bas entraînerait des évolutions largement supérieures aux 2,5% proposés.
Problème, tempêtent les compagnies aériennes : avec la crise, la formule utilisée jusqu'ici n'a plus de sens. Le Scara demande notamment que les infrastructures qui sont fermées soient retirées de la base d'actifs régulés servant à calculer le montant des redevances
Pas de hausse pour les vols vers le Royaume-Uni malgré le Brexit
Pourquoi donc +2,5%?
"La hausse de 2,5% que nous proposons compense la perte d'opportunités liée au Brexit", explique Philippe Pascal, directeur général adjoint Finances, Stratégie et Administration du groupe ADP.
Le gestionnaire des aéroports parisiens a décidé de maintenir le statut "européen" des vols à destination du Royaume-Uni pour éviter qu'ils ne basculent, avec le Brexit, dans la tarification "vols internationaux", beaucoup plus chère. Ceci dans le but de maintenir l'attractivité de Paris une fois le Royaume-Uni hors d'Europe, précise Philippe Pascal.
Demandant une telle mesure comme son directeur général l'avait indiqué dans nos colonnes, Easyjet a apprécié. Contrairement aux autres compagnies qui ont voté contre la proposition tarifaire d'ADP, la low-cost britannique s'est abstenue.
A Lyon, Vinci propose une hausse de 9%
Reste à voir maintenant la position de l'autorité de régulation des transports. Cette dernière doit examiner la proposition d'ADP. En cas de refus d'homologation, ADP devra faire une deuxième proposition. En cas de deuxième refus, l'ART pourra les fixer elle-même.
ADP n'est pas le seul aéroport français à vouloir augmenter les redevances. A Lyon, le groupe Vinci a carrément proposé une hausse de 9% ! L'aéroport de Nice souhaite quant à lui une augmentation de 3%, mais cette proposition vient après une baisse de 33% imposée l'an dernier par le régulateur. Toulouse a de son côté proposé le gel de ses redevances. La position de Marseille et Bordeaux n'est pas encore connue.
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