Biocarburants aériens : TotalEnergies vise une production de masse au Japon avec Eneos

Principal vecteur pour la décarbonation aérien, les carburants aériens durables (SAF) restent marginaux en raison d'une production encore embryonnaire. Déjà présent sur ce marché en France, bien qu'avec un volume encore faible, TotalEnergies en profite pour chasser à l'international et vient de s'allier avec le groupe japonais Eneos pour implanter une unité de production à proximité de Tokyo. Si le projet se concrétise à l'horizon 2025, il permettra une première production de masse dans l'archipel nippon.
Léo Barnier
TotalEnergies s'allie avec Eneos pour la production de carburant aérien durable au Japon.
TotalEnergies s'allie avec Eneos pour la production de carburant aérien durable au Japon. (Crédits : Reuters)

Déjà investi dans le développement de plusieurs sites de production de carburants aériens durables (SAF) en France, TotalEnergies vient de s'associer avec le groupe japonais Eneos Corporation en vue d'établir une unité de production de masse au Japon. Celle-ci disposerait d'une capacité de production de 300.000 tonnes, soit autant que l'ensemble de la production de TotalEnergies en France. La création d'une coentreprise entre les deux partenaires pour porter ce projet est à l'étude.

Il ne s'agit pour l'instant que d'évaluer la faisabilité du projet, notamment sur l'approvisionnement et la production de SAF au sein de la raffinerie Negeshi d'Eneos, choisie pour accueillir la future unité de production. Les études ont déjà été engagées par les deux partenaires qui misent sur des procédés de production à partir d'huiles de cuisson usagées et de graisses animales. Sur la partie approvisionnement, Eneos a également conclu un partenariat avec le groupe financier Nomura.

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Un tiers des besoins japonais de 2030

Cette annonce arrive quelques semaines après la décision du ministère japonais de l'Aménagement du territoire, des Infrastructures, des Transports et du Tourisme de fixer un objectif d'incorporation de 10 % de SAF d'ici 2030. Sachant que le pays consommait environ 10 millions de tonnes de kérosène par an avant la crise, cela nécessite une production de l'ordre du million de tonnes.

Si les études de faisabilité s'avèrent concluantes et que le projet voit le jour, le site de Negishi pourrait donc contribuer à cet objectif à hauteur de 300.000 tonnes par an à partir de 2025. Situé dans le port de la ville de Yokohama, près de Tokyo, il présente l'avantage d'être à proximité des aéroports internationaux de Tokyo-Narita et Tokyo-Haneda et intégrée au réseau de distribution domestique de kérosène d'Eneos au Japon.

Negishi se classerait ainsi dans les unités de production de grande taille, se rapprochant de la raffinerie de Rotterdam qui doit atteindre une capacité de 500.000 tonnes par an d'ici fin 2023. Il reste néanmoins loin de la raffinerie géante de Singapour, qui doit produire jusqu'à un million de tonnes par an à partir de l'année prochaine. Les unités de Rotterdam et Singapour sont exploitées par l'entreprise finlandaise Neste, leader du secteur.

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Loin devant La Mède ou la Normandie

De même, le site japonais offrirait à lui seul autant de capacité de production de SAF que l'ensemble des unités dédiées de TotalEnergies en France. Dans une présentation aux analystes tenue fin mars, Patrick Pouyanné, PDG du groupe pétrolier, annonçait son objectif de produire 300.000 tonnes de SAF par an en 2024 (sur un objectif de 5 millions de tonnes de biocarburants en 2030, tous secteurs confondus). Cette production proviendra de plusieurs unités réparties entre les raffineries de La Mède, de Normandie et de Grandpuits.

Les deux premières ont déjà démarré leur activité, l'une en 2021 et l'autre il y a quelques semaines. TotalEnergies assure qu'elles permettront à Total de couvrir la demande de SAF en France, où un taux d'incorporation de 1 % est en vigueur depuis le début de l'année. Dans les faits, le compte n'est pas encore là. Assez largement, les compagnies aériennes françaises indiquent que, pour l'instant, les quantités de carburant durable disponibles sont insuffisantes pour couvrir cette obligation. Elles se préparent donc à devoir payer en contrepartie la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants (Tirib) - celle-ci pèse sur les distributeurs, mais les compagnies s'accordent à dire que le surcoût sera répercuté sur leur facture carburant.

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L'apport de Grandpuits attendu en 2024

L'ouverture de Grandpuits en 2024 apportera un bol d'air, avec une capacité de production annuelle de SAF de l'ordre de 170.000 tonnes. Moyennant un investissement de 500 millions d'euros, dont 200 millions pour les seuls SAF, elle doit permettre à TotalEnergies de changer d'échelle et d'atteindre son objectif de 300.000 tonnes par an.

C'est en théorie largement suffisant pour couvrir les besoins français jusqu'à la fin de la décennie. En se basant sur les chiffres de consommation d'avant la crise - soit entre 6,5 et 7 millions de tonnes de carburéacteur par an en France - il faut environ 70.000 tonnes de SAF par an pour couvrir le mandat actuel de 1 %. Le double sera nécessaire en à partir de 2025, avec l'entrée en vigueur du mandat européen de 2 % dans le cadre du Pacte vert européen.

La production devra ensuite largement s'accélérer pour couvrir les mandats suivants : 5 % en 2030 et 20 % en 2035... l'Union européenne ayant fixé un objectif d'incorporation de 63 % en 2050.

Léo Barnier

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