"La survie d'Airbus est en jeu". Le patron du groupe aéronautique et de défense européen n'y est pas allé par quatre chemins pour résumer aux salariés la situation à laquelle le groupe est confronté.
"Il s'agit d'une crise mondiale d'une magnitude jamais connue par notre génération. Malheureusement, l'industrie aéronautique se relèvera beaucoup plus faible et plus vulnérable qu'avant le début de la crise", a-t-il écrit aux salariés du groupe dans un courrier dévoilé par l'agence Reuters que La Tribune s'est également procuré.
Représentant le gros de son activité, sa branche de construction d'avions commerciaux est gravement menacée par la crise sans précédent qui frappe le transport aérien, aujourd'hui quasiment à l'arrêt à cause du Covid-19. À genoux, ne sachant pas si elles seront encore vivantes demain, les compagnies aériennes surveillent leur cash comme le lait sur le feu. L'heure est davantage aux reports de livraisons d'avions et aux annulations de commandes qu'à la réception des avions ou aux prises de commandes. Même quand le trafic reprendra, les compagnies devront se remettre de ce choc sans précédent et prendront du temps avant d'investir comme elles le faisaient jusqu'ici. La reprise sera en effet progressive. Par exemple, Ben Smith, le directeur général d'Air France-KLM, ne prévoit pas un retour de l'activité pré-crise avant 2022. Pour les constructeurs, cela pourrait être encore plus tard.
Baisse d'un tiers la production
Il y a deux semaines, Airbus a déjà réduit sa production d'un tiers. Mais une baisse supplémentaire pourrait être décidée.
Guillaume Faury a voulu préparer les esprits :
"Nos nouveaux plans de production sur la partie aviation commerciale reflètent la gravité de l'impact de la crise sur nos clients et l'ampleur des risques encourus par Airbus et par nos fournisseurs. Les taux de production de nos avions sont maintenant de 30 à 35% inférieurs à nos plans précédents. En d'autres termes, en seulement quelques semaines, nous avons perdu environ un tiers de notre activité. Oui, un tiers. Et, franchement, nous devons nous préparer à ce que cela puisse encore empirer", écrit-il.
Selon lui, ce nouveau planning de production "restera valable le temps de finaliser notre évaluation de la situation et d'en tirer les conséquences". "Cela prendra probablement entre deux et trois mois", ajoute-t-il.
Vu les perspectives du marché long-courrier, des baisses de cadence supplémentaires de la production de gros-porteurs (A330-A350) sont à attendre. Ce qui n'est pas une bonne nouvelle pour les sites toulousains de l'avionneur qui regroupent la totalité de la production d'avions long-courriers. La baisse de production devrait être beaucoup moins forte sur la famille A320.
"Airbus pourrait ne pas retrouver le niveau de production qui était le sien en 2019 avant 2024", estime Yan Derocles, analyste chez Oddo BHF.
"La trésorerie diminue à une vitesse sans précédent"
La chute de la production entraîne une chute drastique des recettes alors que les coûts restent élevés malgré la prise en charge dans certains États du chômage partiel.
"Notre trésorerie diminue à une vitesse sans précédent, ce qui peut menacer l'existence même de notre entreprise", déclare Guillaume Faury.
Le groupe a récemment obtenu des lignes de crédit supplémentaires à hauteur de 15 milliards d'euros. Une enveloppe qui "donne la flexibilité et le temps nécessaires pour adapter et redimensionner notre activité", explique Guillaume Faury pour qui il faut "agir de toute urgence pour réduire nos dépenses, rétablir notre équilibre financier et, au final, reprendre le contrôle de notre destin".
Baisse des coûts
Aussi, ce dernier prévient qu'il faudra faire des efforts.
"Nous devrons peut-être aussi prévoir des mesures de plus grande envergure à cause de l'ampleur de cette crise et de sa durée probable [...]. Nous devons absolument réduire nos coûts [...] et considérer toutes les options. La survie d'Airbus est en jeu si nous n'agissons pas maintenant", prévient-il.
La baisse d'activité va de facto générer du sureffectif. Sa pyramide des âges favorable peut néanmoins compenser un impact qui, dans tous les cas, s'annonce très lourd.
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