Environ 300 personnes ont battu le pavé ce samedi à Rouen à l'appel de plusieurs syndicats rejoints par des gilets jaunes pour protester contre l'entrée en vigueur, le 1er septembre, d'une Zone à Faibles Emissions (ZFE) dans 13 communes volontaires de l'agglomération -dont la ville centre. A l'origine de ce mouvement, la décision de la Métropole d'interdire, dès cette année, non seulement les véhicules particuliers classés Crit'air 5 mais aussi ceux plus récents nantis d'une vignette Crit'air 4. Autrement dit, toutes les voitures diesel de plus de 16 ans d'âge.
Rouen est la deuxième des grandes agglomérations soumises à l'obligation d'une ZFE à proscrire les vignettes Crit'air 4 avant même Grenoble, la ville dirigée par le maire écologiste Eric Piolle, qui ne le prévoit pas avant un an et demi. Jusqu'ici seule Anne Hidalgo à Paris s'était risquée à prendre une mesure aussi restrictive pour les particuliers, tout en l'assouplissant les week end et après 20 heures. Rouen lui emboîte donc le pas 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 au nom de la lutte contre la pollution atmosphérique. « Si nous avons fait ce choix, c'est que notre point de départ, celui à partir duquel la trajectoire d'amélioration est calculée, est très mauvais pour ne pas dire nul », argumente Nicolas Mayer Rossignol, maire et président de la Métropole pour justifier sa décision.
La capitale administrative de la Normandie dépasse en effet régulièrement les seuils acceptables de pollution aux particules fines et aux oxydes d'azote (les deux types de polluants ciblés par les ZFE) tels qu'ils sont fixés par l'Organisation Mondiale de la Santé. En pressant l'allure, le patron de l'exécutif métropolitain espère pouvoir satisfaire les objectifs de réduction d'émissions que lui dicte la loi. « Si nous faisons l'autruche et ne respectons pas ces objectifs, l'Etat nous imposera une interdiction aux Crit'air 3 dès le 1er janvier 2025 », prévient-il.
Zone de Franche Exclusion pour les opposants
Ces arguments semblent laisser de marbre les opposants, vent debout contre une mesure considérée par beaucoup comme discriminatoire. « ZFE = Zone de Franche Exclusion », pouvait-on lire sur les pancartes samedi lors de la manifestation. La décision de la Métropole est également mise en cause dans deux pétitions : l'une lancée par une rouennaise appuyée par 3.000 signataires réclame le report de la ZFE en 2023, l'autre émane de plusieurs militants de la NUPES soutenus par 2.200 personnes et veut sa suspension pure et simple. Des voix s'élèvent aussi plus à droite de l'échiquier politique. « Vous vous trompez et les plus pauvres vont payer », tance le député Renaissance de Seine-Maritime, Damien Adam, dans une lettre ouverte à Nicolas Mayer Rossignol.
Face à cette levée de boucliers, l'exécutif métropolitain multiplie les gestes d'apaisement. Il vient ainsi de décider d'accorder deux ans de transport public gratuit à qui mettra son vieux véhicule au rebut, en complément des mesures d'accompagnement déjà actées. A cet exercice, l'agglomération n'a pas lésiné. Elle a mis 40 millions d'euros sur la table pour aider ses administrés les moins argentés à basculer vers des voitures électriques ou essence classées Crit'air 1. « Ce sont les plus généreuses de France », assure son président. Dans ces conditions, pas question à ce stade pour l'intéressé d'opérer une marche arrière. « Je suis bien conscient des difficultés mais regardons comment cela fonctionne jusqu'en mars (date à laquelle tomberont les premières contraventions, ndlr) et on verra », explique t-il.
Pour les élus écologistes de sa majorité, c'est tout vu. Eux suggèrent déjà de relever le seuil d'obtention des aides au-delà de 20.000 euros par part fiscale « pour les classes moyennes du périurbain ». Ils proposent également d'exempter les automobilistes de plus de 75 ans et d'instaurer la gratuité des transports publics le dimanche pour tous et toute la semaine pour les moins de 25 ans. « La Métropole doit prendre toute la mesure de la difficulté collective dans laquelle nous plonge l'arbitraire de l'Etat », insistent-ils dans un communiqué tout en invitant la collectivité à « mieux communiquer ».
Nice, Montpellier ou Lyon qui banniront à leur tour les vignettes Crit'air 4 pour les véhicules particuliers à compter de janvier 2024 savent à quoi s'attendre : la route est droite mais la pente est rude comme le disait un ancien premier ministre.
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