C'est un enjeu majeur de santé publique. Un outil de lutte contre les oxydes d'azote et les particules fines émis principalement par le trafic routier. Un levier créé par la loi sur la transition énergétique et pour la croissance verte, dite loi Royal de 2015, pour limiter la circulation des véhicules les plus polluants à l'intérieur des agglomérations.
Déjà instaurées dans les métropoles du Grand Paris, de Grenoble, du Grand Lyon, mais aussi de Rouen, de Reims, de Nice, de Toulouse et de Saint-Etienne, les zones à faibles émissions-mobilité (ZFE-mobilité) vont se multiplier depuis la promulgation de la loi "Climat et Résilience" le 24 août 2021. D'ici à fin 2024, 33 nouvelles agglomérations de pus de 150.000 habitants seront concernées.
Mais, sans attendre cette échéance, face à la grogne des automobilistes, ces restrictions connaissent déjà des ajustements de calendrier. Le 1er février dernier, la métropole du Grand Paris a annoncé le report de l'entrée en vigueur de la troisième étape de juillet 2022 à début 2023, c'est-à-dire pour les véhicules essence immatriculés avant le 1er janvier 2006 et les diesel avant le 1er janvier 2011. La Métropole du Grand Paris se disant dans l'attente d'un prêt à taux zéro de l'Etat.
A l'inverse, la métropole du Grand Lyon accélère : après l'instauration de la ZFE-m pour les véhicules professionnels classés Crit'Air 5,4 et 3, elle vient de voter l'élargissement, pour la première fois, aux véhicules particuliers Crit'Air 5 et non classés, d'ici à six mois. Soit dès septembre 2022. Avec l'ambition de sortir du diesel à l'horizon 2026.
Pour l'heure, le format choisi se veut néanmoins "pédagogique" puisqu'au cours des quatre prochains mois, aucune contravention ne sera délivrée, le temps "d'informer" mais aussi de déployer les aides prévues à destination des foyers les plus modestes. Une mesure contestée cependant sur place par l'opposition, qui évoque une "zone à forte exclusion".
Alors faut-il accélérer le rythme ?
Oui, il faut avancer dans cette direction, d'abord parce que la loi nous l'impose, face aux décès prématurés causés par la pollution. Nous sommes arrivés à une situation ubuesque, où, lorsqu'on étudie la situation des 11 grandes agglomérations françaises, on reconnaît les dégâts causés par la pollution atmosphérique, mais l'Etat a attendu d'être condamné à des astreintes de 10 millions d'euros par semestre, de la part du Conseil d'Etat, pour agir. Cela devrait au contraire nous inciter à agir plus vite.
Dès la mandature précédente, la nécessité de faire de la pédagogie, de communiquer et de donner de la visibilité avait été annoncée : cela a été fait, mais sans provoquer de changement de comportement. Pour autant, des signaux intéressants ont été enregistrés, j'en veux pour preuve le renouvellement du parc automobile français, avec une chute incroyable des ventes diesel. Aujourd'hui, il est urgent de transformer ces engagements en actes et non d'attendre comme le disent les opposants à la mise en place de la ZFE-m.
Pour accompagner les citoyens, la Métropole de Lyon a fait le choix de la concertation publique et a recueilli des avis et des propositions, au lieu de mettre sur la table un dispositif préconçu. Le premier niveau de réponse repose sur des dérogations, destinées aux situations complexes. Ensuite, des mesures comme la création d'une agence de transition des mobilités, des aides à l'achat, un recours renforcé aux transports en communs ou aux modes doux, seront là pour accompagner ces évolutions. Par aileurs, les surcoûts liés au passage à la voiture électrique pourront, eux aussi, être largement compensés par les tarifs de l'énergie, moins onéreux au kilomètre, ce qui générera en bout de ligne de vraies économies pour les foyers. Car l'un des objectifs de la ZFE-m n'est pas uniquement de réduire la pollution, c'est aussi de faire évoluer nos modes de déplacements. Par conséquent, nous devons continuer à nous projeter car la sortie du diesel d'ici à 2026 fait aussi partie des impératifs. Il faut déjà réfléchir à l'étape d'après, à savoir la neutralité carbone qui s'impose, même avec l'essence. Tout l'enjeu étant de déterminer à quelle vitesse nous pourrions l'atteindre. La candidature de Lyon au programme européen des 100 villes neutres pour le climat d'ici 2030 va d'ailleurs dans ce sens.
Le constat est sans appel, le transport est le secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre (GES) et il convient de le décarboner. Certes, la zone à faible émission mobilité (ZFE-m) constitue un moyen pour atteindre cet objectif. Cependant, à trop agir dans l'urgence, on contraint, on exclut et on se détourne de nos objectifs. Dans cet esprit, rapporteur du volet transport de la loi Climat, je souhaitais revoir le schéma de restriction, décaler la date de mise en œuvre de l'obligation et mettre en place un régime de dérogation.
Je ne nie pas l'urgence à agir, mais je prône une écologie réaliste et acceptable pour nos concitoyens. Le réalisme nous oblige. En effet, crier l'urgence ne résoudra pas nos lacunes en matière de contrôle. Nous ne saurions mettre en place des ZFE-m sans avoir les moyens de contrôle adéquats qui ne sont pas opérants aujourd'hui. Sans mécanisme de contrôle, la ZFE-m deviendrait inefficace. En témoigne ainsi la décision de la Métropole du Grand Paris de décaler d'une année la mise en place de la ZFE-m, le temps que les outils de contrôle soient pleinement effectifs.
L'acceptabilité sociale est une condition essentielle. Je concède volontiers que les comportements doivent changer. Cependant, une transition écologique ne saurait se faire sans acceptabilité sociale. Cette dernière passe par une maturité technologique et un prix du marché abordable que la France est loin de pouvoir offrir. La ZFE-m a en effet pour objet de restreindre les possibilités de déplacement de nos concitoyens qui ont un véhicule thermique émetteur de GES.
Or, au regard du prix des technologies décarbonées, les véhicules thermiques demeurent toujours plus compétitifs. Leurs propriétaires sont généralement ceux ne pouvant pas financièrement obtenir un véhicule propre. La faible maturité technologique ne permet pas de produire ces véhicules à faible coût. Dès lors, la ZFE-m a pour inconvénient d'exclure certains de nos concitoyens, sans leur proposer d'alternative financièrement viable.
En tant que rapporteur, j'ai obtenu de haute lutte, et contre l'avis du Gouvernement, la mise en place d'un prêt à taux zéro pour l'acquisition d'un véhicule propre, corollaire, à mon sens, indispensable à une transition juste. Cette mesure malheureusement repoussée dans le temps, apportera un véritable soutien.
En conclusion, je reste résolument conscient de la nécessité d'une transition écologique, mais je fais le choix d'une ZFE-m réaliste, acceptable, non culpabilisatrice. À l'exclusion, je préfèrerai toujours l'accompagnement.
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