P&O : après les licenciements, les autorités britanniques ouvrent des enquêtes pénale et civile

Des enquêtes sur le plan pénal et civil ont été lancées par les autorités britanniques contre la compagnie de ferries P&O, qui a récemment licencié 800 marins anglais. Le gouvernement britannique avait promis d'agir, Boris Johnson ayant annoncé la semaine dernière vouloir emmener l'entreprise sur le terrain judiciaire. Londres a par ailleurs dévoilé cette semaine une série de mesures destinées à garantir les conditions de travail et de sécurité sur les ferries. La colère ne retombe néanmoins pas du côté des travailleurs du secteur et des syndicats, qui continuent de manifester.
Le Service de l'insolvabilité, une agence du gouvernement britannique, a indiqué dans un communiqué « avoir ouvert des enquêtes pénales et civiles sur les circonstances entourant les récents licenciements effectués par P&O Ferries ».
Le Service de l'insolvabilité, une agence du gouvernement britannique, a indiqué dans un communiqué « avoir ouvert des enquêtes pénales et civiles sur les circonstances entourant les récents licenciements effectués par P&O Ferries ». (Crédits : PETER CZIBORRA)

Dix jours après avoir annoncé qu'elles engageaient des poursuites judiciaires à l'encontre de la compagnie P&O, les autorités britanniques ont lancé des enquêtes au plan à la fois pénal et civil. Le Service de l'insolvabilité (The Insolvency Service), une agence du gouvernement chargée notamment de poursuivre les auteurs d'infractions et fraudes diverses au nom du ministère des Entreprises, a indiqué dans un communiqué « avoir ouvert des enquêtes pénales et civiles sur les circonstances entourant les récents licenciements effectués par P&O Ferries ».

L'agence a été saisie par le ministre des Entreprises Kwasi Kwarteng, selon une lettre publiée par ce dernier sur Twitter.

« Le ministre des Transports Grant Shapps et moi-même allons continuer de suivre ce dossier de près, à mesure que les enquêtes progressent », a-t-il ajouté dans un tweet.

Évaluation de la conduite du Pdg, Peter Hebblethwaite

Grant Shapps avait de son côté annoncé mercredi 30 mars avoir chargé le Service de l'insolvabilité, également compétent en cas d'inconduite de dirigeants d'entreprise, d'examiner si le patron de la compagnie de ferries P&O Peter Hebblethwaite devait être écarté de son poste.

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Pour rappel, le 17 mars dernier, P&O, qui opère d'ordinaire des liaisons entre la France, la Grande-Bretagne, l'Irlande et les Pays-Bas et revendique 10 millions de passagers par an, a licencié du jour au lendemain 800 marins et les a remplacé par des travailleurs externalisés payés largement sous le salaire minimum britannique. Une décision justifiée par la compagnie, répétant que son modèle de coûts actuel n'était pas tenable et que l'entreprise, qui a été frappée de plein fouet par la pandémie et l'effondrement des voyages internationaux, perdait 100 millions de livres par an.

Manifestations en série

Depuis deux semaines, des liaisons de P&O sont en tout cas suspendues et deux de ses navires ont été immobilisés par les autorités pour raisons de sécurité.

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La colère ne retombe pas en Angleterre depuis l'annonce des licenciements. Les manifestations s'enchaînent, les syndicats sont mobilisés et le gouvernement a promis d'agir pour mettre fin à ces pratiques et obtenir le départ du directeur général Peter Hebblethwaite.

La loi enfreinte en connaissance de cause

Ce dernier a estomaqué une commission parlementaire en expliquant que les dirigeants de P&O avaient enfreint la loi en connaissance de cause, se passant de négociations syndicales pourtant obligatoires. P&O explique avoir outrepassé l'obligation de négociations en décidant de payer directement le maximum de pénalité risqué au tribunal. Cela représente un total de plus quelque 40 millions de livres.

Depuis, P&O et leur maison mère DP World basée à Dubaï, se font qualifier tour à tour de gangsters, pirates ou capitalistes sauvages. Près de 200 syndicats internationaux de transport maritime et 10.000 travailleurs du secteur lui ont écrit mercredi 30 mars pour protester contre le licenciement sec des 800 marins. Une nouvelle manifestation à ce sujet a eu lieu jeudi 31 mars à Liverpool, et une autre est prévue ce samedi 2 avril en Ecosse.

Néanmoins, beaucoup d'employés limogés ont signé un accord de licenciement leur interdisant de s'exprimer sur l'affaire. Certains ont refusé, comme John Lansdown, qui fut sous-chef chez P&O pendant environ 24 ans. Il a expliqué à l'AFP que, après deux semaines « dévastatrices », il veut continuer à se battre. « Je vais porter plainte, et j'aimerais que les syndicats également poursuivent vigoureusement » P&O pour réclamer justice.

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« Salaires de pauvreté »...

P&O a paniqué tout le Royaume-Uni en expliquant que les nouveaux employés de ses bateaux, fournis par une agence d'externalisation, seraient payés en moyenne 5,5 livres par heure. Les employés limogés, essentiellement britanniques ou irlandais, étaient payés, eux, au-dessus du salaire minimum (9,50 livres par heure à partir du 1er avril).

Le directeur général de P&O a décrit les nouveaux salaires à 5,5 livres comme « compétitifs » dans le transport maritime international. Un point de vue que ne partage pas Daren Ireland, responsable régional du syndicat sectoriel RMT, qui, interrogé par l'AFP,  les qualifie de « salaires de pauvreté ».

... et manières brutales

Pour lui, ce sont surtout « les manières brutales » de P&O qui ont indigné : notification par Zoom pour plusieurs centaines d'employés, certains escortés par des agents de sécurité équipés de menottes...

L'entreprise s'est justifiée en disant qu'elle perdait 100 millions de livres par an à cause de la pandémie de Covid-19, qui a décimé les voyages internationaux pendant environ un an et demi, et qu'elle devait trancher dans ses coûts au risque de devoir licencier ses 2.200 employés restants.

Daren Ireland rétorque que P&O a profité des subventions gouvernementales pendant la pandémie pour maintenir les emplois, et maintenant licencie malgré tout.

Les nouveaux employés sont généralement étrangers, embauchés par les sociétés d'externalisation en Inde, Philippines, Colombie ou autres pays à bas salaires. Emmenés par avion au Royaume-Uni, ils restent à bord des navires pendant plusieurs semaines d'affilée, et donc techniquement en territoire international, ce qui permet de les rémunérer très en deçà des niveaux européens.

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Londres prône un salaire minimum dans le transport maritime européen

Le ministre des Transports Grant Shapps a dévoilé mercredi 30 mars devant le Parlement britannique une série de mesures destinées à garantir les conditions de travail et de sécurité sur les ferries circulant au départ ou à l'arrivée du Royaume-Uni ou à l'intérieur du pays.

Les contrôles seront renforcés, tant au niveau des conditions de travail que de la sécurité sur les navires, a prévenu le ministre. Par ailleurs, les entreprises n'ayant pas fait d'efforts de négociations raisonnables avant de mettre en œuvre des licenciements pour réembaucher de la main-d'œuvre moins chère pourront se voir infliger une majoration de 25% des indemnités de licenciement, a-t-il encore annoncé.

Le ministre des Transports compte notamment donner aux ports britanniques le pouvoir de refuser l'accès aux compagnies de ferries qui ne paieraient pas leurs employés au salaire minimum. Mais les représentants portuaires ont affirmé que c'était impossible à mettre en place.

C'est « bien trop peu, bien trop tard », a immédiatement taclé le secrétaire général du syndicat sectoriel RMT Mick Lynch dans un communiqué, appelant le gouvernement à « des réformes plus rapides et plus radicales pour sauver les marins britanniques ». Selon Daren Ireland, « ils auraient pu décider de régulations d'urgence, faire une injonction contre P&O ».

Et d'ajouter :

« Le problème, maintenant, c'est surtout : qu'est-ce qui empêche un autre employeur de faire pareil ? »

Londres a par ailleurs annoncé également son intention de plaider auprès de l'Organisation internationale du Travail (OIT) pour établir un ensemble de principes communs pour les travailleurs maritimes, dont un salaire minimum et un cadre mondial pour la formation des marins. Le ministre des Transports a encore annoncé des réformes pour faciliter l'immatriculation des navires au Royaume-Uni et améliorer l'attractivité du pavillon britannique.

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(Avec AFP)

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Commentaire 1
à écrit le 02/04/2022 à 9:31
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Merci pour cette information venant du pays libéré du joug européiste. Il est évident qu'avec moins de pouvoir financier, le pouvoir politique a un peu plus de marge de manœuvre afin de s'occuper de son peuple et non uniquement de ses seuls riches qu...

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