Ryanair, Easyjet, Wizzair : la part des revenus annexes bondit

Après l'embellie de l'été dernier, les compagnies à bas coût européennes ont poursuivi leur reconquête du trafic au cours du dernier trimestre 2021. Passagers, capacités, vols, taux de remplissage, tous les facteurs opérationnels sont en forte augmentation. Pour autant, la situation économique reste fragile dans l'ombre du variant Omicron. Une tendance se dégage : la part des revenus auxiliaires dans les recettes continue de progresser dans les trois compagnies. Ils tirent la remontée du chiffre d'affaires alors que le prix moyen des billets reste inférieur au niveau d'avant la crise. Décryptage.
Léo Barnier
Ryanair a repris son avance dans le low cost européen.
Ryanair a repris son avance dans le low cost européen. (Crédits : WOLFGANG RATTAY)

Le trafic est là, les bénéfices attendront. Ryanair, Easyjet, Wizzair, les trois grandes compagnies low cost européennes indépendantes, ont terminé l'année 2021 en forte progression dans la lignée du redémarrage amorcé pendant la période estivale, notamment vers le sud de l'Europe. Elles ont multiplié par au moins trois leurs passagers par rapport à l'an dernier. Elles restent pourtant toutes trois déficitaires sur le dernier trimestre avec des coûts opérationnels qui se sont également envolés.

Avec 31 millions de passagers entre octobre et décembre 2021, Ryanair est incontestablement la compagnie qui se remet le plus vite parmi les trois citées. C'est près de 4 fois plus que pour la même période en 2020. C'est surtout 86 % du trafic de 2019. En face, Easyjet a elle aussi multiplié son trafic par 4 en un an mais en partant de beaucoup plus bas : avec 12 millions de passagers, elle a retrouvé à peine plus de la moitié de son activité pré-crise. Enfin Wizzair se montre également dynamique avec trois fois plus de passagers que fin 2020 et 78 % de niveau de 2019, mais dans un volume plus modeste de l'ordre de 8 millions de voyageurs transportés.

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Les revenus auxiliaires dopent les résultats

Cette amélioration du trafic s'est répercutée directement sur le chiffre d'affaires. Ryanair et Easyjet ont même vu leur chiffre d'affaires croître plus rapidement que leur nombre de passagers. La compagnie irlandaise l'a multiplié par plus de 4 pour atteindre 1,5 milliard d'euros. La compagnie a ainsi les trois quarts de ses revenus de 2019. Sa concurrente britannique est là aussi encore plus dynamique en multipliant quasiment par 5 ses recettes, pour atteindre 960 millions d'euros. Mais comme pour son trafic, elle retrouve à peine plus de la moitié de son chiffre d'affaires avant-crise. La situation est plus compliquée pour Wizzair, dont les revenus ont progressé moins vite que son nombre de passagers. Ils plafonnent ainsi à 408 millions d'euros, soit un peu moins deux tiers de son niveau de fin 2019.

En dépit de ces différences, une tendance claire se dégage : la part des revenus auxiliaires dans les recettes continue de progresser dans les trois compagnies. Ils tirent la remontée du chiffre d'affaires alors que le prix moyen des billets reste inférieur au niveau d'avant la crise. Le phénomène est flagrant pour les deux compagnies ultra low cost. Chez Ryanair, lors du dernier trimestre, les revenus auxiliaires ont atteint 22 euros par passager, soit 8% de plus qu'il y a deux ans, lorsque le billet moyen est à 25 euros (-24 %). Si la tendance se poursuit, ils pourraient bientôt représenter plus de la moitié du chiffre d'affaires. C'est déjà le cas chez Wizzair depuis plus d'un an, mais la tendance s'accélère encore. Les revenus auxiliaires continuent de croître plus rapidement que les recettes issues des billets jusqu'à atteindre 60 % du chiffre d'affaires fin 2021. En dépit d'un modèle différent, la tendance est tout aussi palpable chez Easyjet qui fait évoluer son offre en la matière. Les revenus auxiliaires ont représenté le tiers des recettes lors du dernier trimestre. C'était à peine 21 % il y a deux ans.

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Des pertes généralisées

Malgré ce faisceau d'indicateurs positifs, aucune des trois compagnies n'a réalisé de bénéfices nets ou opérationnels lors du dernier trimestre. Même si la période est moins favorable que l'été, les trois low cost avaient l'habitude d'y être rentable, comme ce fut le cas en 2019. Le tableau n'est pas catastrophique : Ryanair comme Easyjet ont largement amélioré leurs performances par rapport à fin 2020, avec des pertes opérationnelles divisées par deux. Mais la compagnie irlandaise a tout de même perdu encore 117 millions d'euros quand la britannique en a perdu 256 millions. La situation est moins évidente pour Wizzair, la seule qui a accru ses pertes à 214 millions d'euros, 50 % de plus que l'année passée.

Ce manque de rentabilité tient sensiblement à la hausse des coûts, forte pour les trois compagnies : +73 % pour Easyjet, +113 % pour Wizzair et + 136 % pour Ryanair. Cette envolée tient à plusieurs facteurs. Tout d'abord, les trois opérateurs se sont évertués à redéployer de la capacité pour capter la croissance du trafic, provoquant donc une remontée significative des coûts variables. Pour autant, ils n'ont pas réussi à retrouver les taux de remplissage nécessaires à la rentabilité du modèle. Là où leurs avions étaient remplis entre 91 et 95 % à l'automne 2019, les taux du dernier trimestre tournaient entre 77 et 84 %.

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Omicron est passé par là

Bien qu'elle soit la mieux lotie, Ryanair y voit l'impact direct de la survenue du variant Omicron à partir de fin novembre et de "l'hystérie médiatique" qui a suivi, provoquant le retour des contraintes sanitaires. Une situation qui a émoussé le pic de trafic attendu pendant les fêtes et les prix. La compagnie estime ainsi avoir perdu 1,5 million de passagers potentiels. Si on excepte la charge contre les médias, le son de cloche est identique chez Easyjet qui estime avoir perdu trois points de remplissage. En revanche Wizzair estime avoir bien réussi sur ce pic des fêtes de fin d'année en dépit de l'épidémie, avec des pointes parfois supérieures à celles de 2019.

Dans cette remontée des coûts variables, le carburant a pesé lourd en dépit des mécanismes de couverture carburants. Avec une couverture de 60 % jusqu'au 30 septembre à hauteur de 504 dollars la tonne (pour un prix spot de 840 dollars le 26 janvier), Easyjet semble s'en être bien sortie. Wizzair estime pour sa part que le prix moyen de son carburant, incluant sa couverture, a doublé par rapport à l'année précédente pour atteindre 718 dollars la tonne. Une envolée qui a en partie gommé ses efforts fait pour réduire fortement ses coûts unitaires. Ryanair pointe aussi l'envolée des prix du kérosène, ainsi que des charges liées au contrôle aérien, aux redevances d'aéroports et à l'assistance en escale.

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Une croissance encore hypothéquée par l'épidémie

Pour ce début d'année, la tendance devrait rester à peu près la même avec les effets d'Omicron qui se sont prolongés au mois de janvier. Ryanair, qui avait pris les devant en réduisant sa capacité de 33 %, estime avoir perdu 3 à 4 millions de passagers sur les 10 millions espérés précédemment. Easyjet a également réduit la voilure et devrait remonter doucement en puissance au cours du trimestre. L'impact de la pandémie devait continuer à se faire sentir en février et possiblement début mars, avec un fort niveau d'incertitude. De fait Wizzair s'attend à une perte opérationnelle un peu plus importante que pour le trimestre écoulé. La hausse de capacité des trois compagnies devraient ensuite reprendre fortement en vue de préparer l'été.

Pour Ryanair, qui achèvera son exercice 2021-2022 fin mars, les prévisions de trafic sur l'année restent inchangées "juste en-dessous" des 100 millions de passagers. En revanche, les projections financières sont plus incertaines, avec une fourchette de pertes nettes comprise entre 250 et 450 millions d'euros.

Léo Barnier

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